19-02-2009 dans Matrices stratégiques
Dans un contexte de crise économique mondiale, alors que le monde entier reste dans l’expectative, la relation déjà tendue entre la Chine et les Etats Unis se dégrade encore de manière significative. Les lourdes conséquences économiques pourraient avoir raison du statu quo sino-américain basé sur une compréhension mutuelle des intérêts de chacun. Le combat pour l’hégémonie mondiale sera âpre, et nous ne serons pas que de simples spectateurs.
La dette américaine : une arme de destruction massive
Après avoir consommé massivement du « Made in China » à crédit, l’économie américaine se retrouve complètement dépendante de son créancier, la Chine. Cette dépendance est dorénavant considérée par l’administration américaine comme très dangereuse. Le risque pour Washington, c’est que Pékin, décide d’utiliser ses importantes réserves en bons du Trésor comme moyen de pression dans les négociations bilatérales sino-américaines. Si, pour quelque raison que ce soit, la Chine décide de vendre une partie de ces investissements, elle pourrait déclencher un véritable effondrement de la valeur du dollar.
Cette crainte est renforcée par les déclarations de dirigeants chinois, exprimant une profonde frustration par rapport aux politiques économiques et financières des Etats-Unis. La Chine en tant que principal créancier semble perdre patience face au manque de discipline financière de Washington, et elle ne semble pas enclin à acheter indéfiniment des bons du Trésor américain. Les conséquences pourraient être terribles pour l’économie américaine. Si la Chine décide de ne plus financer le déficit américain par l’achat massif de bons du Trésor cela se traduira par une remonté des taux d’intérêt à long terme américain, l’enfonçant encore plus dans la récession.
Dans ce contexte, il est difficile pour les Etats-Unis de continuer à mener leurs négociations avec la Chine avec pour seule perspective le recours à la force ou à des sanctions diplomatiques et économiques. Les Etats-Unis ne semblent plus avoir les moyens d’une telle politique, et on peut se demander de quelle marge de manœuvre dispose l’administration américaine face à une Chine qui doit également affronter les conséquences de la crise sur son économie.
La Chine touché par la crise, mais pas coulé
La Chine à subit de plein fouet les conséquences de la crise économique, bien qu’il soit difficile d’en évaluer l’étendue. La chute de la bourse de Shanghai a été violente, divisant par trois sa valeur. Les investissements chinois se sont montrés fort peu judicieux, avec 400 milliards de dollars investis dans Freddy Mac et Fanny Mae, deux institutions placées sous tutelle par le gouvernement américain. L’économie chinoise est aussi extrêmement dépendante de la conjoncture mondiale. Près de 70 % du PIB chinois est lié aux échanges internationaux, dont une très large partie à l’exportation de biens manufacturés. Une baisse massive de ses exportations va renvoyer des dizaines de millions de travailleurs dans les campagnes et créer d’importants troubles sociaux.
Mais la Chine peut rapidement rebondir. Avec la croissance de la demande intérieure chinoise, la Chine pourrait même devenir rapidement le propre moteur de sa croissance. Le plan de relance de plus de 500 Mds de dollars sera une source de croissance endogène de l’économie chinoise. Celle-ci a beau avoir ralenti, ses taux de croissance et ses premières réserves de change au monde continuent à faire pâlir d’envie les grands pays occidentaux.
L’émergence non seulement économique mais aussi politique de la Chine remet en cause le leadership américain et il est évident que les Etats-Unis ne vont pas en rester là. La nouvelle administration américaine aura fort à faire pour relancer la machine économique US. L’élection de Barack Obama ouvre de nouvelles perspectives pour la politique étrangère américaine, mais la situation économique est telle que Washington est dans l’obligation d’agir de manière radicale afin de lutter contre le déséquilibre de sa balance commerciale.
La guerre monétaire est déclarée
La contre attaque de la nouvelle administration américaine donne le ton. Malgré les risques de représailles, le nouveau secrétaire au Trésor américain somme la Chine d’arrêter de « manipuler » le cours du yuan. Accusant le pouvoir chinois de sciemment sous-évaluer leur monnaie afin de soutenir leurs exportations. Cette posture offensive traduit une véritable urgence américaine. Mais face à un pouvoir chinois qui entend garder toute latitude pour lutter contre les effets de la crise économique, cela ne semble pas suffisant. Contre le ralentissement de leurs exportations, et les conséquences sociales qu’elles peuvent produire, le pouvoir chinois n’hésitera pas à laisser filer le cours du yuan.
A défaut d’être convaincante, cette déclaration de guerre monétaire américaine est le premier acte d’un bras de fer sans précédent et ce qui nous attend pourrait reléguer la crise économique au second plan. Face à l’intransigeance du pouvoir chinois, la FED ne semble avoir comme alternative qu’une dévaluation, qui peut être massive, du dollar. La réponse chinoise face à cette « stratégie de la planche à billet américaine » est double. D’une part, une dévaluation automatique du yuan indexé sur le dollar et, d’autre part, un transfert d’une partie des réserves de la banque centrale chinoise libellée en dollar vers l’euro. Ainsi le pouvoir chinois entend à la fois conserver sa compétitivité et sauver son trésor de guerre accumulé grâce à ses exportations. Trésor menacé de fondre comme neige au soleil à cause d’une dévaluation massive du dollar.
Cette guerre monétaire qui débute présage le pire des scénarios : un dollar de plus en plus affaiblit qui perdrait son rôle de monnaie de référence. Le risque majeur serait une réaction en chaîne provoquée par la mise sur le marché des bons du trésor détenus par la banque centrale chinoise. Devant une dévaluation importante du dollar, les fonds souverains du golfe persique se lanceront également dans une course à la diversification de leurs réserves, se réfugiant dans les matières premières et dans l’euro. L’impact de milliards de pétrodollars mis sur le marché serait un véritable cataclysme qui pourrait bien aboutir à une guerre monétaire mondiale.
NF