La Brigade Turque (Guerre de Corée) 1- Présentation:La guerre de Corée, présentée par le président Harry S. Truman comme une "action de police", marqua la première collaboration entre les USA et l’ONU à peine née pour arrêtée l’avance de la guerre froide en extrême-orient.
Au total ce sont 22 nations qui acceptèrent d’envoyer soit des troupes soit des unités médicales. Seize pays répondirent à l’appel de l’ONU par l’envoi de soldats destinés à stopper l’invasion de la Corée du Sud par celle du Nord. L’un des participants majeurs à ce conflit fut la Turquie. Le 1er contingent turc débarqua le 19 octobre 1950 et, variant en personnel, demeura en Corée jusqu’à l’été 1954.
Composition :
1. 241ème RI (3 bataillons d’infanterie)
2. Un battaillon d’artillerie de campagne (3 batteries de 6 obusiers de 105mm + PC)
3. Une Cie de Génie motorisée
4. Une batterie Anti-Aérienne motorisée
5. Une Cie de transport.
6. Une Cie de Transmissions motorisée.
7. Une section anti-tank motorisée.
8. Une Cie médicale.
9. Une unité de réparation et maintenance.
10. Une fanfare
11. Une Cie de remplacement composée de plusieurs services
C’est la 1ère Brigade Turque du brigadier-général Tahsin Yazici qui subit l’épreuve du feu. Cette brigade était constituée de 3 bataillons commandés par les majors Imadettin Kuranel, Mithat Ulunu et Lutfu Bilgon.
Le Commandement des Forces Armées Tuques (CFAT) était une force de combat régimentaire de 3 bataillons d’infanterie soutenue par de l’artillerie et le génie. Ce fut la seule unité de cette taille rattachée en permanence à une division US pour toute la durée de la guerre.
Plus de 500 hommes, dont un groupement de liaison, débarquèrent en avant-garde à Pusan le 17 octobre 1950 en provenance d’Iskenderun avant de se regrouper aux alentours de Taegu. La majorité des volontaires provenait des villages des montagnes de l’est de la Turquie. Pour ces hommes qui venaient de terminer leur service militaire obligatoire de 2 ans c’était non seulement la première fois qu’ils quittaient la Turquie mais aussi pour beaucoup la première fois qu’ils quittaient leur village natal. Pour les simples soldats c’était aussi la première fois qu’ils côtoyaient des non-musulmans. De grandes différences culturelles et religieuses existaient entre les Turcs et les Américains.
Leur commandant, le général Yazici, avait combattu les Anglais à Gallipoli en 1916. Il était tenu en haute estime au sein de l’armée et avait volontairement baissé de rang pour pouvoir commandé la brigade, à l’instar du général Monclar pour les Français. Il avait cependant un défaut majeur : Il ne parlait et ne lisait que très mal l’anglais, bien qu’il ait été rattaché à une division américaine Ce problème de langue allait se révéler préjudiciable en termes de compréhension des ordres et de déploiement des troupes.
Le commandement américain n’avait pas pris conscience des problèmes de coordination, logistique et par dessus tout de communication. Une nourriture peu familière, les besoins en tenues de combats et moyens de transport allaient créer plus de problème qu’il n’avait imaginé. Les musulmans ne mangent pas de porc. Or, la ration de combat américaine de base en contenait à peu près invariablement. Une usine japonaise fut louée pour produire une nourriture satisfaisant à ces exigences religieuses. Le pain posa un autre problème. Les Turcs préféraient un pain consistant non fabriqué à base de farine blanche avec un café fort et très sucré. L’Armée parvint cependant à satisfaire ce genre de besoins en même temps que ceux des autres forces alliées.
Peu d’officiers de liaison étaient rattachés aux compagnies turques, ajoutant aux problèmes que ces dernières rencontrèrent aux début de leur engagement sur le terrain. De mauvaises interprétations des ordres données furent la résultante du manque de communication entre les alliés. Ce type de problème, tout d’abord jugé mineur, se trouva exacerbé dans le feu des combats.
L’arrivée des Turcs en Corée fit l’objet d’une grande publicité. L’apparence féroce des soldats, leurs grandes moustaches et leurs longs coutelas semblaient être l’incarnation du rêve de tout correspondant de guerre. Bien qu’ils n’aient pas été engagés dans un conflit d’importance depuis la 1e guerre mondiale, les soldats turcs bénéficiaient d’une réputation de solides et rudes combattants qui préféraient toujours l’offensive et qui ne faisaient pas de quartier. La plupart des volontaires étaient jeunes et portaient au côté une sorte de sabre qui pour les Américains et les autres soldats alliés à de longs couteaux ou pour le moins une arme étrange. Leur forte inclination à les utiliser en combat au corps à corps incitait les combattants des autres nations à éviter de les provoquer.
2- Baptême du feu : La poussée vers le Yalu:Montée vers le nord
C’est au patchwork des forces onusiennes, principalement constitué d’Américains mais aussi d’unités en provenance de 16 pays que fut donné l’ordre de monter une attaque massive destinée à terminer la guerre au plus vite. L’engagement du général McArthur à relever 2 divisions et à ce que les "boys " et la Chine. D’aucuns émirent des objection à ce plan, en particulier les général de la 8e Armée Walton Walker, mais ces dernières furent rapidement repoussées par l’état-major de McArthur. Les officiers sur le terrain allaient dès lors engager leurs hommes dans une sanglante campagne sans que leur voix n’ait été entendue.
Les rapports indiquaient la présence de troupes chinoises fin octobre-début novembre mais McArthur choisit de les ignorer. Walker tenta plusieurs fois de retarder l’offensive en prétextant du manque de soutien et de réserves mais ne fit qu’irriter davantage le commandant en chef des forces alliées en Corée. La poussée dut donc se faire, sous les rigueurs du climat coréen. Les différentes unités n’avait l’équipement requis pour des opérations de types "arctique". Très rapidement les premiers cas de sévères engelures firent leur apparition.
Au cours de cette pénible avancée la 8ème Armée s’étira davantage à mesure qu’elle progressait vers le nord.
En quittant la pointe de la péninsule coréenne elle se trouvait face à un territoire nettement plus élargi et nécessitant toujours plus d’hommes pour le couvrir. L’ordre de bataille était le suivant : Ier Corps Américain comprenant la 24ème DI, la 27ème Brigade Britannique et la 1ère DI de l’Armée de la République de Corée (ARC) ainsi que le 9ème Corps américain comprenant les 2ème et 25ème DI US, la 1ère Brigade Turque et les 6ème, 7ème et 8ème DI de l’ARC. La 1ère Division de Cavalerie (US) se trouvait en réserve.
Walker progressait avec précaution. Les derniers rapports de la fin novembre indiquait une inquiétante montée en puissance des troupes chinoises au delà de la frontière. D’après ces rapports, les "volontaires" chinois seraient passés de 40 à 98 000 hommes. Ils étaient encore en dessous de la vérité.
En face du 9ème Corps se trouvait le 13ème Groupe d’Armées de la 4ème Armée de Campagne Chinoise, constituée de 18 divisions pour un total d’au moins 180 000 hommes. Plus à l’est, face au 1er Corps, ce sont les 120 000 hommes
(12 divisions) du 9ème Groupe d’Armées de la 3ème Armée de Campagne qui attendaient les forces de l’ONU.
Douze divisions (65 000 hommes) de l’Armée Populaire de Corée (APC) renforçaient encore ces effectifs déjà largement surnuméraires. Un mouvement de guérilla estimé à 40 000 hommes harcelaient les forces alliées sur leurs arrières. C’est donc peu de dire que l’ennemi avait été gravement sous-estimé.
Le 19 novembre la 25ème DI quitta Kaesong à 6h00 pour atteindre la ville minière de Kunu-Ri à 2h00 le matin suivant. Le lendemain la 1e Brigade Turque, sans moyen de transport, fut elle aussi dirigée vers la ville en tant que réserve.
La 8ème Armée était séparée en 2 par le fleuve Chongchon.
Dès le 22 novembre les objectifs de la Brigade Turque, neutraliser les patrouilles nord-coréennes dans leur secteur, était atteint. Elle reçut alors l’ordre de prendre contact avec la 2ème DI sur le flanc droit du 9ème Corps. Les dernières informations faisaient état d’un régiment chinois au nord-ouest de Tokchon. Malgré la demande du brigadier-général Yazici aucun renseignement supplémentaire sur ce régiment et sur l’état des DI de l’ARC ne lui fut communiqué.
Le 26 novembre les Forces Communistes Chinoises (FCC) lançaient une attaque majeure et coordonnée sur les 1er et 9ème Corps. Les FCC se précipitèrent vers Tokchon en s’opposant au 2ème Corps de l’ARC (front central) qui n’avait en aucun cas les moyens de soutenir une telle attaque et qui s’effondra.
L’assaut chinois:L’assaut chinois prit rapidement des proportions alarmantes et les Turcs reçurent l’ordre de protéger le flanc droit des forces onusiennes. Le 1er bataillon fut transporté par camion à Wawon, à 24km à l’est de Kunu-Ri, à environ mi-chemin de Tokchon. De là les camions partirent chercher le 2ème bataillon. Comme le nombre de camions se trouva être insuffisant, une partie de la brigade dut rejoindre son secteur à pied.
Le 27 novembre, la brigade reprit la marche à 5h30. Alors que les unités grimpaient les fortes pentes de la chaîne de Karill Yon et que les unités avancées descendaient déjà dans la vallée de Tokchon (14h30), la brigade reçut l’ordre de s’arrêter où elle se trouvait et d’établir une position défensive. Mais Yazici avait remarqué une nouvelle apparemment sans importance : "L’aviation a repéré une troupe de nationalité inconnue de la taille d’un régiment aux environs de Changsangni". Yazici perçut cette information comme une menace et décida de ne pas installer sa ligne de défense là où il se trouvait mais à Wawon, plus à l’ouest. Cette décision allait se révéler capitale pour la suite des évènements.
Les unités de reconnaissance se transformèrent en unités d’arrière-garde qui empêchèrent l’ennemi de frapper la brigade de nuit en faisant diversion à l’assaut qui débuta dans la nuit du 27 au 28.
A 8h00 le 28 novembre la bataille de Wawon débuta. Les Chinois attaquèrent en masse, par vagues, chaque assaut se trouvant finalement repoussé. Plusieurs combats au corps à corps, baïonnettes chinoises contre épées turques eurent lieu. Dans l’après-midi, il devint clair que les FCC tentaient de couper la route Kunu-Ri / Wawon sur les arrières de la brigade. Yazici ordonna alors de se préparer à la retraite vers Sinnim-Ni. A cet instant les 2 flancs de la brigade étaient totalement à découvert, la 2ème DI sur la gauche ayant déjà abandonné le terrain. C’est la 9ème Cie qui encaissa le gros de l’assaut alors qu’elle couvrait la retraite du reste de la brigade. La 10ème Cie (3ème bataillon) reçut l’ordre de former la dernière ligne de défense. Le commandant du 3ème bataillon, le major Lutfu Bilgin envoya la 9ème Cie protéger le flanc des Cie 10 et 11. Les Chinois ne mirent pas la pression sur la 10ème au détriment des 2 autres.
En milieu de matinée du 28 novembre les Chinois finirent par percer et débordèrent la 9ème Cie dont de nombreux hommes furent tués, y compris le major Bilgin.
Les Turcs se mirent en route à 18h30. Les premiers arrivés à Sinnim-Ni se hâtèrent de se mettre en position défensive. Pendant que les unités les mieux positionnées continuaient à défendre le terrain, celles en mauvaise position continuèrent leur route vers Kunu-Ri. La plupart d’entre elles reçurent et obéirent à l’ordre de Yazici de se regrouper et de former une nouvelle position défensive. Néanmoins, les troupes chinoises étaient tellement en surnombre que l’assaut général lui-même ne pouvait en rien être stoppé.
Avant midi le 29 une contre-attaque fut menée pour briser l’encerclement dont étaient victimes le 2ème bataillon et la 2ème Cie. L’opération réussit et les différentes unités purent rejoindre Kaechon où les Chinois multiplièrent leurs assauts, chacun d’entre eux se brisant sur les défenses turques. Yazici ordonna à toutes les unités de se retirer à l’ouest de Kaechon. Avant qu’elles n’aient parcouru 2km depuis la ville elles furent réduits en plusieurs groupes sous des tirs efficaces en provenance de 3 directions différentes. Avant la tombée de la nuit la route Hacham/Kunu-Ri était coupée et la brigade encerclée. A 17h15 le 1er bataillon parvint à briser l’encerclement malgré la dispersion des sections et le manque de communications. Les contre-attaques et infiltrations turques durèrent toute la nuit, permettant à la brigade de quitter le secteur d’Hacham.
Le 30 novembre, sur la route de Sunchon, la brigade fut de nouveau encerclée. La passe de Sunchon était aux mains des FCC depuis déjà 2 jours. Les contre-attaques menées par la 2ème DI au nord et la 27ème Brigade Britannique au sud avaient été sans résultat. Après un court repos l’infanterie turque se lança à l’assaut de la passe, épaulée par l’infanterie et les blindés américains. La route vers Sunchon fut de nouveau ouverte.
Au 30 novembre la Brigade Turque n’existait virtuellement plus en tant qu’unité combattante.
Yazici décoré de la Silver Star