Maroc exploration du Gaz/pétrole lourd

Alors que la ministre de la Transition énergétique, Leila Benali entretient le flou sur les sources d’approvisionnement en gaz naturel liquéfié (GNL) traité par des usines espagnoles avant son transfert au Maroc via le gazoduc GME, les commentaires vont bon train en Europe sur le contrat conclu fin juin avec le géant allemand de l’électricité RWE et dont Rabat n’a jamais confirmé ni l’existence, ni la teneur

« La compagnie d'électricité allemande RWE est venue au secours du gouvernement du Maroc, garantissant l'approvisionnement en gaz des foyers et des industries du royaume alaouite, un luxe dont ne peuvent profiter les citoyens européens, qui s'apprêtent à affronter le rationnement l'hiver prochain », écrit la presse ibère, qui d’emblée fait l’amalgame entre le gaz naturel liquéfié (GNL) acheté sur le marché international et traité dans les usines de regazéification espagnoles puis envoyé pour un usage industriel au Maroc via le gazoduc maghrébin (GME) - qui opère désormais en sens inverse- , et celui destiné à une consommation domestique.

Les mêmes sources ajoutent que cette « opération de sauvetage réside dans les difficultés que rencontre le pays (…) pour mener à bien les démarches nécessaires permettant à l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE) d'obtenir la certification » pour s’approvisionner à l’international.

Une étude commandée par l’ONEE

Des experts du secteur de l’énergie avancent que l’ONEE a fait appel à un des Big Four du conseil pour lui commander une étude sur les incidences fiscales, commerciales, douanières et financières. Compte-tenu du fait que ce cabinet n’a pas rendu sa copie, c'est l'électricien allemand RWE qui « utilise sa licence de commercialisation » pour acheminer le précieux gaz au Maroc, ajoute-t-on.

Pour rappel, le flux de gaz de l'Espagne vers le Maroc via le gazoduc GME a commencé le 28 juin, compensant la perte d'approvisionnement causée par le refus de l'Algérie de continuer à livrer son gaz vers l'Espagne via cette infrastructure.

L’intervention de RWE aurait ainsi créé des remous en Allemagne, mais aussi dans d’autres pays de l’Union européenne au moment où Berlin a « relevé le niveau d'alarme de son plan d'urgence, lançant la deuxième phase de celui-ci en raison de la possibilité que Gazprom ne reprenne pas le flux de gaz via Nord Stream 1 ».

Des pressions venues de l’OTAN ?

 « C'est du jamais vu qu'on dise aux entreprises et aux familles de se préparer au rationnement tout en assurant l'approvisionnement d'un pays non européen qui n'est même pas dans l'OTAN », pointent des sources diplomatiques citées par la presse espagnole qui attribuent cette opération à des pressions qui seraient venues de l'Alliance atlantique.

Et tout cela se déroule au moment où les ministres de l'Énergie des 27 étudient la proposition de la Commission européenne – dans le cadre du programme RePower EU – d'établir un « rationnement solidaire », de sorte que les pays qui ont garanti l'approvisionnement en gaz seront contraints d’aider ceux qui font face à des difficultés, argumente-t-on.

« Dans cette situation, ce que l'Allemagne devrait faire, c'est utiliser sa capacité politique et commerciale pour remplir ses réservoirs de stockage au lieu d'aider le Maroc », soulignent les mêmes sources.

Bruxelles veut en effet contraindre les gouvernements européens à réduire la consommation de gaz de 15 % grâce à un plan d'urgence destiné à sauver l'Allemagne des conséquences d'un manque d'approvisionnement au cours de l'hiver à venir. Une opération de sauvetage « contrariée par la ministre espagnole de la Transition écologique, Teresa Ribera, qui a aidé à ce que RWE vienne en aide au Maroc ».

Cependant, cette action de RWE ne sera que ponctuelle, l’ONEE se préparant activement à agir directement sur le marché international, prétendent les mêmes sources. La ministre de la Transition énergétique et du développement durable, Leila Benali, avait à maintes reprises fait savoir que le « processus est en cours », assurant qu’il n’y avait « rien d’inquiétant » à ce sujet. Fin juin, elle promettait encore que le premier contrat allait être signé « dans la semaine », mais ne précisant pas s’il s’agissait de l’opération conclue avec RWE Trading ou autrement.

Deux cargaisons ont été déchargées le 25 juin, l'une au terminal de Huelva et l'autre au terminal de Carthagène, selon les données de suivi des navires de Kpler, avait rapporté le site spécialisé Energy Intelligence qui dévoilait le 29 juin le contrat conclu avec RWE.

Un contrat allemand de 70 à 90 M €

Dans son édition du 8 juillet, TelQuel apportait des précisions chiffrées sur ce contrat évalué entre 70 et 90 millions d’euros : il s’agirait ainsi de gaz américain obtenu d’un « trader allemand » sur le marché européen, soit « une option ferme sur 683 GWh de GNL équivalent à 70 millions de m3 (…) pour une livraison allant du 28 juin au 31 décembre ». La même source précisait que la première livraison était de 128 GWh, soit 13 millions de m3 au prix de 128 euros le GWh au tarif du marché européen à date. Des informations que ni l’ONEE, ni l’Office national des hydrocarbures (ONHYM), qui avaient communiqué à minima sur l’activation du GME en flux inversé, n’ont voulu commenter au magazine.

C'est l'opérateur espagnol Enagás qui certifie que le gaz acheminé par le tube maghrébin a été acheté sur les marchés internationaux, car l'Algérie a menacé de couper l'approvisionnement de l'Espagne (qu'elle effectue via Medgaz) si elle découvrait que Madrid vendait du gaz algérien à Rabat.

A Rabat, on confirme que l'ONEE a entamé des négociations avec plusieurs fournisseurs pour assurer à long terme l'acheminement du GNL par méthaniers. Le contrat durera dix ans et débutera en janvier 2023. L'objectif prioritaire du royaume étant de garantir le fonctionnement de certaines de ses centrales électriques, celles de Tahaddart dans le nord et Beni Mathar dans l’Oriental.