GlaivedeSion General de Brigade
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| Sujet: Examen du rapport d’information sur les drones:(France) Lun 7 Déc 2009 - 12:49 | |
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La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné le rapport d’information de MM. Yves Vandewalle et Jean-Claude Viollet sur les drones. La séance est ouverte à dix heures. M. le président Guy Teissier. Nous sommes réunis ce matin pour entendre les rapporteurs Jean-Claude Viollet et Yves Vandewalle nous rendre compte de leurs réflexions sur les drones. La mission a été créée le 29 avril dernier et nos collègues ont effectué un travail important, se rendant en Israël, en Afghanistan, aux États-Unis, à Londres, Berlin et Bruxelles, de même qu’à Chaumont et Élancourt pour ce qui concerne la France. Nous savons l’importance de cette question pour l’avenir et la crédibilité de notre défense. La connaissance et l’anticipation sont désormais au premier rang des priorités stratégiques de notre pays et les drones sont de ce point de vue un outil indispensable pour le renseignement mais aussi la protection de nos troupes au sol. Le besoin se fait d’autant plus sentir que nos soldats sont engagés dans des opérations extérieures (OPEX) de plus en plus difficiles, comme nous le voyons en Afghanistan. Or, la situation n’est pas encore satisfaisante et il nous faut réfléchir aux besoins exacts des armées dans un contexte financier évidemment difficile. M. Yves Vandewalle, rapporteur. Le Livre blanc a servi de feuille de route dans notre travail sur les drones. Ces aéronefs pilotés à distance sont une assistance majeure pour les décideurs et les combattants. Ils ont connu des développements rapides, notamment à l’occasion de la première guerre du Liban, avant d’être massivement utilisés en Irak et en Afghanistan. Cela explique qu’Israël et les États-Unis soient les deux pays en tête dans ce domaine. Il n’existe pas de classification officielle des drones, mais un consensus s’est dégagé pour les répartir en plusieurs segments. Le premier est celui des drones de haute altitude et longue endurance (HALE), volant à plus de 20 000 mètres d’altitude, dont le seul exemple est le Global Hawk américain. Il s’agit d’un segment peu intéressant pour la France qui dispose de moyens satellites suffisants. Opérant entre 5 000 et 15 000 mètres, les drones de moyenne altitude et longue endurance (MALE) sont certainement les plus importants. Notre SIDM-Harfang en fait partie. L’autonomie de certains des drones MALE peut s’élever jusqu’à une trentaine d’heures. À plus basse altitude, les drones tactiques sont déployés en soutien aux forces engagées en opération. Enfin, les minidrones, tels que le DRAC français et les microdrones sont de petits engins, d’une portée maximale d’une dizaine de kilomètres, destinés à des usages tactiques et de renseignement. Il s’agit d’un marché émergent à forts enjeux politiques et industriels. L’Europe compte des acteurs industriels relativement nombreux sur le segment tactique. Mais seule l’entreprise EADS a une production sur le segment MALE, en s’appuyant sur une plateforme israélienne produite par la société Israel Aerospace Industries (IAI). IAI a quant à elle investi près d’un milliard de dollars dans le développement de ses drones, au point de disposer d’une gamme complète, éprouvée par près de 500 000 heures de vols. Elle est aujourd’hui à la recherche de partenariats. Les coûts de développement des drones MALE s’élèvent à plusieurs centaines de millions d’euros et ce marché se caractérise par des effets d’échelle importants. Aux États-Unis, l’entreprise General Atomics fabrique quatre Predator B dits Reaper par semaine, lorsque le SIDM-Harfang français a été produit à quatre exemplaires seulement. Ces investissements se justifient par les nombreux atouts des drones, dont la principale valeur ajoutée est l’endurance, qui permet la permanence sur zone. Ils peuvent être employés à des actions très diverses, telles que la surveillance ou l’écoute des communications. Cela est rendu possible par la modularité de ces appareils, leur deuxième atout majeur. Ainsi, les opérateurs du SIDM-Harfang envisagent de substituer des pods de transmission de données ROVER aux radars. Nous avons peiné à obtenir des informations claires sur les coûts. S’agissant de nos drones MALE, les coûts de possession sont clairement élevés, le soutien industriel d’une heure de vol s’élevant à près de 12 600 euros. Mais cela vient en grande partie d’effets d’échelle. L’administration américaine du Homeland Security estime quant à elle le coût d’une heure de vol de Predator B à 3 600 dollars, soit deux fois mois que pour leurs avions de surveillance maritime, les P3 Orion. Les drones s’insèrent dans un système global de renseignement, aux côtés des Awacs ou encore du renseignement humain, la direction du renseignement militaire jouant un rôle important pour la synthèse des informations. En effet, ces appareils permettent la diffusion d’informations en temps réel, dès lors qu’ils sont équipés des dispositifs de transmission des images adéquats. Cela soulève des enjeux industriels non négligeables, notamment en termes d’interopérabilité. On a vu notamment que des standards de fait se sont imposés sur le théâtre afghan. Pour sa part, le système de drone tactique intérimaire (SDTI) français sera bientôt équipé par un dispositif conçu par la société Sagem. À côté de ces missions traditionnelles de surveillance, les drones assurent également des missions de combat. S’il était difficile d’approfondir ce sujet en Israël, nous avons pu obtenir des informations précises aux États-Unis. En outre, le rapport aborde les usages futurs, et notamment les potentialités des drones en matière d’aérolargage, d’héliportage ou encore d’évacuation des blessés. Nous avons rencontré les représentants d’une PME alsacienne produisant un drone pouvant transporter 250 kilogrammes qui pourrait être employé pour des usages humanitaires ou pour le ravitaillement de bases avancées. Si en Israël c’est la composante aérienne de Tsahal qui opère les drones, chaque arme gère les sienne de façon très cloisonnée aux États-Unis. En France comme au Royaume-Uni, chaque armée opère également les siens. Cela fonctionne bien ainsi, mais nous souhaitons que soit désigné un seul et même pilote pour la maintenance et le soutien. M. Jean-Claude Viollet, rapporteur. En ce qui concerne les capacités en drones, les pays les plus abondamment dotés sont les États-Unis et Israël. Les Américains se fixent l’objectif de pouvoir conduire simultanément 50 missions permanentes, regroupant chacune une station sol et quatre vecteurs. D’une seule en 2001, ils en disposaient de 34 en 2008, soit 200 000 heures de mission possibles, et visent aujourd’hui les 54 capacités en 2011. Tous leurs moyens sont interopérables, ce qui permet la circulation d’un maximum d’informations en temps réel. On notera par ailleurs qu’ils ont déployé des drones aux Seychelles pour lutter contre la piraterie maritime. En Israël, nous n’avons pas obtenu d’informations précises sur les capacités de Tsahal, mais on peut les estimer. Outre des minidrones Skylark en grand nombre, elle dispose de drones tactiques Hermes 450, appareils éprouvés par plus de 150 000 heures de vol et dont l’attrition est particulièrement faible, d’un vecteur toutes les 10 000 heures de vol. Leur empreinte logistique est limitée, l’ergonomie de la station sol est fort élaborée et les fonctions de décollage et d’atterrissage automatiques sont très maîtrisées. Le drone Hermes 450 sert de base au Watchkeeper britannique, développé dans le cadre d’un partenariat entre Thales UK et Elbit. Sur le segment MALE, les Israéliens disposent de drones Heron 1 et Heron TP. Ce dernier vient d’être mis en service opérationnel et bénéficie d’une ergonomie remarquable : un opérateur est chargé des opérations de décollage et d’atterrissage et deux sont en charge de la conduite de la mission. Les Israéliens proposent beaucoup de solutions de location de service, y compris dans l’exploitation du renseignement. En Europe, le Royaume-Uni fait montre d’ambitions comparables aux nôtres. Il développe actuellement le démonstrateur MALE Mantis qui a récemment effectué son premier vol. Le programme Watchkeeper sera mis en service opérationnel en 2010 et, en attendant, Thales UK assure une prestation de location dans le cadre du contrat Lydian, qui comporte quatre systèmes Hermes 450 ayant effectué plus de 20 000 heures de vol, avec un taux de disponibilité de 97 % et ne mobilisant que 10 opérateurs. L’Allemagne dispose de drones tactiques et nourrit un grand intérêt pour les autres segments. En ce qui concerne les drones MALE, si les Allemands se montrent favorables à une coopération européenne, ils ont opté à court terme pour une solution de location de services proposée par les entreprises IAI et Rheinmetal. Sur le segment HALE, outre l’acquisition patrimoniale de Global Hawk, ils investissent dans le programme Alliance Ground Surveillance (AGS) de l’OTAN. L’Italie est un acteur majeur en Europe dans le domaine des drones, grâce à la société Finmeccanica. Celle-ci nourrit des ambitions internationales qui se sont notamment traduites par un développement externe aux États-Unis. Le gouvernement italien s’intéresse aux drones de combat, mais aussi au segment MALE. Il a ainsi manifesté son intérêt pour le projet britannique Mantis même si, en attendant de développer des capacités propres, il a acheté des drones américains Predator A et B, déployés en Irak puis en Afghanistan. L’OTAN conduit le programme AGS qui vise à se doter d’une capacité autonome en drones HALE de huit vecteurs et 15 stations sol, dont 11 mobiles. Les premières capacités seront livrées en 2012 et les dernières en 2014. L’Allemagne en finance 29,4 %, soit environ 400 millions d’euros. Si la France s’est retirée de ce programme en 2007, elle reste liée en termes d’interopérabilité. Notre pays a quant à lui déployé des capacités en Afghanistan, mais celles-ci risquent aujourd’hui la rupture. Le Livre blanc a fait de la fonction connaissance et anticipation la première fonction stratégique et préconise de disposer de moyens suffisants pour intervenir sur deux théâtres simultanément tout en conservant des capacités en métropole. Or, pour le moment, nous ne disposons que de capacités intérimaires. Je rappelle que le SIDM-Harfang avait été développé en attendant l’EuroMALE, projet qui a finalement été abandonné. Le SIDM-Harfang été livré en retard. Acquis pour 41 millions d’euros, le système, composé d’une station sol et de trois vecteurs, présente un potentiel intéressant et a été déployé en septembre 2008 pour la venue du Pape à Lourdes. Depuis janvier 2009, il est mis en œuvre en Afghanistan, son premier vol sur ce théâtre ayant eu lieu le 17 février. Il faut d’ailleurs souligner le véritable exploit accompli par les techniciens de l’armée de l’air, soutenus par EADS, pour assurer ce déploiement dans des délais aussi brefs. Au cours des débats budgétaires, le ministre a annoncé l’achat d’un quatrième vecteur et d’une seconde station sol. Cela permettra d’assurer la formation et l’entraînement en France et non directement en Afghanistan. En ce qui concerne le segment tactique, nous disposons de deux systèmes SDTI, dont un est déployé en Afghanistan sur la base avancée de Tora. Il s’agit d’un drone catapulté, dont l’atterrissage est assuré par un système de parachute et de coussins d’air. Ce parc a récemment été renforcé par l’acquisition de six vecteurs canadiens d’occasion, de catapultes plus performantes ainsi que de trois vecteurs neufs achetés auprès de la société Sagem. Sur le segment des minidrones, nous disposons de DRAC, dont la cible d’acquisition initiale était de 160 systèmes, ramenée à 110 en programmation. Les 25 premiers ont été livrés et 35 autres sont en cours de réception. Ce drone a connu des problèmes d’interférences entre le dispositif GPS et l’infrarouge, ainsi qu’une surchauffe du moteur dans la phase de prise d’altitude. Cela semble compromettre la commande d’une nouvelle tranche conditionnelle de 50 systèmes. Outre ses DRAC, le commandement des opérations spéciales (COS) s’est également doté de Skylark israéliens. Nos capacités présentées, je voudrais revenir brièvement sur le déploiement de nos drones en Afghanistan. Nous nous sommes rendus dans ce pays et avons constaté que le SIDM-Harfang, fondé sur une plateforme Heron 1, se distinguait par son excellente ergonomie. La liaison satellite, conçue par EADS, n’a pu être mise en œuvre qu’en repositionnant un satellite pour un coût de six millions d’euros. Elle fonctionne aujourd’hui de façon remarquable. Sur place, nous avons bénéficié du prêt d’un hangar américain, ce qui a facilité l’installation. L’empreinte logistique est importante, de l’ordre de 40 militaires et d’un ou deux techniciens d’EADS. Le coût du soutien industriel est d’environ 90 millions d’euros pour quatre années. L’attrition s’est révélée importante : un drone a été endommagé et un autre a connu des problèmes de moteur. Au moment de notre passage, un seul volait. Pour améliorer les choses, il semble qu’il faudrait remplacer les moteurs à injection par des moteurs à carburation. L’optronique et le système radar sont déjà un peu anciens. On pourrait donc envisager de se doter de capteurs électromagnétiques et d’équiper les vecteurs de caméras sur dérive de nuit, seule la moitié des vols étant effectués de jour. Le SDTI est particulièrement utile et apprécié. Les deux tiers de ses missions sont de l’appui aux troupes au sol, l’autre tiers étant consacré au renseignement. L’installation des dispositifs de transmission de données RVT-ERS devrait être un progrès. La difficulté est que le SIDM-Harfang comme le SDTI courent aujourd’hui un risque de rupture, certes atténué par les récents achats de drones tactiques. Nous devons donc envisager de compléter nos parcs, en tenant compte de l’enjeu industriel global, puisqu’on estime qu’en dehors des États-Unis, le marché des drones représentera de huit à 10 milliards d’euros au cours des 10 prochaines années, et le double si l’on inclut les États-Unis. M. Yves Vandewalle, rapporteur. La rupture capacitaire est proche. Même si elle est difficile à déterminer avec précision, elle interviendra avant 2014. Les moyens en programmation ne permettront pas de satisfaire les besoins. Sur la période 2009-2014, 280 millions d’euros de crédits de paiement sont ainsi inscrits, répartis en 141 millions d’euros pour le segment tactique et 139 pour les MALE. Les décisions nécessaires doivent intervenir rapidement, selon nous au premier semestre 2010. La question se pose surtout pour le segment MALE qui est le plus dimensionnant sur les plans militaires et industriels. Nous souhaitons que nos industriels restent dans la course. La première question est de savoir si l’on peut compléter le parc de SIDM-Harfang. A priori cela semble difficile, du fait des mauvaises relations entre les cotraitants et des contraintes du code des marchés publics. De plus, ce système est ancien et il semble préférable de se concentrer sur la préparation des nouvelles générations de drones. Trois grandes solutions européennes sont devant nous. L’Advanced UAV-Talarion d’EADS projet né à la suite de l’échec de l’EuroMALE. L’appareil serait particulièrement performant, sauf peut-être en matière de furtivité. Une étude de risque de 60 millions d’euros a été conduite, financée à parts égales par l’Allemagne, l’Espagne et la France, avec semble-t-il des résultats favorables. Mais ce programme est très coûteux, de l’ordre de 2,9 milliards d’euros, dont 1,4 pour le seul développement. Le président d’EADS nous a indiqué que la France devrait contribuer à hauteur de 380 millions d’euros d’ici à 2014. Surtout, ce projet soulève des problèmes de coopération avec l’Allemagne, ce pays paraissant hésitant si l’on en juge par les propos que nous a tenus le secrétaire d’État à la défense à Berlin. Les financements ne semblent pas encore prévus et l’armée de l’air allemande dit avoir besoin d’environ une année supplémentaire pour définir son besoin. Or, il faudrait au mieux sept années pour développer ce programme. Tout cela ne laisse donc espérer une mise en service qu’en 2018 voire 2020. La seconde hypothèse est le projet de système de drones MALE (SDM) présenté par Dassault Aviation et Thales, sur le fondement d’un Heron TP israélien. Il s’agit d’un programme de 700 millions d’euros, devant être mené à bien en quatre années. Cela semble assez crédible, cette plateforme étant déjà en service en Israël. La troisième possibilité est le projet Mantis, conduit par BAE Systems. Le ministre britannique nous a clairement proposé une coopération bilatérale sur ce programme, associant Dassault et Thales. Une telle coopération aurait le mérite de rassembler les deux principaux avionneurs de combat européens. Ces trois hypothèses impliqueraient des solutions transitoires, telles que l’offre de location proposée par Dassault et Thales. À défaut, une solution d’achat sur étagère est envisageable, auprès des industriels américains ou israéliens, de drones Predator ou Heron TP. Sur le segment tactique, nous considérons que, sur une marché suffisamment bien achalandé, il faudra examiner la question des drones à voilure tournante, qui seuls peuvent répondre aux besoins de la marine. Cette technologie suscite également l’intérêt de l’armée de terre, mais nous sommes assez réservés sur ce point car le coût de possession de ces drones est assez élevé. S’agissant des minidrones, nous considérons qu’il faut laisser les opérationnels guider les achats en fonction des besoins. Enfin, ces éléments ne doivent pas occulter les travaux menés pour concevoir un drone de combat. Les États-Unis ont déjà fait voler un démonstrateur, tandis qu’en France, le nEUROn doit voler dès l’année prochaine. Le rapport aborde également la nécessité d’une approche interministérielle. Aux États-Unis, nous avons constaté que les drones sont utilisés à des fins civiles, telles que le renseignement ou la lutte contre la criminalité. Par exemple, l’administration de la Customs and Border Protection dispose de cinq drones Predator B et en attend deux autres pour des actions de surveillance maritime. Elle bénéficie ainsi de coûts à l’heure de vol très compétitifs par rapport aux moyens classiques. Les États-Unis ont également recouru à de la location de services par la société Elbit pour la surveillance de la frontière avec la Mexique. Le Brésil quant à lui a récemment signé un contrat avec la société IAI pour la fourniture de 14 drones MALE pour de la surveillance policière. En France, certaines administrations nourrissent également un grand intérêt pour cette technologie. La police a développé un démonstrateur, avec un marché potentiel de 100 vecteurs. Les douanes conduisent une réflexion depuis près de dix ans. La sécurité civile est elle aussi intéressée. C’est ce constat qui nous conduit à prôner une approche interministérielle des besoins. Un tour de table devrait permettre d’examiner les mutualisations possibles, par exemple en réunissant des techniciens des douanes, de la police ou de la gendarmerie pendant les phases d’entraînement aux côtés des opérateurs militaires. Restera à déterminer la façon dont chacun contribuera à l’effort commun. Å côté de cela, il demeure des problèmes techniques à résoudre pour l’insertion des drones dans l’espace aérien civil. Les responsables de la direction générale pour l’aviation civile nous ont indiqué que, grosso modo, le droit actuel appliquait aux drones les mêmes exigences qu’aux avions, à savoir que le pilote puisse changer immédiatement le cours de l’appareil dès l’appel du contrôle. Cela n’est pas compatible avec le réel, d’où les travaux autour des technologies dites « voir et éviter », coordonnés par l’agence européenne de défense. La deuxième difficulté tient à la gestion du spectre électromagnétique. Les drones sont très consommateurs de bande passante, notamment pour la transmission des images. Ce problème des moyens de communication pour le transit des données est dimensionnant : en Afghanistan, il nous a fallu louer des moyens satellites civils. M. Jean-Claude Viollet, rapporteur. Nous formulons des propositions sur le plan de la méthode : nos moyens étant limités, nous devons mieux structurer le besoin public avant de lancer les procédures d’acquisition. Concrètement, la démarche que nous préconisons a pour préalable de repréciser le besoin militaire dans une démarche interarmées, sans oublier la direction du renseignement militaire. Il faut ensuite organiser un tour de table interministériel avant de rencontrer les industriels pour déterminer comment établir les meilleures coopérations possibles au niveau national, européen, voire au-delà. De ce point de vue, l’État a le devoir de mettre fin à la « récréation » en s’interdisant tout saupoudrage des crédits de recherche chez tous les industriels, afin de ne pas soutenir de doublon. Enfin, un comité interministériel d’investissement pourra engager les programmes retenus. Ceux-ci gagneraient à être mis en œuvre à l’appui d’un plateau technique afin d’éviter la superposition des spécifications, en avançant par étapes successives. Le suivi du Parlement est évidemment nécessaire tout au long de ce processus. En ce qui concerne la stratégie industrielle, nous devons développer nos domaines d’excellence qui sont incontestablement la production de capteurs et leur intégration avant de favoriser des synergies. Si notre pays dispose de grandes entreprises remarquables, il ne faut pas oublier son réseau de PME riche et innovant, parfois en pointe dans leurs secteurs. Elles doivent en particulier essayer de se positionner sur des marchés de niche, tels que les minidrones. L’État a la responsabilité d’affirmer sa vision pour entraîner des partenariats industriels, afin d’être en ordre de marche pour un projet européen. Déjà nombre de pays européens se positionnent. Il y a donc urgence à agir. M. le président Guy Teissier. Je remercie les rapporteurs pour la qualité de leur travail. Il s’agit d’un rapport complet et extrêmement détaillé qui met en lumière tant les lacunes que les réussites de la France dans ce domaine. M. Gilbert Le Bris. J’aurai trois questions à poser aux rapporteurs. La première est d’ordre technique : compte tenu des excellences technologiques qu’ils ont évoquées, sur quelles charges embarquées la France est-elle en mesure de faire la différence, notamment dans le domaine des drones MALE ? Ma seconde question est stratégique : compte tenu de la contrainte financière, dans quel secteur est-il important de disposer de la maîtrise technologique complète : celui des vecteurs ou celui des charges embarquées ? Enfin, ma dernière question est opérationnelle : quels sont les points, sur les drones actuels, pouvant faire l’objet d’améliorations ? M. Yves Vandewalle, rapporteur. Concernant les charges embarquées, nos industriels se situent clairement au meilleur niveau mondial. Ils peuvent en effet fournir l’ensemble des types de capteurs. Or, les capteurs représentent les trois quarts de la valeur d’un drone. Sans entrer dans le détail des possibilités d’amélioration de nos drones - elles sont présentées dans le rapport - je citerai simplement l’exemple des SIDM-Harfang qui pourraient être équipés de moteurs à injection. M. Marc Joulaud. Je salue la qualité et la densité du travail des rapporteurs, mais constate que nous avons néanmoins du mal à nous faire une idée précise des choix stratégiques possibles. Compte tenu du coût de développement de ces outils, doit-on s’orienter vers des coopérations bilatérales ou multilatérales, dans le cadre européen, ou, au contraire, devrons-nous faire appel, comme l’ont fait les autorités israéliennes, à des opérateurs privés pour des prestations de service complètes ? Par ailleurs, existe-t-il des drones à propulsion électrique ? Enfin, quels sont pour vous les enjeux majeurs de technologies embarquées pour les drones de future génération ? Mme Françoise Hostalier. Si les drones ne sont pas des éléments récents dans les stratégies militaires, leur spectre d’utilisation nouveau n’en risque pas moins de bouleverser toutes les stratégies, notamment au sol. Avez-vous pu évaluer les changements de comportement induits par ces nouvelles utilisations ? En outre, je m’inquiète de la maîtrise du commerce des drones : existe-t-il un risque que des utilisateurs qui ne seraient pas nos amis, comme les rebelles en Afghanistan ou les pirates en Somalie, puissent acquérir de tels outils ? En clair, existe-t-il un risque de « guerre des drones » ? M. Jean-Claude Viollet, rapporteur. Les enjeux liés à l’utilisation des drones sont effectivement très importants. Leur utilisation peut avoir des conséquences sur la chaîne de décision et de responsabilité. La question de leur armement est ainsi un vrai débat, auquel il faudra répondre politiquement. Á propos des risques liés à leur commercialisation, les drones fonctionnent aujourd’hui essentiellement dans des conflits asymétriques où ils peuvent être, grâce à la maîtrise de la troisième dimension, un atout extraordinaire. Dans un conflit conventionnel, avec des moyens aériens équilibrés entre les deux forces, leur valeur ajoutée semble moins évidente. Dans tous les cas, il ne faut pas céder aux sirènes de la mode et s’imaginer que les drones pourraient se substituer aux moyens existants. Il est en effet primordial de veiller à préserver la cohérence d’ensemble du dispositif d’équipement de nos forces. Enfin, il importe de travailler différemment en matière de stratégie industrielle. Il faut refaire le point sur nos besoins opérationnels, réunir les industriels autour de leurs domaines d’excellence et rechercher la meilleure adéquation possible. Ce sujet doit servir d’exemple. Privée de stratégie, la France serait malheureusement réduite à des achats sur étagère. Nous sommes, dans le cas les drones, face à une situation comparable à celle des débuts de l’aviation, avec un marché qui s’ouvre et qui va représenter, dans les dix années à venir, 20 milliards d’euros. M. Yves Vandewalle, rapporteur. Malgré le travail que nous avons effectué, nous ne disposons pas de tous les éléments permettant de trancher entre les différentes hypothèses d’utilisation stratégique des drones. C’est au Gouvernement qu’il appartient de faire ces choix. Dans tous les cas, nous sommes partisans de l’acquisition patrimoniale, la location, comme en Israël, ne pouvant être qu’une solution palliative du fait de coûts prohibitifs dans la durée. Nous devrons clairement nous orienter vers des coopérations industrielles multilatérales, mais en privilégiant les solutions opérationnelles et militaires plutôt que des considérations politiques qui nous ont pu nous faire perdre du temps. Pour répondre à M. Joulaud, il existe en effet des drones à propulsion électrique qui sont essentiellement des minidrones. En ce qui concerne la charge utile, il faudra consentir un effort dans le domaine électromagnétique, car ces technologies permettent de capter les communications téléphoniques. On sait qu’en Afghanistan, les talibans utilisent beaucoup ce moyen de communication. La question de l’armement des drones est également importante. Enfin, pour répondre à Mme Hostalier, les drones font déjà partie des moyens utilisés par les militaires aujourd’hui également en Afghanistan, où ils permettent de détecter des éventuels engins explosifs improvisés avant le passage de convois. M. le vice-président Michel Voisin. Nous devons interrompre notre séance pour tenir la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français. Compte tenu du nombre important de questions adressées aux rapporteurs, le débat se poursuivra lors de notre prochaine réunion.
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La commission de la défense nationale et des forces armées a poursuivi l’examen du rapport d’information de MM. Yves Vandewalle et Jean-Claude Viollet sur les drones. M. le président Guy Teissier. Je vous invite, mes chers collègues, à reprendre le débat engagé la semaine dernière sur le rapport d’information sur les drones. M. Jean Michel. Je vous félicite pour ce rapport très approfondi qui ouvre de larges perspectives, tout en regrettant la faiblesse des moyens budgétaires prévus pour le financement des drones. Vous avez indiqué que l’achat sur étagère était envisageable, mais aussi qu’investir dans le développement de ces technologies permettait de préparer les avions de combat du futur. En conséquence, doit-on bâtir en premier lieu une entente au niveau national avant d’envisager un partenariat européen ? Ou doit-on au contraire s’entendre directement avec un autre industriel européen, tel British Aerospace (BAE), notamment pour les drones de moyenne altitude et longue endurance (MALE) ? De ce point de vue, je suis relativement inquiet car il ne faudrait pas que l’on soit de nouveau confronté à une certaine mésentente au niveau européen. Le fait pour la France d’avoir rejoint le commandement intégré de l’OTAN a-t-il eu des effets favorables ? Cela a-t-il favorisé la conclusion de partenariats ? Je note qu’au contraire, la presse évoque un phénomène de spécialisation entre les pays membres de l’alliance se traduisant pour la France par l’abandon de certains secteurs de l’industrie. Enfin, il me semble que la question des drones relève de la compétence de l’agence européenne de défense qui n’est pourtant guère présente sur ce sujet. M. Yves Vandewalle, rapporteur. Il manquerait en effet quelques centaines de millions d’euros dans la programmation. Il s’agit d’un ordre de grandeur, qui devra être précisé en fonction des choix faits par le Gouvernement. En matière de coopération, on peut regretter le manque d’entente entre les industriels français pour proposer une offre commune. Cela dit, on peut également se réjouir de disposer en France de plusieurs grands champions en la matière, capables de nouer des partenariats avec d’autres groupes européens. Dans tous les cas, il est impossible de se limiter à un partenariat strictement national, car nous ne disposons pas des moyens suffisants et cela n’aurait pas grand sens sur le plan industriel. Il faut construire une base européenne solide, ce que le rapport développe largement. Quant à déterminer exactement ce qu’est le besoin français, nous n’avions pas vocation à entrer dans tous les détails techniques. C’est aux militaires qu’il revient de le préciser. M. Jean-Claude Viollet, rapporteur. En ce qui concerne l’OTAN, il faut rappeler que la France s’est retirée du projet Alliance Ground Surveillance (AGS), contrairement à l’Allemagne, qui doit y investir plus de 400 millions d’euros – sans véritable retour industriel. La France s’en est retirée et a fait le choix de contribuer en nature au renseignement général de l’alliance, notamment par une remise d’images captées par le SIDM-Harfang. Mais en cas de rupture capacitaire, la question de notre participation en espèces au projet AGS pourrait se poser. Aujourd’hui, il faut que nous conservions notre capacité en drones MALE. C’est la raison pour laquelle nous avons acheté un quatrième vecteur et une deuxième station sol. Pour ma part, j’étais partisan d’acquérir trois vecteurs supplémentaires en plus de la deuxième station sol pour avoir deux systèmes complets. Or, cela semble difficile compte tenu de la relation entre les industriels cocontractants. Dans tous les cas, il faudra lancer dès 2010 le programme de drones MALE de nouvelle génération. Plusieurs options sont possibles. On trouve d’abord l’Advanced UAV-Talarion d’EADS, mais nos partenaires allemands indiquent avoir besoin d’une année supplémentaire pour définir leurs besoins et le coût prévisible se chiffre en milliards d’euros. Deuxièmement, le système de drones MALE de Dassault, dit « SDM », qui est une offre engageante faisant donc l’objet d’un coût et d’un calendrier précis. En troisième lieu, le projet Mantis, qui vient de donner lieu à un premier vol et propose un système modulable, qui pourrait être développé sur la base d’une coopération entre BAE et des industriels français. Dans le choix que nous arrêterons, il nous paraît crucial de maintenir une capacité industrielle en avions de combat en Europe pour les 20 à 25 prochaines années. Il faut favoriser les synergies en mobilisant les différentes compétences d’un maximum d’industriels concernés par ce secteur. L’autre solution serait l’achat sur étagère de systèmes de drones américains ou israéliens pour lesquels des propositions ont été soumises au Gouvernement. Mais ce serait un renoncement qui conduirait à l’affaiblissement de nos compétences industrielles, notamment dans le domaine des capteurs et de l’intégration systèmes. D’autant plus que l’achat sur étagère perdrait son intérêt dans le cas où on envisagerait l’intégration de nouveaux systèmes, ce qui conduirait naturellement à un surcoût mais aussi un délai supplémentaire. Nous nous réjouissons que le cabinet du ministre considère ce rapport comme une « brique » dans le processus de décision qui devrait aboutir au début de l’année prochaine, à l’occasion d’un comité interministériel d’investissement. M. le président Guy Teissier. En fait, il suffirait de se contenter d’acheter les vecteurs à ceux qui savent les faire. M. Michel Voisin. J’ai récemment assisté à la présentation du troisième régiment médicalisé, où l’on m’a montré que des drones pouvaient être utilisés pour des évacuations sanitaires. Une telle utilisation vous paraît-elle réaliste, sachant que si ces appareils sont précieux pour le renseignement, ils peuvent aussi être facilement détruits ? M. Christophe Guilloteau. Je trouve très positif que la commission produise des rapports de cette qualité. Au-delà des drones, la France semble, plus largement, avoir pris du retard en matière d’équipements aériens. Cela n’est-il pas dû en partie à des divergences entre les armées de terre et de l’air ? C’est finalement notre engagement en Afghanistan qui a permis de prendre conscience de ce retard. À titre personnel, j’observe avec étonnement qu’aucune entreprise française présente sur le secteur des drones n’a jugé utile de me présenter son travail, au contraire d’entreprises israéliennes. M. le président Guy Teissier. La partie générale de votre question relative à notre retard dans le domaine aérien dépasse le cadre du présent rapport. Je vous invite donc à la soulever de nouveau lors des prochaines universités d’été de la défense, qui seront précisément organisées par l’armée de l’air. M. Yves Vandewalle, rapporteur. Notre politique d’équipement en drones a donné lieu à beaucoup de tâtonnements : nous avons d’abord opté pour l’EuroMALE, puis pour un autre projet. Il ressort que nous manquons d’une stratégie et d’une organisation claires en la matière, ce qui nous a fait perdre beaucoup de temps. S’agissant de leur utilisation pour des évacuations sanitaires, il est difficile de se prononcer en l’état actuel des connaissances. Nous avons simplement relevé que la PME Flying Robots revendique cet usage comme une piste d’utilisation possible de son drone. M. Jean-Claude Viollet, rapporteur. Je pense que nous sommes véritablement à la croisée des chemins. Nous disposons d’une capacité en termes de MALE qu’il ne faut pas perdre. Il nous faut en premier lieu disposer du nombre nécessaire de SIDM-Harfang pour faire face aux besoins pour les trois ou quatre prochaines années et, en second lieu, commander très rapidement l’appareil qui remplacera ce système déjà ancien. Je rappelle que le retour d’expérience du SIDM-Harfang est bon, qu’il s’agisse de sa liaison satellite, de son système de décollage et d’atterrissage automatique, ou encore de l’ergonomie de la station sol, meilleure que celle des Predator américains. La question des drones évolue très vite aujourd’hui dans notre pays, beaucoup d’acteurs y réfléchissant sérieusement. C’est dans ce contexte que nous avons proposé dans le rapport une méthode conduisant à définir le besoin de nos armées, étendre le champ des utilisateurs aux autres ministères et effectuer un tour de table avec les industriels pour identifier leurs domaines d’excellence. À partir de là, le Gouvernement pourrait arrêter un choix cohérent et lancer un programme dont la conduite s’appuierait sur un plateau technique réunissant tous les acteurs. Un programme naturellement ouvert à des coopérations, avec nos partenaires européens et au-delà. M. le président Guy Teissier. Mes chers collègues, je tiens à remercier et à féliciter les rapporteurs pour la qualité de leur travail qui fera date. Mon seul regret est que l’on ne s’appuie pas assez sur la contribution des commissions alors que, parfois, l’exécutif tâtonne à trouver une solution à certains problèmes. * La commission a décidé, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication. La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.
source:spyworld-actu.com | |
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