le Phosphate au Maroc,enjeux d´avenir

Alors que la Russie fait l’objet de sanctions internationales et que la Chine a donné un coup de frein à ses exportations d’engrais, le géant marocain du phosphate enchaîne les performances grâce à l’envolée des prix et prévoit d’augmenter sa production pour répondre à la demande.



Mis en service en 2014 par OCP, le Slurry Pipeline est le plus long pipeline de transport de phosphate au monde. Il relie, sur 235 km, le site minier de Khouribga à la plate-forme de transformation de Jorf Lasfar (Maroc). OCP Fayssal Zaoui/IMAGEEXPERIENCE

L’Office chérifien des phosphates (OCP) ne connait pas la crise. Au premier trimestre, le géant marocain des engrais a même affiché un chiffre d’affaires record : 25,3 milliards de dirhams (2,4 milliards d’euros), une hausse de 77 % par rapport à l’année précédente. Une performance exceptionnelle, réalisée malgré la baisse des volumes des ventes, grâce à la hausse des prix de toutes ses catégories de produits.

Il faut dire que la guerre en Ukraine constitue, pour ainsi dire, une aubaine pour le groupe dirigé par Mostafa Terrab, qui dispose de plus de 70 % des réserves mondiales en phosphate. Les sanctions économiques contre la Russie – qui a suspendu l’exportation de ses engrais – faisant planer le spectre d’une pénurie alimentaire mondiale, les prix se sont envolés sous l’effet d’une demande très forte et d’une offre réduite.


Selon la communication financière d’OCP, la marge brute a atteint près de 1,5 milliard d’euros contre 869 millions d’euros un an plus tôt, « la hausse des prix de vente ayant neutralisé » l’impact de la hausse des coûts des matières premières, en particulier de l’ammoniaque et du soufre. Autre indicateur qui témoigne de la solidité financière du groupe : l’Ebitda qui s’est chiffré à 1,1 milliard d’euros contre 500 millions d’euros au premier trimestre 2021, produisant une marge de 46 % contre 37 % au premier trimestre 2021.

Ruée sur le phosphate

Toutefois, la guerre en Ukraine n’explique pas à elle seule les résultats records de l’entreprise semi-publique, qui a clôturé l’année 2021 avec un chiffre d’affaires de 8 milliards d’euros (+50 % par rapport à 2020). « La hausse des prix de vente a entraîné une augmentation du chiffre d’affaires de l’acide phosphorique et des engrais phosphatés de respectivement 51 % et 57 % par rapport à l’année précédente », avait détaillé dans un communiqué le fleuron de l’économie nationale, qui a ainsi versé à l’État un dividende « historique » de 8,1 milliards de dirhams (plus de 755 millions d’euros).

Acteur clé du marché des engrais, la Chine avait décidé en pleine crise du Covid-19 de donner un coup de frein à ses exportations, ce qui avait permis à OCP, là encore, de saisir l’opportunité. En octobre dernier le groupe avait, par exemple, augmenté le prix de son acide phosphorique exporté vers l’Inde de 170 dollars en un trimestre, pour le fixer à 1 330 dollars la tonne.


Autre gros importateur d’engrais, le Brésil se tourne lui aussi vers le royaume pour pallier sa dépendance aux produits russes. En visite le 12 mai au Maroc, le ministre brésilien de l’Agriculture, Marcos Montes, est reparti avec une promesse de Mostafa Terrab concernant l’ouverture d’une unité de production de phosphate au Brésil.

Quatre jours plus tard, c’est le vice-ministre de l’Agriculture, des Forêts et de la Pêche qui s’est rendu à Rabat pour une visite de travail de deux jours, afin d’entamer des négociations sur l’importation « d’une grande quantité d’engrais ».

La croissance doit se poursuivre

Cette tendance est appelée à continuer avec une « année de croissance significative », selon le mastodonte des engrais. « La hausse des prix devrait se poursuivre sur l’année, soutenue par des conditions de marché solides, reflétant une forte demande globale, une situation tendue de l’offre et des prix de matières premières en hausse », précise OCP dans son dernier communiqué.

C’est pourquoi le groupe prévoit d’augmenter sa capacité de production d’environ 10 % cette année, pour pouvoir répondre à une demande de plus en plus grande « sur des marchés à forte croissance où le groupe continue de renforcer sa position de leader mondial ».


Même aux États-Unis, où le prix de certains engrais a triplé, l’importation du phosphate marocain est envisagée comme une alternative. Au Michigan, des agriculteurs mènent depuis plusieurs mois une bataille pour demander la levée provisoire des droits de douanes sur les engrais importés du Maroc.