Actualités du Sahara Marocain

Le régime discrétionnaire de Carthage, qui fait face à une double crise interne politique et économique, s’est abstenu aux côtés de la Russie lors du vote de la résolution du Conseil de sécurité favorable au Maroc qui a renouvelé le mandat de la Minurso au Sahara. Une volte-face imposée par Alger, à qui la Tunisie demande aide et protection. Le film des événements

La Tunisie a voté neutre lors la tenue du Conseil de sécurité des Nations Unies dédié au renouvellement pour un an du mandat de la Minurso au Sahara Occidental. Une surprise pour l’opinion publique marocaine qui ne s’attendait pas à cette volte-face du régime de Kais Saïed, d’autant que la république du jasmin avait acquiescé l’an passé à une résolution presque similaire de l’instance exécutive de l’ONU.

Le texte a finalement été adopté par 13 voix pour et deux abstentions, celles de la Russie et de la Tunisie.

Comment en est-on arrivé là ? A l’origine, les États-Unis, pen holder des résolutions sur le Sahara occidental, avaient convoqué un cycle de négociations sur un projet initial le 19 octobre, avant de mener des tractations bilatérales avec plusieurs membres du Conseil. Les États-Unis ont ensuite placé un projet de texte révisé en stand-by le 26 octobre jusqu’au lendemain matin. Le Kenya et la Russie sont alors intervenus pour proposer quelques changements. Néanmoins, le 27 octobre, les États-Unis ont maintenu leur projet initial. En conséquence, il était clair qu’au moins la Russie, membre permanant de poids du Conseil, n’allait pas soutenir la résolution.

Un « ajustement » du mandat de la Minurso

Les événements de Guerguerat durant lesquels le Maroc a délogé des milices du Front Polisario en novembre 2020 venues s’interposer sur le corridor menant vers la Mauritanie, suivis de l’annonce du mouvement de Brahim Ghali, avec le soutien de l’Algérie, de briser l’accord de cessez-le-feu de 1991, et enfin, la nomination de Staffan de Mistura comme nouvel envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU, ont poussé certains membres du Conseil de sécurité à demander un ajustement du mandat de la Minurso. D’autres pays ont prescrit que des changements de fond des prérogatives de la mission onusienne étaient de nature à compliquer le travail du nouvel envoyé qui débute le 1er novembre.

Certains éléments nouveaux ont été incorporés dans le texte cette année, reflétant l’évolution de la situation sur le terrain depuis un an. Le projet a salué la nomination de de Mistura et a appelé à « la reprise constructive du processus politique, en s’appuyant sur les progrès de l’ancien Envoyé personnel ». En outre, il a noté « avec une profonde préoccupation la rupture du cessez-le-feu ».

Peu de temps avant le début des négociations, l’Algérie a créé la zizanie en déclarant au Conseil qu’elle ne participerait plus aux « tables rondes » initiés par Horst Köhler. Le format avait réuni l’Algérie, la Mauritanie, le Maroc et le Front Polisario, mais était gelé depuis la démission de Köhler en mai 2019.

Le 22 octobre, « l’envoyé algérien pour le Sahara occidental », Amar Belani, a confirmé le « rejet formel et irréversible de l’Algérie du soi-disant format table ronde » dans un communiqué de presse. Or, le texte stabilisé par Washington ne prenait pas position sur le retrait de l’Algérie et maintenait le langage des résolutions précédentes faisant référence à la participation passée de l’Algérie aux pourparlers, notant notamment « l’intention de l’ancien envoyé personnel d’inviter le Maroc, le Front Polisario , l’Algérie et la Mauritanie à se retrouver dans le même format ». Face à cela, l’Algérie a envoyé des signaux contradictoires à l’ONU, prétendant qu’elle appuyait sans faille la future tâche de Staffan de Mistura.

Au cours de la seule ronde de négociations, plusieurs membres du Conseil ont suggéré alors des modifications au projet. Nombre d’entre eux ne semblaient pas avoir été inclus dans le projet décidé par les Etats-Unis. La France, alliée indéfectible du Maroc, soutenue par plusieurs membres du Conseil, dont l’Irlande et la Norvège, ont demandé que le terme « égal » soit ajouté aux références à la « participation pleine, effective et significative des femmes » dans le texte. Dans la version finale, « égal » a été ajouté mais « effective » a été supprimé.

Le Kenya a demandé pour sa part un langage plus ferme sur les droits de l’Homme et un examen stratégique de la Minurso en raison de l’évolution des circonstances sur le terrain. La demande d’examen stratégique n’a pas été satisfaite, mais un langage légèrement plus fort sur les droits de l’Homme a été retenu, ce qui à l’évidence convaincu Nairobi de basculer dans le camp des votants « pour ».

À la suite des négociations, un libellé a été ajouté et conservé dans le projet final encourageant les parties à également « donner la priorité » à leurs efforts respectifs pour améliorer la promotion et la protection des droits de l’homme au Sahara occidental et dans les camps de Tindouf. Le libellé existait déjà dans le texte encourageant les parties à poursuivre leurs efforts pour renforcer la promotion et la protection des droits de l’Homme.

Le Mexique, soutenu par l’Irlande, la Norvège et Saint-Vincent-et-les Grenadines, a demandé au secrétaire général de publier un rapport sur le Sahara occidental avant que le Conseil ne se réunisse sur la question en mars, mais cette demande n’a pas été incluse dans le texte final.

Le terme « réaliste », un prétexte pour Moscou

La Russie a de son côté préconisé la suppression du mot « réaliste » –  un terme introduit pour la première fois dans le mandat de la Minurso dans la résolution 2414 du 27 avril 2018 –  en référence à la recherche d’une solution politique, arguant que le terme n’était pas fondé sur le droit international.

Le terme « réaliste » a été retenu dans le texte imposé par les Etats-Unis, ce qui est nettement favorable au Maroc qui rejette depuis 2007 toute option référendaire à la faveur d’une autonomie du territoire sous sa souveraineté.

La Russie a alors réitéré l’opinion qu’elle avait exprimée lors des précédentes négociations sur le renouvellement du mandat selon laquelle le texte était « biaisé et déséquilibré ». D’où son abstention in fine, chose prévisible, sa ligne de conduite, davantage en opposition aux Etats-Unis que contre le Maroc, est constante depuis 2018.

Tunis, vassal déclaré d’Alger

Par contre, la Tunisie, membre non permanent au Conseil de sécurité, a cédé au diktat d’Alger pour des raisons bien connues : le pays, qui vit une crise interne aigüe, que ce soit sur le plan politique (le président Kais Saïed ayant pris tous les pouvoirs en main depuis le 25 juillet) qu’économique, glisse peu à peu sous la tutelle de fait d’Alger qui promet depuis un an, de rencontres bilatérales en déclarations convergentes, au nouveau régime discrétionnaire tunisien, protection et aide financière. Une situation rendue plus alarmante au bouclage de son budget par la froideur exprimée par l’Arabie saoudite a voler à son secours après l’escapade infructueuse de la nouvelle premier ministre Najla Bouden au royaume wahhabite, alors que Riyad s’est nettement rapproché ces derniers temps de Rabat.

Aussi, contrainte et forcée par un agenda volcanique, la Tunisie s’est alignée sur la position de son nouveau suzerain régional alors que la résolution approuvée ce 29 octobre évacue les deux principales revendications algéro-polisariennes : établir que le Maroc est coupable des hostilités nées de la situation vécue à Guerguerat fin 2020, malgré le bellicisme affiché par le chef des irrédentistes, Brahim Ghali , et élargir le mandat de la Minurso au monitoring des droits de l’Homme sur le territoire, vieille antienne d’Alger destinée avant tout à conforter et légitimer l’existence d’un front contestataire sahraoui interne au Maroc.

Enfin, dernier clou planté dans le cercueil des ambitions algériennes, et comme à l’accoutumée, le Conseil de sécurité a exhorté le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, à livrer son traditionnel rapport d’étape : Il devra s’exprimer, dans les deux prochains mois sur l’état d’avancement du processus politique entre les parties, incluant ainsi de facto le belligérant algérien.

Au final, la Tunisie, entrainée dans les jupes de l’Algérie, s’est fendue, le 29 octobre, d’un communiqué de désolation par lequel elle s’évertue à se justifier par la voix de Walid Al-Hajjam, conseiller du président de la république, assurant qu’elle « adhère à ses relations historiques et fraternelles distinguées avec tous les pays du Maghreb, et adhère au principe de neutralité positive dans sa gestion du dossier du Sahara occidental »…