The Moroccan F-16V Viper / Block 72 program

Alors que l’avionneur américain Lockheed Martin fait face à une demande mondiale pressante pour des F-16 de 4ème génération et que son usine de Caroline du Nord tourne encore au ralenti, le Maroc qui attendait d’être livré au plus tard en 2025 du premier des 25 chasseurs Viper commandés en 2019, voit cet horizon s’éloigner. Explications

L’Agence américaine de coopération en matière de défense et de sécurité avait approuvé en mars 2019 la vente au Maroc de 25 nouveaux avions Lockheed Martin F-16 Viper pour 3,8 milliards de dollars, dont les premiers exemplaires équipés de radars de 5ème génération devaient être à l’origine livrés en 2024, et la mise à niveau de ses F-16 existants aux mêmes normes pour 983 millions de dollars grâce à un transfert technologique, l’objectif étant à terme de déployer une flotte homogène de 48 chasseurs.

Cette commande des Forces Royales Air (FRA) revêt un intérêt stratégique tant cet avion de combat, le plus fiable de sa catégorie, constitue la force de frappe principale de son aviation, les F-5 Northrop étant vieillissants et les Mirage F-1 de Dassault, quoique rétrofités aux normes avioniques Mirage 2000, demeurent insuffisants, notamment dans l’équilibre dissuasif avec l’Algérie voisine.

Le F-16 est aussi un choix stratégique pour de nombreux clients du monde entier à la recherche de capacités avancées d’avions de combat de 4ème génération, de partenariats régionaux avec les Etats-Unis et l’OTAN et de coûts de cycle de vie abordables. Dans cette perspective, les FRA ont d’ores et déjà lancé un programme de modernisation de deux de ses bases aériennes.

 

Le trublion jordanien

Cependant, alors même que la Jordanie vient d’exprimer son intention d’acquérir 8 chasseurs F-16 Block 70 de dernière génération, il y a un problème : la commande du Maroc et d’autres attendent toujours dans la chaîne de production.

La chaîne de production du F-16 a été déplacée ces dernières années vers les nouvelles installations de production de Lockheed Martin à Greensville en Caroline du Sud. Cependant, les États-Unis y ont temporairement suspendu la production et ne devraient pas reprendre avant 2023. Les premières livraisons d’avions neufs ne sont pas attendues avant 2024 au plus tôt.

L’usine de Caroline du Sud n’a d’ailleurs pas encore terminé une commande complète. La dernière livraison concernait 36 chasseurs F-16IQ pour l’armée de l’air irakienne, mais ils ont été construits à Fort Worth, au Texas. Entre-temps, 25 aéronefs doivent être construits pour le Maroc, 16 pour Bahreïn, 14 pour la Slovaquie, 66 pour Taïwan et 8 pour la Bulgarie.

Selon des sources concordantes, et malgré le fait que le constructeur Lockheed Martin recrute à tours de bras, les délais risquent de s’allonger pour le Maroc et déjà l’horizon devrait être repoussé au mieux à 2026 pour le premier appareil et encore plus tard pour la livraison finale. Ce retard d’exécution pourrait d’ailleurs être acté si le président américain Joe Biden acquiesce à la requête pressante de Amman dans un deal militaro-diplomatique poussé par Israël qui cherche à régenter une alliance de défense aérienne régionale face à la menace de l’Iran, ce qui signifierait un chamboulement du planning déjà très serré pour Lockheed Martin.

En septembre dernier, Israel Aerospace Industries (IAI) est d’ailleurs venu à la rescousse de Lockheed Martin en annonçant la reprise de la production d’ailes de F-16. La firme d’armement a déclaré qu’elle avait récemment rouvert la chaîne de production datant des années 80 suite à l’augmentation de la demande mondiale pour le F-16 Block 70/72. IAI produira des ailes de F-16 qui seront expédiées à la chaîne d’assemblage final des F-16 américains à Greenville.

Des Mirage 2000-9 pour attendre ?

En parallèle, ces derniers mois, la presse avait rapporté que le Maroc devrait bénéficier d’une rétrocession de Mirage 2000-9 en service depuis 1998 aux Emirats arabes unis. Une éventualité jugée peu crédible, en dépit du fait que cet avion réputé pour sa robustesse pourrait assurer au FRA des missions de « police du ciel » efficaces dans l’attente de la réception des F-16 Viper.

Mais ces supputations puisées auprès de sources arabes fragiles restent incohérentes. Les Emirats arabes unis ont signé le 3 décembre dernier un accord pour acquérir 80 avions de combat Rafale, construits par le groupe français Dassault Aviation. Cette commande vise à remplacer les 60 Mirage 2000-9 acquis en 1998 par les Emirats.

Les Emirats veulent en effet des machines qui soient au même niveau d’excellence technologique et opérationnelle que celles utilisées par les armées françaises. Aussi, les Rafale ne seront livrés qu’à partir de 2027 et ce jusqu’en 2031, au standard F4, un programme en développement de près de deux milliards d’euros lui-même opérationnel qu’en 2024 et dont même la France n’est pas encore bénéficiaire.

Donc, les premières livraisons des Rafale émiratis commenceront en 2027 et s’étaleront jusqu’en 2031. Dans l’intervalle, l’armée émiratie, qui est aussi équipée de 80 chasseurs américains F-16, continuera vraisemblablement à utiliser ses 60 Mirage 2000-9, d’autant que l’administration Biden a suspendu, puis freiné l’accord conclu en fin de mandat entre Donald Trump et Abou Dhabi pour l’acquisition de 50 F-35.

Le Maroc, en pleine de phase de modernisation de sa flotte, notamment avec l’acquisition des nouveaux chasseurs F-16 Viper, ne saurait, en toute logique, attendre 2031 pour se contenter d’avions d’occasion qui auraient alors 33 ans au compteur.