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Sujet: 1ère querre mondiale /WWI Mar 8 Juil - 10:22
Citation :
Jean-Jacques Becker : "En 14-18, l'utilisation des troupes coloniales comme chair à canon est une parfaite légende"
Publié le lundi 07 juillet à 11h18
En 2006, j'avais publié cette interview (à l'époque dans Libération) avec l'historien Jean-Jacques Becker, à l'occasion de la visite du président Bouteflika à Verdun. Elle n'a rien perdu de son actualité. Spécialiste reconnu de la guerre de 14, Jean-Jacques Becker a publié de nombreux livres, dont une passionnante "La Grande Guerre. Une histoire franco-allemande" avec Gerd Krumeich.
Combien d'Algériens ont participé à la Première Guerre mondiale ?
Il faut distinguer les Français d'Algérie, mobilisés comme tous les citoyens, de ceux qu'on appelait alors les "indigènes", c'est-à-dire les musulmans. C'est de ces derniers dont on parle aujourd'hui. Leur recrutement s'est fait uniquement sur la base d'engagements volontaires, même s'il a pu y avoir des pressions de notables. Au total, 180 000 Algériens se sont engagés dans l'armée française, essentiellement dans les régiments de tirailleurs. Le Maroc et la Tunisie ont fourni 80 000 hommes environ et l'Afrique noire 215 000. La participation globale des troupes coloniales a été d'environ 600 000 hommes. A cela, il faut ajouter les 120 000 travailleurs algériens embauchés dans les usines, qui constituaient la première vague d'immigration en France.
Est-ce beaucoup ?
Finalement assez peu. Il faut se souvenir que 8,41 millions d'hommes ont été mobilisés au cours de la guerre. Si l'on ne tient compte que des combattants, on estime généralement que l'ensemble des troupes coloniales a représenté moins de 15 % des effectifs. La participation algérienne a été marginale. Mais, si l'on compare la politique française à celle des autres pays en guerre, on constate une forte présence coloniale. Les Anglais ont certes fait appel à leurs dominions (Canada, Australie, etc.), mais il s'agissait de Blancs, et ils ont employé les troupes des Indes au Moyen-Orient. A cause du blocus maritime, les Allemands n'ont pas pu utiliser leurs faibles troupes coloniales. Dans leur propagande, ils ont d'ailleurs largement dénoncé l'utilisation par la France de ceux qu'ils appelaient les "barbares" et les "sauvages"...
On dit souvent que les troupes coloniales étaient utilisées comme chair à canon. Qu'en pensez-vous ?
C'est une parfaite légende. Leur pourcentage de pertes a été légèrement inférieur à celui des troupes métropolitaines. Parmi les 260 000 combattants d'origine nord-africaine, les pertes se sont élevées à 38 200, dont 23 000 Algériens. Ces chiffres tiennent comptent des morts par maladies.
En Algérie, comment a été perçue cette participation ?
Les musulmans ont plutôt bien répondu à l'appel de ce qu'on nommait leur "patrie adoptive". Au front, les Algériens furent des soldats parfaitement disciplinés. Les appels à la guerre sainte venus de l'Empire ottoman (allié de l'Allemagne, ndlr) n'ont eu quasiment aucun écho. En revanche, les colons n'étaient pas très chauds de voir que l'on apprenait aux "indigènes" à se battre. Après la guerre, ces musulmans croyaient obtenir une meilleure reconnaissance. Mais rien ne vint.
Pistolets, carabines... briques. Le musée de l'Air du Bourget inaugure son exposition «la Grande guerre des aviateurs». Où l'on apprend que les premiers combats étaient très improvisés.
Vidéo Le 5 octobre 1914, l’équipage français constitué du sergent Frantz et du caporal Quenault abat un avion de reconnaissance allemand. Le Musée de l’Air et de l’Espace du Bourget profite du centenaire de cette première victoire aérienne de l’histoire de l’aviation pour inaugurer son exposition «la Grande guerre des aviateurs».
Le musée, déjà riche d’une belle collection d’avions de cette période avec notamment le Vieux Charles, l’avion de Georges Guynemer, a choisi pour cette manifestation de faire la part belle aux témoignages écrits des pilotes. Conditions de vie et récits de combat sont mis en relation avec une sélection d’objets rares issus des collections du Musée de l’air: photographies aériennes, dessins, films, armes et uniformes, dont un grand nombre est présenté au public pour la première fois. Cette exposition revient aussi sur le culte des as, à travers une approche plus critique. Le mythe de ces héros à l’âme chevaleresque doit largement à la presse de l’époque. La figure de l’aviateur et ses succès ont ainsi été instrumentalisés pour corriger l’image d’un conflit enlisé dans les tranchées.
Catherine Maunoury, directrice du Musée de l’Air et championne du monde de voltige aérienne, revient sur les conditions qui ont contribué à l’invention de cette nouvelle arme, l’aviation de chasse, dont ces pilotes furent les pionniers.
«La Grande guerre des aviateurs» au musée de l’Air et de l’Espace du Bourget, du 5 octobre 2014 au 25 janvier 2015. Entrée: 6 euros, tarif réduit : 3 euros.
messages : 1507 Inscrit le : 17/04/2008 Localisation : France Nationalité : Médailles de mérite :
Sujet: Re: 1ère querre mondiale /WWI Sam 25 Oct - 9:58
Salam les amis, voilà une étude très intéressante et bien illustrée publiée dans les archives du site http://etudescoloniales.canalblog.com , qui prouve encore de manière considérable l'apport des musulmans durant la 1ère guerre mondiale... C'est long mais enrichissant, bonne lecture...
l'armée française et la religion musulmane durant la Grande Guerre (1914-1920)
Citation :
Le religieux musulman et l'armée française (1914-1920) Michel RENARD, historien, chercheur
Évoquer, ici, le «religieux musulman» ne désigne pas un personnage mais un champ de pratiques relevant d’une application rituelle des principales normes issues de la croyance islamique.
Il n’est pas jugé de leur éventuelle conformité avec telle ou telle interprétation de la Loi de l’islam (charî‘a). Il n’est pas, non plus, tenté de mesurer le sens que les soldats de confession musulmane prêtaient à ces observances diverses au cours de la Première Guerre mondiale ; d’autant que les témoignages directs sont quasiment inexistants.
Mais des documents d’archives, des sources imprimées et iconographiques, et des recherches anthropologiques de terrain permettent de reconstituer l’attention manifestée par l’Armée française à l’égard des combattants musulmans entre 1914-1918 et après.
Avant 1914
En détournant quelque peu la formule de son sens initial, on pourrait dire qu’au sujet de la visibilité et de l’acceptation des pratiques religieuses musulmanes, «le mort saisit le vif».
Au-delà des projets, non aboutis, de mosquées en métropole (1846, 1895), les premières manifestations accueillant le rituel de l’islam furent en effet des sépultures.
Ainsi, la «mosquée» de l’enclos musulman du cimetière de l’Est parisien (Père-Lachaise) édifiée en 1857, servait à la toilette mortuaire et à la prière aux défunts inhumés sur ce terrain de 800 m2. Le peu d’entretien dont elle fut l’objet incita le gouvernement ottoman à financer des travaux de réfection. Des dessins d’architecte, de février 1914, montrent un projet de reconstruction plus ample et doté d’un dôme (1).
Mais le déclenchement de la guerre jugula cette ambition (2).
Nous devons à la vérité que d’autres aspects du rituel musulman en métropole firent l’objet d’un souci des autorités avant 1914.
Le rapport de l’inspecteur général des communes mixtes d’Algérie, Octave Depont (né le 17 septembre 1862 à La Champenoise, dans l'Indre ; et décédé le 24 février 1955 à Paris Xe) fut publié en 1914 et s’intitulait Les Kabyles en France. Rapport de la Commission chargée d'étudier les conditions du travail des indigènes algériens dans la métrople.
Il montrait la perpétuation des pratiques traditionnelles par les émigrés venus de Kabylie travailler dans les mines du Pas-de-Calais : observance du jeûne, nourriture animale halal, inhumation par leurs soins de l’un des leurs ; demande d’un emplacement réservé au cimetière et d’un local avec un imam pour les prières. Pratiques et demandes envisagées positivement par la commission d’Octave Depont.
L’armée et ses soldats musulmans avant 1914
L’Algérie coloniale fut le théâtre de controverses à propos du service militaire indigène à partir de 1908.
Plusieurs personnalités arabes avaient manifesté des opinions défavorables à ce recrutement en arguant de la question du religieux, tel Ali Mahieddine, assesseur musulman au conseil général d'Oran : «Cette opposition se base principalement sur l'éventualité pour le soldat musulman d'une quasi impossibilité de pratiquer à la caserne ses devoirs religieux, d'y trouver la nourriture conforme au rite et d'y jouir de la liberté à laquelle il est accoutumé ; enfin, sur l'expatriation à laquelle le soldat est toujours exposé et la crainte d'être enterré en pays étranger, privé des rites prescrits» (3).
Le notable Ben Siam exprime des craintes semblables : «Pour tous, il est avéré que la nourriture des soldats préparée en commun, dans des cuisines semblables à celles des troupes françaises, avec de la viande fournie dans les mêmes conditions que celle destinée à l'alimentation des troupes françaises, il est avéré, dis-je, que cette nourriture et cette viande ne sont pas conformes au rite musulman» (4).
La Revue Indigène – probablement son directeur, Paul Bourdarie lui-même – objecte que de simples règlements militaires adaptés peuvent pallier à ces appréhensions.
Il fait état, par ailleurs, de la situation dans le Protectorat voisin qui semble satisfaire pleinement les tirailleurs tunisiens selon le journal de langue arabe, Hadira :
«Les soldats indigènes de la classe 1905, qui viennent d'être libérés ne tarissent pas d'éloges sur leur séjour au régiment, tant au point de vue de la nourriture que de l'habillement, comme aussi des rapports et des procédés dont ils ont été l'objet de la part des officiers français. El Hadira ajoute que le général commandant la division (général Pistor) qui est en même temps ministre de la Guerre du gouvernement tunisien est toujours disposé à saisir toutes les occasions de témoigner sa bienveillante sollicitude aux musulmans qui accomplissent leur service militaire, soit dans les rangs des troupes françaises, soit dans ceux de la garde beylicale. Grâce à lui, pendant la durée du Ramadhan leur service a été allégé, et toute facilité leur a été accordée pour observer le jeûne et les obligations de leur religion. À l'occasion de l'Aïd el-Fetour, toutes les punitions de prison ont été levées» (5).
L’administration militaire française paraît donc disposer d’une expérience largement antérieure à 1914 et apte à traiter l’altérité religieuse de combattants musulmans incorporés à ses unités – dans l’Empire colonial en tout cas.
Pour faciliter le contact avec les élites "indigènes", une association officielle est créée le 23 décembre 1914 par le député de Charente, Maurice Étienne Raynaud (1860-1927), ancien ministre des Colonies quelques mois en 1914. Elle a pour titre Les Amitiés Musulmanes et publie un bulletin. Les Amitiés Musulmanes disposent d'un local au n° 2, rue Le Peletier dans le 9e arrondissement à Paris.
1914 : la tombe individuelle
L’exceptionnelle mortalité qui frappe les soldats dès l’automne 1914 impose un changement d’échelle et génère un nouveau dispositif à la fois fonctionnel et symbolique.
Durant la guerre franco-prussienne, les inhumations avaient été disséminées sur le champ de bataille et souvent regroupées sous forme de fosses communes. Seuls les chefs de guerre bénéficiaient d’une tombe individuelle.
Par ailleurs, la loi, à l’époque, imposait un délai de cinq ans avant toute exhumation. C’est pourquoi fut adoptée, le 4 avril 1873, la loi assurant la conservation des tombes - qu'on ne pouvait donc déplacer - de combattants français ou allemands en territoire français. Les morts de la guerre de 1870-1871 avaient droit à la déférence de la Nation.
Les préfets firent identifier les lieux, planter des croix et des piquets, ériger des enclos en fonte avec l’inscription «Tombes militaires – Loi du 4 avril 1873» (6). À partir de 1876, des exhumations purent être pratiquées et des regroupement de sépultures aménagées : ossuaires et édifices commémoratifs.
Il ne semble pas avoir existé de sépultures musulmanes de la guerre franco-prussienne (7), à l'exception, selon moi, du mausolée du Turco à Chanteau, dans le Loiret et de la plaque du Turco de Juranville dans le Loiret également (.
Cette contexture montre son inadaptation dès l’automne 1914. La surabondance des morts nous est connue aujourd’hui Elle ne le fut pas immédiatement, l’état-major s’employant à la camoufler. Mais une partie de l’opinion la pressentait. L’historien Jean-Jacques Becker cite cette femme d’une commune du Tarn-et-Garonne qui, très tôt, observe que son village comptait déjà sept ou huit morts alors qu’il n’y en avait eu que deux en 1870 (9).
On ne pouvait gouverner l’opinion publique comme avant. La personnification et la vénération dues aux innombrables victimes devaient accéder au rang d’un culte national.
Le principe de la tombe individuelle est retenue et deux lois, visant à honorer les victimes par une reconnaissance patriotique inhabituelle, sont adoptées : - la loi du 2 juillet 1915 crée la mention «Mort pour la France» ; - la loi du 29 décembre 1915 décide que l’État aura à charge les frais de la sépulture perpétuelle accordée aux combattants «morts pour la France».
1914 : «inhumés suivant les rites»
Concernant les musulmans, les services du ministère ont réagi promptement. C’est Alexandre Millerand, alors ministre de la Guerre, qui signe ces directives spécifiques.
Dès le 16 octobre 1914, le 2e Bureau de la Direction du service de santé du ministère de la Guerre définit les procédures à respecter «pour l’inhumation des militaires musulmans».
Elles sont rappelées le 8 décembre 1914, dans une circulaire toujours signée Millerand, citée intégralement ci-dessous :
«Le souci d'être inhumés suivant les rites consacrés par la religion et les usages musulmans paraissent préoccuper au plus haut point les militaires indigènes qui viennent à décéder en France, ainsi que leurs familles, je crois utile de compléter les instructions que je vous ai données, par dépêche n° 4695-9/11 du 16 octobre dernier, en vous indiquant toutes les formalités qui accompagnent le décès d'un musulman et en précisant celles qui me paraissent pouvoir être mises en pratique.
Lorsqu'un musulman est sur le point de mourir, il ne manque pas, lorsqu'il le peut, de prononcer le "Chehada" en dressant l'index de la main droite. Si son état ne lui permet pas de le faire lui-même, tout coreligionnaire présent est dans l'obligation de prononcer pour lui cette profession de foi musulmane.
Il y aura donc lieu, chaque fois qu'un militaire indigène sera dans un état désespéré, de prévenir le ou les coreligionnaires qui pourront se trouver dans le même établissement que lui.
La mort ayant fait son œuvre, le corps est entièrement lavé à l'eau chaude.
Cette pratique ne me paraît pas applicable ailleurs qu'en pays musulman, car les indigènes répugnent à cette besogne, la confiant dans chaque agglomération à un professionnel.
Il n'apparaît donc pas que les coreligionnaires du défunt présents dans les hôpitaux s'en chargeraient volontiers ; mais s'ils en témoignaient le désir, toutes facilités devraient leur être données à ce sujet.
Le corps enveloppé dans un linceul, qui consiste en une cotonnade blanche quelconque assez large pour entourer complètement le défunt, est ensuite transporté au lieu d'inhumation sur une civière [qui] doit être portée à bout de bras par des coreligionnaires. La mise dans un cercueil est absolument interdite.
La cérémonie, qui accompagne les funérailles, ne peut être dirigée que par un musulman, en ce qui concerne le rite religieux, car lui seul a qualité pour dire les prières. Il conviendra donc d'en charger le ou les camarades du défunt tout en rendant, bien entendu, les honneurs militaires en usage.
En cas d'absence de tout musulman, les honneurs militaires seuls seront accordés et on devra s'abstenir de toute cérémonie ayant un caractère religieux, comme je l'ai prescrit par dépêche n° 4695-9/11 précitée.
La tombe doit être creusée avec une orientation Sud-Ouest - Nord-Est, de façon que, le corps étant placé du côté droit, le visage soit tourné dans la direction de La Mecque.
Cette pratique est réalisable et il y aura lieu de s'y conformer.
Enfin, il serait désirable que, par analogie avec ce qui se fait pour les chrétiens, dont la tombe est habituellement surmontée d'une croix, les tombes des militaires musulmans fussent marquées au moyen de deux stèles en pierre ou en bois, dont le modèle est ci-joint, et qui seront placées : l'une au-dessus de l'endroit où repose la tête, portant l'inscription en arabe (conforme au modèle) qu'il sera facile de faire recopier et le nom du défunt en français ; l'autre, sans inscription, à l'emplacement des pieds.
Ce souvenir que nous devons à nos soldats musulmans morts pour la France est facilement réalisable.
Vous voudrez bien communiquer ces instructions aux médecins-chefs des Hôpitaux militaires et auxiliaires, ainsi qu'aux commandants de Dépôts de convalescents et des Dépôts des troupes d'Afrique placés sous votre commandement, en leur recommandant de s'y conformer dans toute la mesure du possible» (10).
Le scrupule d’une conformité avec la pratique musulmane est manifeste. En même temps que l’attention portée à son aspect exécutable. Il n’y a donc pas lieu de suspecter cette politique d’une complaisance calculée. L’armée fut la première grande institution nationale à marquer de tels égards au religieux islamique en métropole.
La stèle funéraire «française»
De quelle source d’architecture funéraire s’inspire le modèle de stèle dessiné par les militaires français (11) ?
En réalité, les cimetières musulmans d’Algérie offraient un polymorphisme de sépultures aux causes diverses : degré d’aisance financière de la famille du défunt, état de détérioration de la tombe, etc.
On trouve de petits édifices de type kouba, des monuments plus élevés, de simples murets de pierre bordant la sépulture, des dalles à soubassements plus ou moins surélevés, un très fréquent dédoublement des stèles : de tête (rassou) et de pied (rajlih). Les stèles offrent des contours variables, le plus souvent à sommet cintré simple ou à pourtour anthropomorphisé stylisé quasi discoïdal.
Voici quelques images de cimetières arabes algériens d’avant 1914.
À l'examen de ces sépultures musulmanes en Algérie, on devine l'inspiration des responsables en métropole. La stèle militaire «française» résulte d’un choix composite : simplicité de l’ensemble, dédoublement de la stèle, mais contour du sommet en forme d’arc outrepassé, et inscription normative ; pas de petits édicules commémoratifs.
La stèle de tête porte, en effet, un double motif : l’étoile et le croissant ; et une double mention écrite. Une épitaphe anonyme en graphie arabe : hadhâ qabr al-mahrûm (ceci est la tombe du rappelé à Dieu) ; et une en langue française devant indiquer le nom du mort, le numéro de son régiment et la date du décès.
Sur la stèle de pieds ne figure aucune inscription mais seulement le motif du croissant et de l’étoile.
La largeur et la hauteur de la stèle ont pu varier au cours des années de guerre. Mais après la guerre, c’est le dessin initial qui fut retenu avec seulement la stèle de tête (sans stèle de pied) comme on peut le voir dans les nécropoles nationales ou dans les carrés de militaires musulmans aménagés par les communes, surtout pour les victimes de la Seconde Guerre mondiale.
Le rôle du peintre Étienne Dinet
Les sources militaires administratives ne fournissent pas de détail sur l’élaboration ornementale de la stèle pour les musulmans. Mais un témoignage pourrait contribuer à en savoir plus. La sœur du peintre Étienne Dinet (1861-1929) - lui-même converti à l’islam en 1913 - a publié des souvenirs et documents en 1938 (12).
Elle y affirme : «Grâce à lui, le retour de très regrettables maladresses est évité ; de plus on le charge de faire avec l'aide de savants musulmans, un règlement pour l'enterrement des soldats musulmans morts pour la France. Il s'occupe d'un modèle de stèles à exécuter pour leurs tombes. Instructions et modèles sont envoyés à tous les Hôpitaux en France et cette mesure produit le plus heureux effet sur les combattants musulmans et sur leurs familles» (p. 151).
Notons que la sœur de Dinet avait été «chargée de l'organisation et de l'administration d'un hôpital à Héricy» (château de la famille), hôpital qu'elle avait dû transporter à Orléans (p. 150) puis était revenue à Héricy où Dinet vient la visiter (p. 154) ; elle connaît donc le milieu hospitalier de guerre.
Le peintre Étienne Dinet est ainsi, probablement, sinon le seul, au moins l’un des principaux concepteurs «artistiques» de la stèle funéraire musulmane française.
Signalons, encore, que son rôle ne s’est pas limité à cette implication. Dans une lettre à sa sœur (mars ou peu après mars 1915), Dinet écrit : «Je continue à m'occuper des questions musulmanes, les seules dans lesquelles je puisse apporter une toute petite contribution aux nécessités du moment. Nous venons enfin d'obtenir l'envoi d'Imams en France après 10 mois de faux-fuyants répondant à nos demandes» (p. 153).
le peintre Étienne Dinet (1861-1929), converti à l'islam en 1913 (Album Mariani, 1910)
La réalité des tombes musulmanes sur le front
Les preuves existent de l'utilisation de ces stèles durant le conflit. Mais les inhumations initiales, situées à proximité du front, ont souvent été déplacées du fait des bombardements. La dimension des stèles, on l’a dit, pouvait ne pas respecter celles du modèle dessiné par le service de Santé des armées et être à la fois plus haute et plus étroite.
Une carte postale ancienne montre, à Talus-Saint-Prix (Marne), et selon la légende, des «tombes de tirailleurs algériens» décédés lors des combats des 8 et 9 septembre 1914. Les stèles sont hautes et l'ensemble des sépultures est protégé par un enclos de bois.
Malgré les mentions portées sur les cartes des combats de cette zone qui notent la présence d'une Division marocaine, il s'agit bien d'Algériens et peut-être de Tunisiens. Comme l'indique l'historien militaire britannique, Anthony Clayton, les bataillons formant cette unité sont composés de combattants "algériens ou tunisiens servant au Maroc et non de troupes marocaines" (13).
Ce qui reste ignoré est la date exacte de l'aménagement de ce petit cimetière de front.
tombes marocaines allemandes à Missy, dans l'Aisne
Autre part, dans l’Aisne, les Allemands ont photographié pour un usage de carte postale, des sépultures de Marocains en 1915, dans le village de Missy-sur-Aisne. La légende précise : Marokkanergräber bei Missy (tombes marocaines à Missy). Cette région ayant été occupée par l’armée allemande de janvier 1915 à avril 1917, il est à peu près certain que ce furent les Allemands qui aménagèrent ces sépultures. D’ailleurs, le dispositif funéraire ne correspond pas aux normes françaises. Ici, nous n’avons qu’un poteau portant en son sommet une plaque de bois rectangulaire avec inscriptions (illisibles sur le document), surmontée d’un croissant.
Une autre image, datant apparemment de 1918, porte en légende (en langues française et anglaise) : «Tombes marocaines près de Sillery». Il est difficile aujourd’hui d’identifier toutes ces sépultures comme spécifiquement musulmanes. Cependant, on distingue sur le sommet d’une stèle-poteau un croissant tel que les Allemands en ornaient les tombes de Marocains à Missy-sur-Aisne. La probabilité d’authenticité de la légende de la carte postale est donc très forte.
Dans le cas de Sillery, on peut observer une continuité de l'inhumation, mais avec une modification de l'endroit. Entre les tombes arrangées à la hâte du temps de guerre et les aménagements plus systématiques de la sortie de guerre. En 1923, une nécropole nationale fut organisée à Silléry pour regrouper les morts des batailles de Champagne entre 1914 et 1918.
Une photographie montre des stèles musulmanes simples, sans stèles de pied, mêlées aux tombes chrétiennes. On ignore la date mais l'aspect indique qu'il s'agit probablement des premières années de la nécropole.
nécropole de Sillery, peut-être fin des années 1920 ; stèles musulmanes visibles parmi les premiers rangs
La nécropole de Sillery fut, en effet, réaménagée à plusieurs reprises, en 1927, 1928, 1931 et 1933, accueillant des corps exhumés des cimetières de la Marne, à l'est de Reims.
Sur des cartes postales anciennes du cimetière dans les années 1930, on observe toujours les stèles musulmanes. Les inhumations du front sont donc restées, dans ce cas, à peu près au même endroit.
nécropole de Sillery, stèles musulmanes dos-à-dos avec des croix chrétiennes
La réalité des tombes musulmanes à l’arrière
La pratique de l’inhumation loin du front a laissé des témoignages iconographiques plus nombreux.
À l'arrière, en effet, les stèles ont été utilisées dès 1915 dans les espaces musulmans des cimetières parisiens, à Bagneux, à Pantin, à Ivry et à Nogent-sur-Marne. Dans cette localité, fut édifiée, au cœur du Jardin colonial qui abritait alors un hôpital militaire, la mosquée de bois desservie par les imams du «camp retranché» de Paris.
En janvier 1916, le directeur du Jardin colonial, Prudhomme, fait parvenir à diverses administrations un dossier de photos des inhumations musulmanes dans ces diverses localités (14). Une mise en scène accompagne les clichés, destinée à prouver l'intérêt que les musulmans mobilisés en France pouvait porter à ces tombes marquant leur confession : on y a fait figurer des combattants musulmans décorés et/ou blessés (15).
tombes musulmanes au cimetière de Pantin, début 1915
Les stèles ne sont pas de forme identique. Celles du cimetière de Pantin sont étroites et hautes, environ quatre-vingt centimètres, et dédoublées. Y figurent les mêmes inscriptions que sur le modèle «officiel».
Un soldat, médaillé, portant seroual et chéchia, probablement en convalescence, pose une main bienveillante sur le sommet de la stèle du défunt Ahmed Miliani, tirailleur algérien mort le 20 juin 1915. Sur le site Mémoire des Hommes, la fiche d'Ahmed Miliani nous apprend qu'il est présumé né en 1873, région de Mostaganem, qu'il appartenait au 2e régiment de Tirailleurs algériens et qu'il est mort le 21 juin 1915 à l'hôpital Chaptal à Paris, des suites d'une pneumonie.
tombes musulmanes au cimetière de Bagneux, début 1915
Dans le cimetière de Bagneux, le même soldat fait face à d’autres stèles plus conformes au «modèle» : leur taille est plus réduite et elles sont plus larges. Les soldats sont morts entre janvier et mars 1915.
tombes musulmanes au cimetière d'Ivry, début 1915
Enfin, une troisième photo, dans le cimetière d'Ivry, montre un autre type d’agencement : la stèle de tête est haute et étroite tandis que celle des pieds est petite et plus large. L’une d’entre elles ne compte que des informations écrites en arabe. Et sur son arrière, on peut lire «stèle des Amitiés Musulmanes».
Il ne semble pas que ces différences de taille revêtent une signification particulière. Elles sont sans doute imputables à de simples questions d’ordre matériel.
Le fait que ces combattants décédés au début de 1915, après un séjour dans l’Hôpital du Jardin colonial de Nogent-sur-Marne ou dans d'autres hôpitaux, soient enterrés selon leur rite funéraire, prouve l’usage très rapide des règles prescrites à cet effet dès l’automne 1914.
moro Colonel
messages : 1507 Inscrit le : 17/04/2008 Localisation : France Nationalité : Médailles de mérite :
Sujet: Re: 1ère querre mondiale /WWI Sam 25 Oct - 9:59
Citation :
tombes musulmanes française hors de France
On trouve des marques de cette même déférence, à l’égard de la confession musulmane des combattants provenant de l’Empire colonial, sur des champs de bataille hors de France.
Par exemple en Roumanie, dans une aile du cimetière Bellu à Bucarest. C'est dans l'entre-deux guerres que furent élévées ces stèles de tirailleurs algériens décédés au cours des années 1917 et 1919, à côté du "carré français" des soldats du corps expéditionnaire (16).
tombes musulmanes de soldats français dans le cimetière Bellu à Bucarest en Roumanie
Sur la photo ci-dessus, la tombe de droite est celle de Mansour Bhasiu. Un relevé du généalogiste Michael Allardin identifie 22 noms du carré musulman. Il existe, en Roumanie, d'autres tombes de soldats musulmans de la Première Guerre mondiale. Le site de l'ambassade offre ces deux vues de la sépulture et du monument dédié au "prince arabe", Mohamed Gherainia, dans la ville de Slobozia :
sépulture du "prince arabe", Mohamed Gherainia, à Slobozia (Roumanie)
monument du "prince arabe", Mohamed Gherainia, à Slobozia (Roumanie)
tombes musulmanes d'après-guerre
Il n'est pas traité dans cette intervention des sépultures d'après-guerre : nécropoles, "carrés" communaux... Mais ces pratiques d’inhumation du temps de guerre ont été poursuivies à partir de 1919 et dans les années ultérieures au sein des nécropoles nationales ou dans des cimetières communaux.
Il a pu arriver que des erreurs soient commises dans l’identification confessionnelle des sépultures.
Ainsi, le 7 décembre 1921, la préfecture de Seine-et-Marne répond au Service des Affaires algériennes du ministère de l’Intérieur : «…vous m’avez signalé qu’il avait été placé, par erreur, des croix au lieu de stèles sur les tombes des soldats indigènes de religion musulmane, inhumés dans le cimetière de Neufmontiers […] le fait articulé est exact ; le cimetière de Neufmontiers-les-Meaux va disparaître et les restes des soldats qui y sont inhumés seront transportés dans le courant de janvier dans un autre cimetière. À ce moment-là des stèles rituelles seront apposées sur les tombes dont il s’agit» (17).
Il existe, provenant d’une toute autre source - puisqu’il s’agit de cartes postales anciennes - des souvenirs iconographiques des lieux évoqués dans l'échange de courrier ci-dessus.
Neufmoutiers (Seine-et-Marne), vue de stèles musulmanes et chrétiennes, probablement avant 1916
Une photographie enregistrant un état apparemment antérieur à 1916 est intitulée «Bataille de l’Ourcq (18). Les tombes de nos héros dans la grande plaine de la Brie». Elle est située à Neufmontiers. On y voit quelques tombes chrétiennes et au moins une musulmane avec une stèle dédoublée à la découpe identique au «modèle» du Service de Santé des armées.
Neufmoutiers (Seine-et-Marne), cimetière militaire, après 1918
Une autre photographie dévoile «le cimetière militaire, 1914-1918» de Neufmontiers. On peut conjecturer, avec quelque vraisemblance, qu’il s’agit d’une extension du lieu figurant sur la photographie précédente. Les sépultures chrétiennes occupent la totalité du paysage. On peut, cependant, soupçonner une ou deux sépultures musulmanes sur le côté gauche du cliché. D’après la correspondance citée ci-dessus, des tombes musulmanes furent pourvues de croix au lieu de stèles ; peut-être certaines d’entre elles figurent-elles sur ce cliché ?
Les rites alimentaires musulmans
Il en va des rites alimentaires comme des sépultures : les archives de consignes sont plus disertes que les manifestations concrètes de leur application.
Le journal Les Amitiés Musulmanes, organe officiel de l'association homonyme présidée par Maurice Raynaud, député, ancien ministre publie un article «La France et ses musulmans» (19).
Il rappelle les consignes du service de Santé et ajoute : «Lorsqu'un hôpital contient des Algériens, Tunisiens, Marocains ou autres musulmans, il convient, chaque fois que ce n'est pas impossible, de les réunir dans une même salle. Il faut en outre leur faire une cuisine à part, accommodée à l'huile, au beurre, mais jamais à la graisse de porc qui leur est formellement interdite par leur religion ; il convient de permettre à l'un d'eux de surveiller la préparation des repas, afin de leur enlever toute inquiétude à ce sujet».
L’auteur évoque également les consignes relatives au «jeûne de Rhamadan» dont il fournit comme dates extrêmes les 13 juillet et 13 août 1915 (20).
Sans que cela relève de l'Armée, les Amitiés Musulmanes ont organisé des rencontres à l'occasion de fêtes traditionnelles, comme celle du 1er septembre 1916, à la fin du mois de ramadan qui avait débuté le 2 juillet précédent.
Un milieu hétéroclite se retrouve : des soldats indigènes (souvent blessés) nord-africains et sénégalais, des Kabyles de Paris, des musiciens, des chanteuses, des enfants même, des militaires officiers, des personnalités civiles et politiques, des civils de métropole hommes et femmes (source des photos suivantes : Gallica).
fête de fin de ramadan, 1er septembre 1916 au siège des Amitiés Musulmanes
fête de fin de ramadan, 1er septembre 1916 au siège des Amitiés Musulmanes
fête de fin de ramadan, 1er septembre 1916 au siège des Amitiés Musulmanes
fête de fin de ramadan, 1er septembre 1916 au siège des Amitiés Musulmanes
fête de fin de ramadan, 1er septembre 1916 au siège des Amitiés Musulmanes : musiciens, chanteuses, soldats, civils...
Sur le front, ou à l'arrière, dans le milieu proprement militaire, quelques images de consommation alimentaire rituelle lors d’occasions exceptionnelles existent.
préparation d'un méchoui par des tirailleurs marocains à Amiens au début de la guerre
Par exemple, cette carte postale représente quelques tirailleurs marocains affairés à la préparation d’un méchoui à Amiens, apparemment au début de la guerre. Il s'agit plus de tradition que de religion, certes. Mais l'animal a dû être sacrifié rituellement.
D’autres photographies ont fixé différents moments de la diffa (repas traditionnel destiné à des hôtes de marque) du 16 septembre 1918 organisée dans le Jardin Colonial de Nogent (21) qui abritait, rappelons-le, un hôpital pour blessés et convalescents et une mosquée de bois. Cette diffa fut offerte par le Gouverneur Général de l’Algérie, Charles Jonnart à l’occasion de l’aïd el-kebir (10 dhoul hidja 1336).
diffa dans le Jardin Colonial de Nogent pour l'aïd el-kebir, 16 septembre 1918
diffa dans le Jardin Colonial de Nogent pour l'aïd el-kebir, 16 septembre 1918
diffa dans le Jardin Colonial de Nogent pour l'aïd el-kebir, 16 septembre 1918
diffa dans le Jardin Colonial de Nogent pour l'aïd el-kebir, 16 septembre 1918
On y voit des soldats occupés à la cuisson des deux animaux mis à la broche puis la découpe du mouton. De nombreuses personnes figurent sur ces clichés : des militaires musulmans, des officiers, quelques individus en civil dont un enfant. Trois «religieux» apparaissent ; les deux vêtus de tenues blanches sont les deux imams attachés à la mosquée, les cheikhs Si Mokrani et Si Katrandji.
Culte, imams et mosquées
Il faut enfin envisager la question de la prière et des lieux de culte.
Il n’est pas fait mention, dans les archives que j’ai consultées, ni de tenues de prières ni de la présence d’imams auprès des troupes coloniales sur le front. Il est, par contre, probable que les inhumations de soldats musulmans aient donné lieu à la prière des morts précédant l’inhumation proprement dite. Mais par qui ont-elles été dirigées ? Nous ne le savons pas.
Le journal, déjà cité, Les Amitiés Musulmanes, après avoir évoqué le dispositif rituel des enterrements précisait aussi, en janvier 1916 : «Il faut leur faciliter l'exercice des rites de leur religion, en mettant à leur disposition une pièce où ils puissent faire leurs ablutions. Enfin, il faut éviter tout acte de prosélytisme, tels que distribution de médailles ou images de piété et même ne laisser entrer dans la salle des musulmans aucun ministre d'une religion quelconque».
Les échanges de courriers entre la Direction des Affaires Indigènes au Gouvernement Général d’Alger et le ministère de l’Intérieur à Paris, mentionnent les «imams aux armées» (22).
Cette formule désigne les quelques imams qui furent affectés parmi les unités cantonnées à l’arrière, souvent dans les hôpitaux et centres de convalescence.
Alès, caserne Thoiras, dépôt des 4e et 8e régiments de tirailleurs pendant la guerre, où fut notamment affecté l'imam Mohamed ben Brahim Ould Taieb
Dans la ville d'Alès - orthographié encore sous la forme Alais - la caserne de la rue Pasteur abritait, jusqu'à l'été 1914, le 40e régiment d'Infanterie qui monta au front dès le début de la guerre. À partir de février 1915, la caserne désaffectée devint le dépôt des 4e et 8e régiments de tirailleurs tunisiens.
Des soldats étant décédés sur place, il fallut envisager un lieu pour les inhumations. Une délibération du conseil municipal, en date du 23 octobre 1915, évoque la nécessaire "création d'un cimetière mahométan" (source : arch. mun. Alès, I D 69).
Aix-en-Provence, caserne Forbin, dépôt des tirailleurs algériens pendant la guerre, où fut notamment affecté l'imam Mohamed ben Brahim Ould Taieb
Aix-en-Provence, caserne Miollis, dépôt des tirailleurs indigènes pendant la guerre, où fut notamment affecté l'imam Mohamed ben Brahim Ould Taieb
Le 17 mai 1919, le lieutenant-colonel Hannezo, commandant supérieur des Dépôts de tirailleurs d’Aix et d’Alais (Alès) évoque le cas de l’imam Mohamed ben Brahim Ould Taieb qui quitte la France et la quinzième région où il a servi avec le grade de sous-lieutenant :
«j’ai le devoir de rendre hommage à ce brave chef religieux qui, en toutes circonstances, a prêté son concours loyal et empressé aux Autorités militaires, aux médecins, aux chefs d’établissements du service de Santé et a porté partout le réconfort aux musulmans qu’il a vus dans les hôpitaux, les casernes et les cantonnements ; il a soulagé bien des peines ; il a donné d’excellents conseils aux jeunes soldats au moment de leur arrivée en France et de leur envoi au front et a souvent été l’intermédiaire de ses coreligionnaires auprès de leurs chefs et de leurs familles».
Au-delà du caractère convenu de ce type de lettre – dont il n’y a pas lieu par ailleurs de douter de la sincérité factuelle – on enregistre ainsi des informations sur les différentes activités de ces «imams aux armées».
Par une lettre antérieure à lui adressée, on apprend que cet imam a été désigné en juillet 1915, par le cabinet du Gouverneur Général de l’Algérie, pour remplir ces fonctions : «Vous recevrez en cette qualité, en dehors de vos frais de route (250 francs) que vous toucherez à votre arrivée, une indemnité forfaitaire mensuelle égale à la solde de sous-lieutenant…». Les activités de cet imam ont donc duré près de quatre années (6 juillet 1915 – 31 mai 1919).
Il était originaire d’Oran où il exerçait la profession de courtier et brocanteur, et représentait la zaouïa Senoussia du cheikh Ben Tekouk de Bouguirat. Signalons, cependant, qu’en 1921, les appréciations du préfet d’Oran étaient nettement moins élogieuses à l’égard de Hadj Mohammed Brahim… (23).
Mis à part les dépôts du sud de la France, la présence d'imams auprès des soldats français de confession musulmane est attestée à Paris. Cette assistance religieuse est mise en scène par l'Armée. Comme le montre cette photographie de la délégation musulmane, présidée par Si Kaddour ben Ghabrit, au printemps 1916 à l'hôpital de Nogent-sur-Marne.
mission musulmane au Jardin Colonial de Nogent, 13 novembre 1916 ; Si Kaddour ben Ghabrit est le troisième en partant de la gauche
Trois édifices, d’initiative française, attestent de cette politique d’égards envers les combattants de religion musulmane venus des colonies : la mosquée du Jardin Colonial de Nogent-sur-Marne, la kouba du cimetière de Nogent-sur-Marne et la Mosquée de Paris plus tardive.
La mosquée en bois du Jardin Colonial (1916)
C'est à la fin de l'année 1914, que la décision est prise d'utiliser les pavillons du Jardin Colonial de Nogent-sur-Marne pour accueillir des blessés (hôpital bénévole n° 18 bis). Il s'agit d'un lieu de convalescence et non d'opérations chirurgicales ; les soins sont légers. Et la présence relativement durable pour les mutilés.
hôpital du Jardin colonial à Nogent-sur-Marne, convalescents musulmans
hôpital du Jardin colonial à Nogent-sur-Marne, vers le réfectoire
C'est dans ce lieu qu'en réponse à la propagande allemande auprès des prisonniers musulmans de l’armée française en Allemagne, le ministère des Affaires étrangères prend l’initiative de l’élévation d’une mosquée. L'Allemagne, alliée de la Turquie, se devait d'être attentive à la question religieuse, et les Turcs savaient le leur rappeler. En témoigne ce résumé d'un article paru dans la revue hebdomadaire panislamique et germanophile, Djihân-i Islâm, publiée à Constantinople par la Société de Bienfaisance musulmane (Djem'-iyèt-i Khaïriyé-i Islâmiyé), n° 31, du 26 novembre 1914 (13 moharram 1333) :
Revue du Monde Musulman, tome trentième, 1915, p. 385
mosquée de Zossen en Allemagne (carte postale colorisée)
mosquée de Zossen-Wünsdorf en Allemagne pendant la Grande Guerre
Pierre de Margerie (1861-1942), directeur des Affaires politiques au ministère des Affaires étrangères, explique dans une lettre du 16 janvier 1916, le sens de la riposte française :
Pierre de Margerie, en 1929
«Les autorités militaires allemandes ayant fait ériger à Zossen, près de Berlin, où se trouvent détenus trois mille de nos prisonniers musulmans, une mosquée que sont conviés à visiter périodiquement, dans un but de réclame, des publicistes turcs, persans et égyptiens, le gouvernement de la République a cru devoir, comme vous le savez, répondre à cette manœuvre de nos ennemis en faisant ériger un oratoire musulman au centre du Jardin colonial à Nogent-sur-Marne où il a installé un hôpital spécialement destiné aux blessés mahométans.
J'ai l'honneur de vous adresser, ci-joint, un dessin de cette mosquée que j'ai fait parvenir également à nos agents en pays musulmans en les invitant à y donner le plus de publicité possible» (24).
plan en élévation de la mosquée prévue pour le Jardin colonial, 1915
plan en élévation de la mosquée prévue pour le Jardin colonial, 1915 ; légende en arabe rédigée par les imams Si Mokrani et Si Katranji
La construction fut assez rapide. Le ministère des Affaires étrangères donne pour instruction au ministère des Colonies de suivre l’avis de la Commission interministérielle des Affaires musulmanes (C.I.A.M.) en date du 23 mars 1916, selon laquelle :
«la remise de la mosquée aux imams devait faire l'objet d'une cérémonie à laquelle les musulmans seraient seuls conviés. Il conviendrait également qu'un compte-rendu de la fête fût fait par un lettré musulman en insistant sur le caractère uniquement religieux de la cérémonie et je m'empresserais de faire donner à son récit la publicité des journaux arabes subventionnés par le ministère des Affaires étrangères. Je vous serais obligé à cet effet de vouloir bien faire envoyer quelques exemplaires du récit que ferait le thaleb désigné par la direction de l'hôpital du Jardin Colonial. La Commission des Affaires musulmanes ne verrait, d'autre part, que des avantages, lorsque le culte sera pratiqué dans la mosquée du Jardin Colonial, à ce qu'une visite fût faite à Nogent par des personnalités particulièrement qualifiées pour représenter le gouvernement…» (25).
Les préoccupations de politique internationale sont manifestes. Il s’agit de mettre en évidence les efforts du gouvernement de la République pour respecter les croyances religieuses des militaires d’origine musulmane et conforter ainsi les populations «mahométanes» de ses colonies.
sortie de la mosquée du Jardin colonial, le jour de l'aïd el-kebir, 16 septembre 1918 (10 dhoul hijja 1336) ; l'imam Katranji est le troisième des dignitaires religieux, à droite, devant l'entrée
La mosquée est inaugurée le 14 avril 1916. Les motifs d’ordre politique ressortent prioritairement. Le compte rendu en langue arabe fut réalisé par l’un des deux imams et traduit par l’officier interprète Hennecart :
«Louange à Dieu !
Que la prière et le salut soient sur le Prophète de Dieu.
Le 10 du mois de Djoumad El Hani an 1334 de l'hégire correspondant au 14 avril 1916… a été inaugurée la mosquée que le gouvernement français a fait construire dans l'hôpital du Jardin Colonial…. Étaient présents les soldats musulmans, blessés (en traitement dans les hôpitaux de Paris)…
À cette occasion, un repas composé suivant le goût des indigènes de l'Afrique (du Nord) leur fut servi : couscous, méchouis, gâteaux arabes, etc…
Ce jour-là, la prière du dohor fut dite par les imams Cheikh Mokrani et son collègue Katranji Sid Abderrahman.
Après la prière, les musulmans présentèrent au Dieu très haut une requête d'un cœur sincère, pour qu'il fasse triompher leur gouvernement, la France et ses alliés de son ennemie l'Allemagne et de ses complices…
Tous ont manifesté la joie et la reconnaissance que mettait dans leur cœur le témoignage de sollicitude que venait de leur donner la France, respectueuse de leur religion et de leurs coutumes, en leur offrant cette magnifique mosquée…
Tous, d'une seule voix, en sortant de cette mosquée se sont écriés : "Nous sommes les enfants de la France, nous sommes venus volontairement de notre pays pour aider jusqu'à notre dernier souffle notre noble Mère la France, qui est la représentante du droit et qui marche dans la voie droite : la voie de la Justice et nous avons la conviction absolue que la victoire est pour Elle, ses armées et ses alliés".
Les Musulmans se séparèrent sur ces paroles, heureux et louant les hautes vertus de leur patrie la France» (26).
groupe de musulmans convalescents devant la mosquée du Jardin colonial
La mosquée bâtie fut à peu près conforme au dessin préparatoire. Le minaret et l’ensemble de l’édifice avaient une belle allure. Y eurent recours les soldats séjournant à l’hôpital ainsi que des civils venus leur rendre visite.
Au moins deux imams y étaient présents en permanence à la mosquée du Jardin colonial. Ils accompagnaient les blessés et convalescents jusqu’au café de l’Hôpital, comme le montre cette photo (27).
les hospitalisés du Jardin colonial au café, avec leurs imams
présence musulmane en d'autres hôpitaux militaires
D’autres hôpitaux accueillirent des blessés musulmans. Par exemple celui de Moisselles (ancienne Seine-et-Oise, actuel Val d’Oise).
L’agent hospitalier Luc Ciccotti y a consacré un mémoire de fin d’études et cite le témoignage d’un ancien employé de l’hôpital, J. Cuypers (28) :
«De nombreux soldats blessés, dont certains d'origine algérienne et tunisienne, y furent soignés. Il y avait des ateliers de rééducation, tels une salle d'électrothérapie, dont témoigne une carte postale.
Entre juin 1916 et juillet 1919, il y eut 38 soldats qui décédèrent à l'hôpital des suites de leurs blessures. Parmi eux, il y eut 29 corps qui furent inhumés au "Carré militaire" de notre cimetière, qui comporte 35 emplacements. Les 6 emplacements "vides" correspondant sans doute à des exhumations de corps réclamés par les familles dès la fin de la guerre».
salle de mécanothérapie à l’hôpital de Moisselles
Une autre image montre la présence de musulmans, à Moisselles, lors d’une cérémonie de décoration présidée par Justin Godart, sous-secrétaire d’État à la Guerre et responsable du service de Santé militaire de 1915 à 1918.
Le personnage, au premier plan, portant turban et gandoura est peut-être un «religieux» musulman.
hôpital de Moisselles, décoration de blessés musulmans
L’hôpital de Carrières-sous-Bois (ancienne Seine-et-Oise, actuelles Yvelines) abritait trois pavillons destinés, chacun, aux Algériens, aux Marocains, aux Tunisiens. Le gouverneur Général de l’Algérie, Lutaud s’y rendit en visite.
hôpital de Carrières-sur-Seine, le Gouverneur Lutaud s’adresse aux blessés musulmans
hôpital de Carrières-sur-Seine, pavillon affecté aux blessés marocains
hôpital de Carrières-sur-Seine, pavillon affecté aux blessés tunisiens
hôpital de Carrières-sur-Seine, pavillon affecté aux blessés tunisiens
hôpital de Carrières-sur-Seine, pavillon affecté aux blessés algériens
Sans certitude absolue, on peut imaginer que le personnage accoudé à la fenêtre du pavillon des blessés algériens, à côté d’un soldat musulman, soit un imam en visite le jour où cette image fut prise. Ce cliché est, en effet, un élément d’une série doublement légendée, en langue française et en langue arabe, souvent effectué lors d’une visite officielle et destinée à servir de propagande.
En tout cas, à Carrières-sous-Bois, des fêtes traditionnelles furent organisées comme en fait foi cette carte postale du méchoui offert par le Gouverneur Lutaud aux «troupes africaines».
hôpital de Carrières-sur-Seine, méchoui offert par le Gouverneur général de l'Algérie
Signalons, au passage, que l'Armée ne se préoccupait pas que du religieux. Elle organisait également une formation technique, comme ce cours d'agriculture mis en scène sur cette photo.
hôpital de Carrières-sur-Seine, cours d'agriculture pour convalescents des troupes africaines
moro Colonel
messages : 1507 Inscrit le : 17/04/2008 Localisation : France Nationalité : Médailles de mérite :
Sujet: Re: 1ère querre mondiale /WWI Sam 25 Oct - 10:00
Citation :
La kouba de Nogent-sur-Marne (1919)
Une initiative différente, par la nature de ses promoteurs, eut pour cadre le cimetière militaire de Nogent-sur-Marne.
La kouba (en arabe qubba), appelée également «marabout», est un élément additionnel d'une architecture funéraire qui se compose d'abord des tombes et de leur (éventuelle) ornementation.
Le terme désigne un édifice plutôt carré surmonté d'une coupole. Dans les pays de tradition islamique, il est devenu le type même du mausolée qui peut abriter la tombe d'un pieux personnage ou seulement rappeler son esprit. La kouba peut être un monument isolé, en dehors du périmètre des nécropoles, ou bien avoir été construite à l'intérieur du cimetière. De nombreux exemples peuvent être invoqués au Maghreb.
marabout (ou qubba) de Sidi M'Hamed à Blida, en Algérie
marabout de Sidi-Aâsem à Oujda, au Maroc
marabout et pélerinage de Sidi Mohand-Amokran à Bougie, en Algérie
C'est principalement à Émile Piat (né en 1858) que l'on doit la construction de la kouba dans le cimetière de Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne) en France. Consul général (promu au grade de ministre plénipotentiaire en février 1919), il était attaché au cabinet du ministre des Affaires étrangères et chargé de la surveillance des militaires musulmans dans les formations sanitaires de la région parisienne (Nogent, Carrières, Moisselles). Sa correspondance laisse penser qu'il maîtrisait la langue arabe (29).
Émile Piat n'a pas laissé de traces écrites des raisons qui l'ont amené à choisir ce type de monument pour honorer le souvenir collectif de soldats décédés. Mais, dans une lettre du 14 juin 1918, il explique à son ami, le capitaine Jean Mirante, officier traducteur au Gouvernement général en Algérie, les origines de son projet :
«Ayant eu l’impression que l’érection d’un monument à la mémoire des tirailleurs morts des suites de leurs blessures aurait une répercussion heureuse parmi les populations indigènes de notre Afrique, j’ai trouvé à Nogent-sur-Marne, grâce à l’assistance de M. Brisson, maire de cette ville, un donateur généreux, M. Héricourt, entrepreneur de monuments funéraires qui veut bien faire construire un édifice à ses frais dans le cimetière de Nogent-sur-Marne».
Obtenant le soutien financier de la section algéroise du Souvenir Français, par l'entremise de Mirante, il reçoit une somme de 1 810 francs destinée aux frais de la décoration de la kouba. Le gros œuvre est financé et effectué par le marbrier funéraire, Héricourt.
la kouba de Nogent-sur-Marne, construite en 1919
Au-delà de son architecture typique, la dimension religieuse du monument est explicite ainsi qu'en témoignent les deux versets du Coran (III, 169 et 170) devant être inscrits au frontispice après avoir été choisis par le muphti Mokrani en poste au camp retranché de Paris et à l'hôpital du Jardin colonial. L'édifice est inauguré le 16 juillet 1919.
versets du Coran choisis par le consul Émile Piat pour la kouba de Nogent
Les versets en question sont les 169 et 170 de la sourate III du Coran :
(169) - et ne prends pas ceux qui furent tués sur le chemin de Dieu pour des morts. Oh non ! ils vivent en leur Seigneur, à jouir de l'attribution
(170) - joyeux de ce qu'Il leur dispense de Sa grâce, et d'avance contents pour ceux de leurs émules qui ne les ont pas encore rejoints : point de crainte à se faire sur eux, non plus qu'ils n'ont de mélancolie (traduction Jacques Berque).
Émile Piat termine sa lettre du 14 juin 1918 en précisant : «Ces versets, qui ont été choisis par le muphti Mokrani, ont reçu l’approbation des notables africains auxquels je les ai lus en leur apprenant qu’ils seraient inscrits sur le monument, car je n’ai pas eu encore la possibilité de les faire graver sur marbre».
La kouba de Nogent fut donc édifiée à la fin de la Première Guerre mondiale grâce à une conjonction d'initiatives : la politique de gratitude et de reconnaissance de l'institution militaire à l'endroit des soldats venus du domaine colonial, l'empathie d'un consul entreprenant et l'entremise d'un officier des affaires indigènes en poste à Alger, le soutien d'un édile communal et la générosité d'un marbrier.
Cette osmose dépasse toute politique d'intérêts au sens étroit. C'est ce surplus de signification qui en fait un symbole d'une mutuelle reconnaissance.
reçu du marbrier Héricourt adressé à Émile Piat, le 6 février 1919 (source Caom GGA, 1 Cab 4)
C'est à la fin des années 1950 que commence à se poser le sort des tombes musulmanes et de la kouba qui s'élève sur ce carré militaire. En 1971 et 1972, diverses démarches ne permettent pas de dégager une solution technique ni de désigner l'autorité habilitée à décider et à financer les travaux de restauration de la kouba.
Pendant ce temps, l'édifice se détériore et penche. Le recteur de la Mosquée de Paris, Si Hamza Boubakeur, sollicité mais désargenté, espère en un financement public. En vain. Finalement, le 9 mars 1982, les responsables municipaux constatent «l'effondrement naturel» du monument.
Aujourd’hui, cette kouba a été nouvellement érigée (30) - après la découverte archivistique que j’en avais faite - grâce à l’association Études Coloniales, aux efforts et la persévérance de mon ami, le professeur Daniel Lefeuvre devant la disparition tragique duquel, lundi 4 novembre 2013, je m’incline avec une grande émotion.
Le nouvel édifice, identique à l’ancien (avec les versets coraniques choisis à l’époque mais non posés), a été inauguré le 28 avril 2011. La clé de la première kouba, conservée par le marbrier, a été scellée dans le sol de la kouba reconstruite. (cf. une évocation de l'inauguration)
Daniel Lefeuvre (Études Coloniales) et Sébastien Eychenne (adjoint au Maire), le 28 avril 2011
La Mosquée de Paris (1920-1926)
On prétend souvent, sans nuances, que la construction de la Mosquée de Paris fut le symbole de la reconnaissance officielle de la France pour les sacrifices consentis par les combattants musulmans de son Empire.
Ce n’est que partiellement vrai. Pour deux raisons (31).
**
1) D’abord, le projet d’une mosquée à Paris avait deux précédents inaboutis, en 1846 et en 1895, sans qu’il soit à l’époque question du patriotisme de soldats à honorer mais, bien plutôt, d’une optique globale des rapports de la métropole et des sujets de ses colonies.
Quant à la genèse du bâtiment actuel elle mobilise une triple généalogie antérieure :
- a) les initiatives obstinées du courant indigénophile animé par le fondateur de la Revue Indigène (1906), Paul Bourdarie (1864-1950) qui multiplia les démarches et monta un projet ;
- b) l’intervention d’Émile Piat, concepteur de la kouba de Nogent qui annonce au capitaine Jean Mirante, des Affaires Indigènes d’Alger qu’il «a été décidé à la suite d’une démarche qui a été faite auprès de M. Bèze du ministère de l’Intérieur par MM. Diagne, Cherfils et le Dr Bentami et à laquelle je me suis associé, qu’une mosquée serait édifiée à Paris. J’espère que le Gouvernement général facilitera les souscriptions en Algérie. La construction de cet édifice dans notre capitale aura un retentissement énorme dans tout l’Islam» ;
- c) et, enfin, l’impulsion donnée par le ministère des Affaires étrangères qui crée la Société des Habous des Lieux saints de l’Islam en 1916-1917.
Bourdarie expose en 1917 les trois dimensions de sa vision politique visant à «resserrer étroitement les liens intellectuels et moraux qui unissent la France et l'Islam». Première donnée, notre pays comptait sur son territoire nord-africain 15 millions de musulmans ; ensuite, avec ses ambitions sur la Syrie, il allait devenir la première puissance musulmane arabe ; enfin, par son alliance avec le chérif de la Mecque, il était désormais partie intégrante d'un front arabe.
Il fallait donc concevoir pour l’après-guerre : «la conquête morale des élites du monde arabe et musulman [et rechercher] les ponts existants ou à établir entre la civilisation arabe et la civilisation française. Dans ce but, les promoteurs [d'un Institut franco-arabe musulman] avaient tout d'abord eu la pensée de proposer l'édification à Paris d'une mosquée. Le projet Bourdarie-Tronquois, adopté et soutenu par MM. Herriot, sénateur, Benazet, Marin, Prat, députés, Girault, de l'Institut, A. Brisson, etc... ainsi que par de nombreux musulmans, a reçu l'approbation successive de la Commission interministérielle des Affaires musulmanes, de M. le Président A. Briand et du Conseil des ministres» (32).
Paul Bourdarie (1864-1950)
Le directeur de la Revue Indigène témoigna, évidemment, de la gratitude qu’il fallait manifester face au sang versé par les combattants venus des colonies : «En mai et juin 1915, j'entrais en relations suivies avec un architecte, élève de Girault, de l'Institut, M. E. Tronquois. Nos causeries roulant fréquemment sur l'Islam et le rôle des musulmans français sur les champs de bataille, M. Tronquois émit un jour l'opinion que le véritable monument commémoratif de leur héroïsme et de leurs sacrifices serait une Mosquée» (33).
Mais Bourdarie inscrit d’abord son projet dans la dynamique de rapports à venir avec le monde de l’Islam et non dans la seule reconnaissance mémorielle du conflit en cours – même si les deux facteurs étaient liés.
Extrait de la Revue Indigène, octobre-décembre 1919 (1920) : "L'Institut musulman et la Mosquée de Paris"
Le quai d’Orsay, de son côté, en demandant à Si Kaddour ben Ghabrit (1868-1954) de créer une association de droit musulman (dont Pierre de Margerie a désigné lui-même les membres) afin d’acquérir, sous forme de bien habous, un hôtel pour les pèlerins nord-africains à La Mecque, était principalement préoccupé de la politique de guerre menée au Proche-Orient.
La diplomatie française devait contrer les appels au jihad lancés par le calife à l’adresse des populations musulmanes de l’Empire colonial, contrebalancer le puissant jeu britannique dans la région et disposer des moyens de s’impliquer dans les stratagèmes en cours autour du chérif Hussein.
Les archives du quai d'Orsay et celles du Service historique de l'Armée de Terre (Shat) fourmillent d'évocations sur cette période et ces épisodes. On y trouve de nombreuses allusions aux figures musulmanes de la politique musulmane française en Arabie, telles que le capitaine Saad, le capitaine Ibrahim Depui qui disposait de la confiance amicale du Chérif Hussein et qui termina sa retraite à Stains en région parisienne, le vice-consul honoraire Ben Azzouz, le sergent Hammouda, le commandant Cadi dont le colonel Brémond, chef de la mission militaire française au Hedjaz, disait qu'il «se trouve dans des conditions exceptionnelles ; il est le seul musulman de France et d'Angleterre ayant une valeur réelle» (34).
Ces archives disent clairement que la création de la Société des habous est une mission confiée à un agent du ministère (Si Kaddour ben Ghabrit) et destinée à l'exécution d'un objectif majeur de la politique de la France au Proche-Orient tout en apportant un réconfort aux pèlerins musulmans provenant de l’empire colonial français. Même si le dévouement des soldats des colonies est en arrière plan, dans la décision de construire la Mosquée de Paris, la scène est accaparée par les enjeux diplomatiques.
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2) Lors des discussions précédant le vote par le Parlement d’un crédit de 500 000 francs, on ne parla pas de laïcité alors que la loi y contrevenait malgré quelques artifices. On évoqua d’abord la reconnaissance de la République pour l’indéfectible zèle de ses fils musulmans sur les champs de bataille. Mais avec le temps, ce sentiment perdit de son intensité. Et la Mosquée devint un instrument symbolique de la politique coloniale française.
La Mosquée connut plusieurs «inaugurations». Le 1er mars 1922, pour la cérémonie d’orientation de la salle de prière, Si Kaddour ben Ghabrit évoqua encore le souvenir que Paris entretenait «qu’aux heures les plus troublées de la guerre, vingt-cinq mille Africains fraîchement débarqués avaient été lancés par Gallieni à l’assaut des armées allemandes qui menaçaient la capitale et qu’ils avaient avec honneur participé à la victoire partielle qui, en libérant Paris, annonçait la victoire totale» (34).
Quant au ministre Maurice Colrat, le même jour, il voit dans la Mosquée «la continuité de la politique française. Politique non pas d’asservissement et de haine, mais de contact et d’attraction. Deux noms la définissent : Bugeaud et Lyautey qui lèguent à l’histoire un enseignement incomparable».
Mais il appelle tous les Français, en voyant la Mosquée, à se remémorer les «jours sombres et [les] champs de carnage où, côte à côte, toutes les religions françaises luttaient pour le triomphe de la justice et de la liberté (…) les bataillons africains de Charleroi et de Mondement, d’Artois et de Champagne, les soldats en chéchia de Verdun, au cœur de bronze, les Sénégalais sur l’Yser, les goumiers dans les polders de Flandre, et ces croyants magnifiques, couverts de blessures et de gloire qui, sur le Chemin des Dames reconquis, au milieu d’un océan de mitraille, s’arrêtaient un instant pour remercier Allah». Les Français se rappelleront des «milliers de tombes des braves musulmans morts pour la patrie» (36).
Mosquée de Paris en construction, aquarelle de Camille Boiry, 11 juillet 1924, L’Illustration, 1925
Le 19 octobre 1922, lors de l’inauguration des travaux, Si Kaddour ben Ghabrit parle bien de «reconnaissance» mais c’est en évoquant les sentiments de la religion islamique - «la guerre l’a montré», dit-il (37). Et Lyautey n’en souffle mot… ! Son discours est une grandiose plaidoirie révélant son respect, son admiration, sa sympathie pour l’Islam. La France et l’Islam sont deux grandes et nobles forces qui doivent s’unir pour de sublimes desseins. Plus question de sacrifices des tirailleurs et des goumiers…
Garde Noire du sultan le 15 juillet 1926 devant la Mosquée de Paris
Le 15 juillet 1926, à l’occasion de l’inauguration du bâtiment terminé, Si Kaddour ben Ghabrit mentionne la «reconnaissance» de la part prise par les troupes musulmanes, mais seulement pour la sauvegarde de la capitale qu’il remercie du «don magnifique du terrain». Son discours est centré sur «l’hommage du haut et noble libéralisme (…) de la France hospitalière» à toutes les races, toutes les idées, toutes les religions (38).
Pierre Godin, président du conseil municipal de Paris évoque, avec économie, «la vaillance et le loyalisme musulmans» récents (39).
Le Président de la République, Gaston Doumergue, convoque solennellement «les heures tragiques où l’amitié franco-musulmane fut scellée dans le sang sur les champs de bataille de l’Europe». Il insiste cependant sur «les profondes affinités, les souterraines sympathies» entre la France et l’Islam et établit un parallèle entre les fondements philosophiques de la République et ceux de l’Islam exposés par «les docteurs musulmans» (40).
livre d'hommage réalisé par René Weiss (préfecture de Paris et conseil municipal de Paris) à l'occasion de l'inauguration de la Mosquée de Paris, édité en 1927 (partie en langue française)
livre d'hommage réalisé par René Weiss (préfecture de Paris et conseil municipal de Paris) à l'occasion de l'inauguration de la Mosquée de Paris, édité en 1927 (partie en langue arabe)
Alors, une Mosquée de Paris, en l’honneur des soldats musulmans de 1914-1918 ? Oui… mais surtout un instrument de l’ambitieuse politique arabo-musulmane d’une puissance coloniale alors à son apogée et sûre d’elle-même.
En tout cas, la Mosquée n’offrait - juqu'en novembre 2010 - au regard du croyant qui venait se recueillir et prier, comme au visiteur de passage, aucune plaque dédiée aux sacrifices des «indigènes» musulmans de la Grande Guerre, aucun signe mémoriel les rappelant.
Michel Renard professeur d'histoire, chercheur communication au colloque international "Les troupes coloniales et la Grande Guerre" Reims, 7 et 8 novembre 2013 - programme
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1 - Préfecture de la Seine, 15 novembre 1926, Fr. Caom 81 F 834.
2 - Ibid.
3 - La Revue Indigène, n° 30, octobre 1908.
4 - Ibid.
5 - Ibid.
6 - Exécution de la loi du 4 avril 1873 relative aux tombes des militaires morts pendant la guerre de 1870-1871. Rapport présenté au Président de la République par M. de Marcère, 1878.
7 - Atlas des nécropoles nationales, ministère des Anciens combattants et victimes de guerre, Délégation à la Mémoire et à l’information historique, La Documentation française, 1994.
8 - Il existe à Chanteau (Loiret, sur la route de Fleury-les-Aubrais) un mausolée, restaurée par le colonel Testarode en 1886, à la mémoire de ce Turco (tirailleur algérien de confession musulmane) qui, ayant perdu son unité et ayant été recueilli par des paysans, au lieu de fuir à l'approche d'une colonne prusienne, se rue sur elle et ouvre le feu, seul, le 5 décembre 1870. Blessé au bras, puis à la jambe, il aurait tué ou blessé neuf Prussiens qui finissent par avoir raison de lui, le criblent de balles avant qu'un officier ne lui fende le visage à coup de sabre. Le mausolée est de forme pyramidale, entouré d'une grille de fer. En 1894-1895, le Souvenir Français lui aménage une sépulture dans le cimetière de Chanteau.
mausolée du Turco à Chanteau (Loiret)
tombe du Turco dans le cimetière de Chanteau (Loiret)
tombe du Turco dans le cimetière de Chanteau (Loiret)
Ailleurs, dans le Loiret, à Juranville, à 3 km de Beaune-la-Rolande, le sacrifice glorieux du turco Ali Ben-Kacem (ou : Hamed Ben-Kacy) appartenant au 3e régiment de Tirailleurs, est honoré par une plaque apposée sur la maison à partir de laquelle, retranché, il réussit à tuer sept Prussiens avant d'être abattu, mis en pièces et ses restes jetés dans la rue. Mais une plaque n'est pas une sépulture.
image reconstituée de l'épisode du Turco, à Juranville le 28 novembre 1870
maison où s'est déroulé l'épisode du Turco, à Juranville dans le Loiret ; on voit la plaque, à gauche, entre la fenêtre du bas et celle du haut, entourée de deux drapeaux
vue récente de la plaque à la mémoire du Turco de Juranville (source : Google Maps, mai 2011)
9 - Jean-Jacques Becker, Les Français dans la Grande Guerre, 1980, p. 47.
10 - Archives de Paris et de la Seine - 1326 W - art. 58 : Inhumations des soldats musulmans, 1914-1918.
11 - Anom (Aix-en-Provence) : Fr Caom 81 F 834. Cf. Michel Renard, «Gratitude, contrôle, accompagnement : le traitement du religieux islamique en métropole (1914-1950)», Bulletin de l’Institut d’histoire du temps présent (IHTP/CNRS), n° 83, premier semestre 2004, p. 54-69. Cet article est le premier à reproduire le dessin de la stèle musulmane «française» et à expliquer ses inscriptions.
12 - Jeanne Dinet-Rollince, La vie de E. Dinet, Paris, G.-P. Maisonneuve, 1938. Cette source est également évoquée par François Pouillon dans son livre, Les deux vies d’Étienne Dinet, peintre en islam, Balland, 1997, p. 132.
13 – Cf. Anthony Clayton, Histoire de l'armée française en Afrique, 1830-1962, éd. Albin Michel, 1994, p. 125-126. Un capitaine de l'armée française évoque, dans ses souvenirs, des tirailleurs marocains, des thabors, mais c'est dans une zone plus à l'ouest (au nord de Meaux). Cf. D’Oran à Arras, impressions de guerre d’un officier d’Afrique, Henry d’Estre, 1916-1921, journée du 9 septembre 1914.
15 - Anom (Aix-en-Provence) :Fr Caom 2 Fi 2418, cimetière musulman de Nogent-sur-Marne.
16 - http://arynok.free.fr/roumanie/Bucarest/novembre/novembre.htm pour la photo, et http://www.ambafrance-ro.org/spip.php?article2714 ; sur le forum Pages 14-18, le récit du "prince arabe" Mohamed Gherainia ; et le relevé des 22 noms du carré musulman de cimetière Bellu à Bucarest : http://www.memorial-genweb.org/~memorial2/html/fr/resultcommune.php?dpt=9114&idsource=49896&table=bp08
17 - Anom (Aix-en-Provence) : Fr Caom 81 F 834. Le passionnant roman de Pierre Lemaître, Au revoir là-haut, Albin Michel, 2013, évoque ce genre de méprises.
18 - La bataille de l’Ourcq eut lieu en septembre 1914.
19 - Les Amitiés Musulmanes, 1e année, n° 2, daté du 15 janvier 1916.
20 - En réalité le début du mois de ramadan, en 1915 eut lieu le mercredi 14 juillet ; cf. Fr Caom 2 U 15, Oran, culte.
28 - Extrait du mémoire de fin d'études (c. 1999/2000) de M. Luc Ciccotti qui a recueilli des informations auprès de M. Cuypers ; ce mémoire personnel inédit se trouve en copie aux archives de l'hôpital (éléments communiqués en juin 2005 par Mme Anna Pontinha, chargée des archives du Centre hospitalier Roger Prévot).
D’après un relevé généalogique datant de 2005, il reste huit sépultures de musulmans (militaires et travailleurs) dans le carré militaire du cimetière de Moisselles. Le site fournit les noms et les dates de décès : http://www.memorial-genweb.org/~memorial2/html/fr/resultcommune.php?insee=95409&dpt=95&idsource=24209&table=bp04
29 - Anom (Aix-en-Provence) : Fr Caom 1 Cab 4 (GGA). D'ailleurs, Émile Piat avait été interprète (drogman) à la légation de France à Tanger en 1893, puis consul à Zanzibar en 1897 où il avait déjà été interprète dans les années 1880. En 1919, Émile Piat a publié La France et l'Islam en Syrie.
31 - Histoire de l’islam et des musulmans en France du Moyen Âge à nos jours (dir . Mohamed Arkoun), Albin Michel, 2006 et 2010, «Les débuts de la présence musulmane en France et son encadrement», Michel Renard, p. 712-740 (2006) et p. 748-774 (2010).
32 - Texte signé par A. Prat, P. Bourdarie, A. Tronquois, Barret de Beaupré, Bibliothèque de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer, mss n° 163.
33 - Paul Bourdarie, «L'Institut musulman et la Mosquée de Paris», La Revue indigène, n° 130-132, octobre-décembre 1919.
34 - Le Caire, 8 octobre 1916, Shat, 5 N 516. Voir aussi Le colonel Chérif Cadi, serviteur de l'Islam et de la République, Jean-Yves Bertrand Cadi, préf. Jacques Frémeaux, Maisonneuve et Larose, 2005.
35 - René Weiss, Réception à l'Hôtel de Ville de Sa Majesté Moulay Youssef, Sultan du Maroc. Inauguration de l'Institut musulman et de la Mosquée, Paris, Imprimerie nationale, 1927, p. 35.
36 - Ibid., p. 46-47.
37 - Ibid., p. 50.
38 - Ibid., p. 60-62.
39 - Ibid., p. 69.
40 - Ibid., p. 70-71.
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note sur l'hôpital musulman de Falaise (Calvados)
Il a existé à Falaise (dans le département du Calvados) un hôpital, ouvert dès le 11 août 1914, réservé aux combattants de confession musulmane. Il était installé dans le collège et aurait compté de 160 à 200 lits. Il aurait été fermé en décembre 1916. Pour l'instant, on ne sait si une présence religieuse musulmane a pu y être assurée. Treize sépultures portant des noms musulmans se trouvent dans le carré militaire du cimetière Trinité à Falaise (cf. relevé généalogiste).
Falaise (Calvados), collège abritant "l'hôpital musulman" de 1914 à 1916
Falaise (Calvados), collège abritant "l'hôpital musulman" de 1914 à 1916
Falaise (Calvados), "l'hôpital musulman"
Falaise (Calvados), "l'hôpital musulman"
Falaise (Calvados), "l'hôpital musulman"
note sur l'hôpital complémentaire n° 74 de Pibrac (Haute-Garonne)
Dans cette petite ville du département de la Haute-Garonne, l'édifice qui accueille aujourd'hui la mairie a servi à l'installation de l'hôpital complémentaire n° 74, réservé aux soldats musulmans. Des soldats originaires d'Algérie, du Maroc et du Tunisie y séjournèrent. Cinq, au moins, sont décédés sur place, à Pibrac, et non rapatriés (relevé généalogiste des noms portés sur cette stèle).
fiche de Brick ben Mohamed (Maroc), "mort pour la France", décédé le 29 juin 1918 à l'hôpital de Pibrac
En 2003, une stèle à leur mémoire a été élevée par le Souvenir Français. Là aussi, on ignore si ces blessés purent bénéficier d'une assistance religieuse musulmane.
stèle musulmane dans le cimetière de Pibrac (Haute-Garonne), le 31 octobre 2008
jf16 General de Division
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Sujet: Re: 1ère querre mondiale /WWI Ven 14 Nov - 10:35
Citation :
[Intégrale] «1914-2014 se souvenir de la Grande Guerre» (Jdef)
Ajoutée le 14 nov. 2014
Dans ce numéro « 1914-2014 se souvenir de la Grande Guerre », le Journal de la Défense (#Jdef) vous fait revivre les débuts du conflit harassants et meurtriers pour les soldats. Cent ans après, le souvenir de cette guerre est toujours aussi vif dans les armées et la nation.
Au programme de ce numéro 97 de novembre 2014 :
1914–2014. Il y a 100 ans, la Grande Guerre éclate. Elle durera quatre ans et fera 9 400 000 morts. Un siècle plus tard, la mémoire des combattants est toujours célébrée un peu partout en France, en particulier en cette année du centenaire de la Première Guerre mondiale. Dans les coulisses « Le temps d’un week-end, des reconstitutions historiques nous ont permis de remonter le temps et de revivre l’histoire de la bataille de la Marne. A Chauconin-Neufmoutiers (Seine et Marne), dans un champ dévasté par des trous d’obus, nous assistons à un assaut de tranchées des plus authentiques. Les figurants allemands coiffés du fameux casque à pointe sortent de leurs tranchées pour attaquer les fantassins français. Ces derniers valeureux bondissent de la tranchée française leur fusil Lebel à la main pour contre-attaquer. Des effets pyrotechniques rajoutent au réalisme de la scène. Le public, tout comme nous, est captivé par cette scène de bataille. Le bruit et l’odeur nous donnent un aperçu de ce qu’a pu être le quotidien des soldats dans les tranchées pendant quatre années. Des rats en tissus pendus sur les parois des tranchées évoquent le calvaire que représentaient ces animaux pour les poilus. Ne manquait que la boue pour rajouter au réalisme de cette journée de reconstitution. » Carine Bobbera, journaliste.
jf16 General de Division
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Sujet: Re: 1ère querre mondiale /WWI Dim 16 Aoû - 12:04
Citation :
Août 1915 : Pour la première fois, un navire est coulé par une torpille larguée par un hydravion
Posté dans Forces aériennes, Forces navales, Guerre 1914-1918 par Laurent Lagneau Le 16-08-2015
Avant la Première Guerre Mondiale, on s’interrogeait sur la possibilité d’utiliser des avions à partir de navires. En janvier 1911, l’aviateur américain Eugene Ely réussit l’exploit de poser son appareil sur le pont de l’USS Pennsylvania, après avoir fait décoller, quelques semaines plus tôt, son Curtiss depuis une plate-forme installée à bord du croiseur léger USS Birmingham.
Dans le même temps, Bradley Allen Fiske, amiral de l’US Navy, eut l’idée d’utiliser des « aéroplanes » pour larguer des torpilles légères contre des navires. Et des essais en ce sens furent menés en 1912. Pour l’officier américain, il s’agissait ainsi de pouvoir anéantir une flotte au mouillage. Un principe que les Japonais appliquèrent à Pearl Harbor, avec le bombardier-torpilleur Nakajima B5N…
Quoi qu’il en soit, quand éclate la Grande Guerre, aucune marine ne dispose de porte-avions. En revanche, plusieurs sont dotées de « transports d’hydravions », comme le Foudre pour la Marine nationale ou encore le HMS Ben-my-chree de la Royal Navy.
Justement, en 1915, ce dernier, équipé d’hydravions Short Type 184, fut engagé dans la campagne des Dardanelles (ou de Gallipoli) par l’amirauté britannique. Il s’agissait alors pour la France et le Royaume-Uni de s’assurer du contrôle du détroit du même nom menant vers la mer Noire, ce qui supposait d’affronter l’armée de l’Empire ottoman, allié de l’Allemagne.
Le rôle des hydravions britanniques se limitaient alors à des missions de reconnaissance. Mais, le 12 août, l’un d’eux, piloté par le Flight Commander Charles Edmonds, largua, pour la première fois, une torpille de 370 kg, contre un navire de ravitaillement turc.
Seulement, si le bateau fut effectivement touché, ce ne fut pas par la torpille largué par le Flight Commander Edmonds mais par celle lancée par le sous-marin britannique E14…
Mais ce n’était que partie remise… Car le 17 août, Edmonds réussit à couler un navire turc de 5.500 tonnes… Il deviendra ainsi le premier pilote de l’histoire à envoyer par le fond un bateau avec une torpille aérienne.
Plus tard, les transports d’hydravions finissant par être à la peine, la Royal Navy décida, en 1917, de transformer l’USS Furious en porte-avions, considéré comme étant le premier du genre, et de se doter de bombardier-torpilleur Sopwith T.1 Cuckoo tandis que la marine impériale allemande se tourna vers le Gotha WD.14.
Quant à Charles Edmonds, il fut versé dans la Royal Air Force à la création de cette dernière et en devint l’un de ses principaux chefs au cours de la Seconde Guerre Mondiale, terminant sa carrière avec les galons d’Air Vice Marshal.
Maurice Boyau, capitaine du XV de France et « As » de la Grande Guerre
Posté dans Guerre 1914-1918 par Laurent Lagneau Le 20-09-2015
L’athlète Jean Bouin, les champions cyclistes Lucien Petit-Breton, François Faber ou encore Octave Lapize, le pilote automobile Georges Boillot, l’international de football Pierre Chayriguès, Georges Carpentier, le « plus grand boxeur français de tous les temps »… Nombreux ont été les sportifs de haut niveau à s’illustrer lors de la Première Guerre Mondiale, voire même à donner leur vie à la France.
Capitaine du XV tricolore lors du dernier Tournoi des 5 nations avant la guerre, Maurice Boyau était l’un d’entre-eux. Né le 8 mai 1888 à Mustapha (Algérie) et fils d’un entrepreneur landais, ce dernier s’interesse à beaucoup de sports mais c’est au rugby qu’il se révèle le meilleur. Après avoir été joueur de l’Union sportive dacquoise, il rejoint le Stade bordelais avec lequel il remporte le Bouclier de Brennus en 1911.
Ce troisième ligne aile d’1m81 pour 75 kg est sélectionné en équipe de France pour la première fois en 1912. Il en sera le capitaine à deux reprises.
Ayant effectué son service militaire dans l’infanterie, Maurice Boyau est finalement affecté au 18e escadron de train des équipages, en qualité de conducteur d’automobile, lors de la mobilisation d’août 1914. Mais, ayant découvert l’aviation quelques temps plus tôt, son souhait serait de devenir pilote.
Mais sa demande va mettre du temps à être exaucée et ce n’est qu’en février 1916 que Maurice Boyau obtient son brevet de pilote. Pour autant, il n’est pas question de l’envoyer tout de suite au front. Avec ses connaissances techniques, il est en effet jugé plus utile de l’affecter à l’école d’aviation de Buc en tant qu’instructeur.
Mais le caporal Boyau insiste pour se battre. Et, en octobre 1916, il rejoint finalement l’escadrille N77, celle dite des « sportifs » (ou des « sportsmen » comme on disait à l’époque), dotée de Nieuport XII. Dans le même temps, et quand il le peut, l’ex-capitaine du XV de France continue à jouer au rugby, en portant les couleurs du Racing Club de France.
Promu sergent peu après son arrivée en escadrille, Maurice Boyau ouvre son palmarès le 16 mars 1917. Ce jour-là, il abat son premier avion, un Aviatik, au-dessus des lignes ennemies. Une semaine plus tard, il s’illustre à nouveau en descendant « à moins de 250 mètres sur des hangars d’aviation ennemis » et les « bombarde avec plein succès ».
Alors que son escadrille vient d’être équipée de Spad (elle prend l’appellation de SPA 77), le sergent Boyau enchaîne les victoires en faisant preuve d’une témérité folle. Ce qui lui vaut la Légion d’Honneur.
« Pilote d’une audace exceptionnelle qui fait preuve d’une incomparable maîtrise tant dans la chasse que dans la reconnaissance, la photographie et le bombardement à faible altitude. Le 1er octobre 1917, a abattu dans nos lignes un avion ennemi. Depuis le 16 mars 1917, a abattu 6 Drachen et 4 avions ennemis et exécuté trois bombardement audacieux à très faible altitude. Déjà médaillé militaire et sept fois cité à l’ordre pour action d’éclat », précise la citation accompagnant sa Légion d’Honneur.
Les victoires s’accumulent. Les citations aussi. Toutes soulignent sa « bravoure incomparable », son « audace magnifique », son « absolu mépris du danger » et son « habilité hors de pair ». Fin juillet 1918, après sa 28e victoire, il fait officier de la Légion d’Honneur.
Malheureusement, le sous-lieutenant Boyau ne verra pas la fin de la guerre. Le 16 septembre 1918, en allant au secours de son équipier – le caporal Walk – pourchassé par des avions ennemis, il est abattu dans les environs de Mars-la-Tour, par un tir d’artillerie au sol, alors qu’il venait d’obtenir sa 35e victoire aérienne.
L’aviateur aurait dû participer à une rencontre de rugby devant avoir lieu quelques jours plus tard. Ses camarades ne voulurent pas le remplacer… Et jouèrent donc la partie à 14.
Les rugbymen français payèrent un lourd tribut à la Première Guerre Mondiale. Plusieurs stades portent d’ailleurs le nom de joueurs ayant donné leur vie pour la France, comme Aimé Giral à Perpignan (tué à 20 ans le 22 juillet 1915) ou Alfred Armandie à Agen (tué en septembre 1915). À Toulon, une stèle du stade Mayol rappelle le sacrifice de 28 joueurs du Rugby Club Toulonais. Et, sur les 114 internationaux recensés avant guerre, 23 ont perdu la vie sur les champs de bataille.
messages : 554 Inscrit le : 20/07/2010 Localisation : CVN Nationalité : Médailles de mérite :
Sujet: Re: 1ère querre mondiale /WWI Dim 4 Oct - 13:50
Sound Finders (on peut considerer que ca fait partie des prémices du radar) : chargés de trouver le relèvement des avions
On utilisait aussi :
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jf16 General de Division
messages : 41614 Inscrit le : 20/10/2010 Localisation : france Nationalité : Médailles de mérite :
Sujet: Re: 1ère querre mondiale /WWI Ven 25 Déc - 10:09
Citation :
25/12/2015
René Fonck est bien l’As des As !
L’histoire laisse entendre que « le premier As des As » était allemand. Certes, ce pays a connu le plus grand nombre d’As durant les deux conflits mondiaux. Mais, qu’en est-il réellement du nom et de la nationalité de « L’As des As » de la Grande Guerre, allemand ou français ?
En effet, trop souvent l’histoire place le nom du célèbre pilote allemand Manfred Von Richthofen dit « le Baron Rouge » en pôle position avec 78 victoires et 2 non homologuées. En seconde position, on trouve le français René Fonck avec 75 victoires homologuées et un certain flou en ce qui concerne l’attribution de victoires non homologuées, soit 52. Première interrogation, pourquoi donc ce dernier est-il si élevé ?
L’homologation d’une victoire :
En ce temps là, pour qu’une victoire puisse être attribuée à un « aviateur de combat » (on ne parlait pas encore de pilote de chasse), il fait que celle-ci fussent confirmée par un camarade et/ou des troupes amies au sol avec, si possible un morceau du fuselage rapporté comme preuve irréfutable. Plus tard, lors de la seconde guerre mondiale, les pilotes disposaient d’une caméra dans l’axe des mitrailleuses, qui filmait la curée et simplifiait grandement la comptabilisation des victoires. En 14/18, les aviateurs devaient donc compter sur le témoignage d’autrui et espérer, que celui-ci, soit très attentif et courageux, pour aller récupérer un morceau de l’avion abattu. Tout ceci n’explique pas pour autant une telle différence, en ce qui concerne le nombre de victoires non homologuée, entre allemand et français. Comment se fait-il que les allemands disposent d’un nombre plus faible de victoires non homologuées ?
En effet, à titre comparatif, on observe les différences suivantes avec les meilleurs pilotes de chaque camp (NH = Non Homologuée) :
Côté Allemand :
Manfred Von Richthofen confirmées 80 et 2 NH.
Ernst Udet confirmées 62 et 3 NH.
Erich Löwenhardt confirmées 53 et NH
Werner Voss confirmées 48 et 4 NH.
Oswald Boëlcke confirmées 40 et 5 NH.
Côté Français :
René Fonck confirmées 75 et 52 NH.
George Guynemer confirmées 52 et 35 NH.
Charles Nungesser confirmées 43 et 11 NH.
Georges Madon confirmées 41 et 64 NH
René Dorme confirmées 24 et 29 NH.
Et du côté Alliés :
Du côté des aviateurs belges, on retrouve la même singularité qu’avec leurs homologues français, lorsque ceux-ci combattaient au dessus d’un territoire contrôler par les allemands. Par contre, le nombre de « NH » diminue de manière drastique, lorsque les duels ont lieu en territoire belge ou français.
Le cas des belges :
Willy Coppens confirmées 37 et 6 NH.
Edmond Thieffry confirmées 10 et 5 NH.
André de Meulemeester confirmées 11 et 19NH.
Jean Olieslagers confirmées 6 et 17 NH.
Le point de comparaison ne peut par contre pas s’appliquer avec les aviateurs de Sa Gracieuse Majesté, en effet, la méthode d'homologation des victoires en cours dans l'armée britannique était particulièrement laxiste, en effet, un avion ennemi laissé en vrille ou tout simplement mis en fuite était considéré comme une victoire et ceci sans avoir besoin d’une preuve formelle.
L’Administration et territoire :
En farfouillant donc un peu plus loin, je remarquais une cinglante différence de vision du champ de bataille entre les protagonistes. Si, du côté allemand on considérait qu’une victoire est une victoire et peu importe le territoire survolé, en France par contre, on considérait alors que « seul une victoire obtenue sur un territoire dit Français était comptabilisable », de plus il fallait impérativement que l’avion abattu tombe du côté allié ! Par conséquent, à cette époque toute victoire acquise au dessus de l’Alsace et la Loraine (non encore récupérées) était considérée comme caduc !
De ce fait, en comparant la position des escadrilles, durant le conflit à travers les récits historiques, on s’aperçoit que plusieurs duels aériens eurent lieu, au fur et à mesure que la guerre avançait au-dessus du territoire Allemand. Par conséquent ceux-ci n’étaient pas encore sous contrôle de l’administration française. Cet état de fait, est un élément de base pour comprendre la différence de calcul des victoires. On reprenant les récits de l’histoire s’aperçoit qu’au moins 12 victoires de René Fonck ont été validées par témoignages en territoire allemand, mais finalement retranchées du décompte final ! En France à cette époque, dans l'administration, on n'avait pas encore compris que l'aviation évoluait dans la troisième dimension.
En conséquence, avec le recul et en tenant compte des victoires retranchées, mais ayant été confirmées au préalable sur territoire allemand, le français René Fonck est bien « l’As des As » de la grande guerre avec 87 victoires !
A propos de René Fonck :
Breveté pilote en avril 1915, René est versé dans une escadrille de reconnaissance, la Caudron-47, dotée du fameux G-4. C’est à bord de cet appareil, qu’il abat son premier avion ennemi. Affecté ensuite au groupe de chasse des Cigognes, au sein duquel tant d’aviateurs s’illustreront, Fonck, aux commandes de son redoutable « Spad », remporte sa deuxième victoire le 3 mai 1917. Et s’ouvre alors la plus extraordinaire série de duels aériens de la guerre. D’une précision de tir peu commune, il descend ses adversaires avec une rapidité fulgurante - ne tirant parfois que quatre ou cinq cartouches. Les 9 et 26 mai 1917, accomplissant par deux fois l’exploit le plus fameux de toute l’aviation de chasse, Fonck abat six avions de suite. Et semblerait-il (un doute subsiste avec un aviateur anglais) c’est lui qui, le 30 septembre, aurait descendu Kut Wisseman, le vainqueur de Guynemer.
Meilleures salutations à toi Christian Fonck ainsi qu’à toute la famille !
Photos : 1 René Fonck 2 Manfred Van Richtofen 3 le Spad
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Sujet: Re: 1ère querre mondiale /WWI Mar 23 Fév - 12:04
jf16 General de Division
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Sujet: Re: 1ère querre mondiale /WWI Dim 10 Juil - 9:55
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Somme 1916-2016 – La volonté d’en découdre à tout prix du capitaine Do Hüu Vi
Posté dans Guerre 1914-1918 par Laurent Lagneau Le 10-07-2016
« Il faut être doublement courageux, car je suis Français et Annamite », aurait dit le capitaine Do Hüu Vi. Né le 17 février 1883 dans une famille aisée de Cholon (Cochinchine), cet officier aurait pu choisir une existence confortable… Mais telle n’était pas sa vocation.
Suivant les traces de son frère (qui commandera la 363e RI) et après avoir suivi des études au lycée Janson de Sailly, à Paris, Do Hüu Vi est admis avec le titre étranger, à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr et intègre la promotion « Centenaire d’Austerlitz ». Il a alors 21 ans.
En 1906, il rejoint la Légion étrangère avec les galons de sous-lieutenant. Affecté en Afrique du Nord, le jeune officier ne tarde pas à se faire remarquer. En 1908, il obtient une première citation pour avoir « commandé judicieusement sa section, la plus exposée ». Quelques mois plus tard, et après d’autres coups d’éclat dans les confins algéro-marocains, il est promu lieutenant.
Mais les progrès de l’aviation naissante le passionnent. En 1911, il est affecté au 144e Régiment d’Infanterie, à Bordeaux, pour ensuite être détaché au service de l’aviation. Il prend alors des cours de pilotage l’école du camp de Châlons et obtient le brevet de pilote n°649 de l’Aéro-Club de France et le brevet de pilote militaire n° 78.
Par la suite, l’officier retrouve le Maroc, où il sert à la section d’aviation de Casablanca (escadrille BL3). Là, avec son Blériot XI, il enchaîne les missions, souvent périlleuses, de reconnaissance. En décembre 1912, il devient le premier aviateur à assurer la liaison Casablanca-Marrakech. Pour ses états de service, il est fait chevalier de la Légion d’Honneur.
Mais sa période marocaine se termine. En septembre 1913, après un congé de trois mois, il rejoint le 1er groupe d’aéronautique de Versailles. C’est alors qu’il ressent le mal du pays… Et le besoin de revoir ses proches. Il obtient d’être affecté au Bataillon du Tonkin du 1er Régiment Étranger. Il lui est alors demandé d’expérimenter l’hydroglisseur Lambert sur le Mékong.
Le lieutenant Do Hüu Vi ne restera pas longtemps au Tonkin. La Première Guerre Mondiale ayant éclaté, il demande de revenir en métropole pour se battre. Ce qu’il obtient rapidement. En octobre 1914, il est affecté à l’escadrille VB1 en tant qu’observateur bombardier, puis, début 1915, à l’escadrille VB102.
En avril, alors qu’il vient d’être promu capitaine, il part pour une importante mission de reconnaissance à bord d’un Voisin LAS, en dépit de très mauvaises conditions météorologiques. Malheureusement, au retour, il est victime d’un grave accident. La mâchoire et la base du crâne facturées, il reste 9 jours dans le coma à l’hôpital du Val-de-Grâce. Il ne se remettra pas complétement de ses blessures. En tout cas, pas au point de prendre à nouveau les commandes d’un avion.
Toutefois, il obtient de servir en tant qu’observateur1er groupe de bombardement. Avec son pilote, Marc Bonnier, il survole plusieurs fois l’Allemagne, et prend même part à des raids. Mais il n’en démord pas : l’officier veut en découdre et insiste pour piloter. Peine perdue. Après avoir été l’adjoint des commandants des 1er et 2e groupes d’escadrilles de bombardement, il demande de retrouver son arme d’origine, c’est à dire l’infanterie. Il obtient, en juin 1916, le commandement d’une compagnie du Régiment de marche de la Légion étrangère.
Le 9 juillet, vers 16 heures, à la tête de ses hommes, le capitaine Do Hüu Vi est touché par plusieurs balles lors de l’assaut du boyau du Chancelier, entre Belloy-en-Santerre et Estrée (Somme). Telle fut la fin du premier aviateur vietnamien de l’histoire.
« Officier courageux et plein d’entrain, est glorieusement tombé en entraînant sa compagnie à l’assaut des tranchées allemandes », est-il écrit dans la citation qui lui sera attribuée à titre posthume. Sur sa tombe, il est écrit, en guise d’épitaphe : « Capitaine-aviateur Do-Huu, Mort au Champ d’Honneur, Pour son pays d’Annam, Pour sa patrie, la France. »
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Sujet: Re: 1ère querre mondiale /WWI Dim 14 Aoû - 10:14
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Le sacrifice du maréchal des logis Jehan de Terline
Posté dans Forces aériennes, Guerre 1914-1918, Histoire militaire par Laurent Lagneau Le 14-08-2016
Pour les historiens, Arminius était un chef de guerre de la tribu germanique des Chérusques, connu pour avoir été le vainqueur de la bataille de Teutobourg, au cours de laquelle trois légions et six cohortes romaines furent anéanties (soit 20.000 hommes).
Mais pour les aviateurs français de l’escadrille N38, « Arminius » était le sobriquet donné à un pilote allemand qui, aux commandes de son Rumpler type C (d’autres sources parlent d’un Aviatik ou d’un Albatros), venait les narguer en survolant Châlons-sur-Marne quasi quotidiennement, toujours à la même heure, et en larguant de temps en temps quelques bombes sur la ville avant de s’esquiver habilement.
Aussi, « Arminius » devint le sujet de conversation des pilotes de la N38. Parmi eux, le maréchal des logis Jehan Macquart de Terline n’était pas le dernier à échafauder des plans pour le surprendre et l’envoyer « au tapis »…
Né le 21 juillet 1892 à Blendecques, Jehan Macquart de Terline est issu d’une ancienne famille noble. Son baccalauréat en poche, il entame des études de droit à Paris avant de rejoindre, en novembre 1910, le 21e Régiment de Dragons, alors installé à Saint-Omer. Quand la guerre éclate, il est affecté au 9e Régiment de Cuirassiers de Douai.
Comme beaucoup de cavaliers à l’époque, il demande à être versé dans l’aviation. Ce qui lui sera acccordé. Le jeune sous-officier obtient son brevet de pilote militaire à Avord le jour de son 23e anniversaire. Puis, il est affecté à l’escadrille N38, équipée d’avions Nieuport XI. Là, il ne tarde pas à se distinguer, en enchaînant les missions de reconnaissance périlleuses au-dessus et au-delà des lignes ennemies. Il est décrit comme étant un pilote « adroit et brave ».
Ainsi, le 20 mai 1916, il attaque et contraint à atterrir un Fokker alors qu’il se trouve à 10 km à l’intérieur des lignes allemandes. Il rentre au terrain avec un Nieuport criblé d’impacts, ce qui lui vaudra une citation. En juillet de la même année, Jehan de Terline réussit à abattre deux avions allemands (un Fokker et un Aviatik), ce qui lui vaut d’obtenir la Médaille Militaire.
Cependant, « Arminius » reste insaissable et continue ses provocations. Il faut dire que le pilote allemand est particulièrement habile pour surprendre la chasse française et, le cas échéant, pour s’esquiver en utilisant au mieux les capacités de son appareil.
Lors d’une petite fête organisée le 26 juillet par l’escadrille, Jehan de Terline aurait déclaré à ses camarades : « Quoi qu’il advienne, et même si ma mitrailleuse s’enraye, demain, je l’aurai! ». Ces propos ne sont pas ceux d’un vantard mais d’un jeune pilote qui avait à l’esprit un combat qui faillit être fatal au sous-lieutenant Chaput, l’appareil de ce dernier ayant été volontairement percuté par le LVG allemand qu’il venait d’endommager.
Le lendemain, « Arminius » est signalé vers Châlons-sur-Marne. Mais il est attendu par une patrouille de l’escadrille N38 qui, évoluant à haute altitude, finit par le repérer au-dessus de la main de Massiges, à proximité de Minaucourt. Deux Nieuport XI foncent sur lui… Mais dans leur précipitation, ils s’accrochent et sont contraints de rompre le combat. Par une chance inouïe, leurs pilotes seront indemnes…
Alors Jehan de Terline met plein gaz et se lance à la poursuite d’ »Arminius ». Arrivé à bonne distance, il ouvre le feu… Mais sa mitrailleuse s’enraye. « Je l’aurai! », avait-il promis la veille… Ne pouvant plus compter sur son arme, une seule solution s’impose à lui. Il dirige son Nieuport vers l’avion allemand et l’éperonne en l’abordant par l’arrière. Les deux appareils tombent et s’écrasent dans un fracas d’acier et de toile.
C’est ainsi que Jehan de Terline perdra la vie et que l’Oberleutnant Günther Freytag et l’Unteroffizier Erich Finke cesseront définitivement leurs provocations au-dessus de Châlons-sur-Marne.
« Déjà cité à l’ordre de l’armée et décoré de la Médaille Militaire pour avoir abattu un Fokker le 2 juillet et un Aviatik le 6 juillet 1916. Est mort en héros le 27 juillet 1916, au cours d’un combat aérien. Ayant épuisé ses cartouches, à bout portant et voyant son adversaire sur le point de repasser les lignes, l’a abordé à une altitude de 3.000 m et l’a précipité au sol en l’entraînant dans sa propre chute », soulignera la troisième citation attribuée au maréchal des logis de Terline.
Ce n’est que le 11 novembre 1921 que la Légion d’Honneur lui sera décernée à titre posthume, avec cette citation : « Pilote de chasse d’une bravoure héroïque, sublime exemple de dévouement le plus absolu, le 27 juillet 1916, voyant deux de ses camarades qui attaquaient avec lui un avion ennemi, tomber désemparés, s’est précipité sur son adversaire et l’a entraîné avec lui dans sa chute. »
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Sujet: Re: 1ère querre mondiale /WWI Dim 9 Oct - 10:44
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Il y a 100 ans, le croiseur auxiliaire Gallia coulait avec 1.650 soldats français à bord
Posté dans Forces navales, Guerre 1914-1918 par Laurent Lagneau Le 09-10-2016
C’est une tragédie généralement oubliée par les livres d’histoire, l’attention étant davantage portée sur les batailles de la Première Guerre Mondiale ayant eu lieu sur le front de l’ouest, comme celles de Verdun ou de la Somme. Pourtant, l’importance des combats menés sur le front oriental n’a pas à être autant minimisée.
C’est à l’automne 1914 que l’idée d’ouvrir un second front dans les Balkans est envisagée. Il s’agit, pour la France, de défendre ses intérêts en Orient, d’inciter les États neutres à choisir leur camp, de préférence celui de l’Entente, et d’obliger les puissances de la Triple Alliance (Empire allemand, Autriche-Hongrie, Empire Ottoman et royaume de Bulgarie) à se défendre.
Dans un premier temps, il est décidé, d’un commun accord avec les Britanniques, de porter l’effort contre l’Empire Ottoman afin pouvoir ravitailler la Russie par la mer Noire et d’encercler les Empires centraux. Ce qui donnera lieu aux échecs des Dardanelles et de Galipoli, lesquels aboutiront au repli des forces franco-britanniques à Salonique, où elles établiront un camp retranché. L’objectif est alors d’atténuer l’influence allemande sur la Grèce, de prêter main forte à la Roumanie quand elle entrera en guerre (ce qui sera fait le 26 août 1916) et d’appuyer l’armée serbe reconstituée face à la Bulgarie.
Afin de renforcer les effectifs présents à Salonique, 1.650 soldats français, issus des 55e, 59e et 113e Régiment d’Infanterie Territoriale (RIT) ainsi que du 35e Régiment d’Infanterie et du 15e Escadron du Train des Équipages militaires, embarquent, le 3 octobre 1916, à Toulon, à bord du croiseur auxiliaire Gallia, en même temps que 350 fantassins serbes.
Mis en service en novembre 1913, le Gallia est en réalité un paquebot transatlantique de la Compagnie de navigation Sud-Atlantique, réquisitionné deux ans plus tard pour être transformé en croiseur auxilaire dédié au transport de troupes. Normalement, il aurait dû être accompagné pour son voyage vers Salonique par le croiseur protégé Guichen. Mais, étant victime d’une avarie, ce dernier reste au port.
Peu après avoir appareillé, l’équipage du Gallia reçoit un message l’avertissant de la présence d’un sous-marin allemand venant des Balérares et faisant route vers l’Adriatique. Il s’agit de l’U-35, commandé par le Kapitänleutnant (Lieutenant de Vaisseau) Lothar von Arnauld de La Perière, dont l’arrière-grand-père, français, s’était mis au service du roi de Prusse.
Or, le Kapitänleutnant Lothar von Arnauld de La Perière est un « as » de la guerre sous-marine. Avec le U-35, dont il a pris le commandement un an plus tôt, il a effectué 14 missions au cours desquelles il a coulé l’équivalent de 450.000 tonneaux (soit près de 190 navires marchands).
Et, malheureusement, la route du Galia va croiser celle du U-35… entre les côtes de Sardaigne et la Tunisie.
Le soldat Constant Paquet, du 59e RIT, raconte : « On était en train de manger quand tout d’un coup, une formidable explosion se produisit, notre repas finit en même temps. On s’était dit tout de suite : « ça y est, nous sommes foutus. On ne se tourmentait pas trop, les sous-officiers passaient en disant ‘ce n’est rien, c’est une avarie de machine’. Je tendis la tête au-dessus du bord et je vis que le navire commençait à s’enfoncer et à 4 ou 5 mètres de nous, une chose noire sortait de l’eau, c’était le sous-marin qui nous regardait couler. Les marins commencèrent aussitôt à descendre les barques et tout le monde se précipitait dedans, il fallait descendre par des cordes de 7 ou 8 mètres de hauteur. Il y en avait qui sautaient du haut. »
La torpille lancée par le U-35 a touché le Gallia au niveau de la soute arrière tribord, là où étaient entreposées les munitions et les armes. D’où l’explosion « formidable » évoquée par le soldat Constant Paquet, laquelle n’a laissé aucune chance au navire, qui coule en moins de 15 minutes.
« L’affolement s’empara d’un grand nombre de camarades qui n’avaient pu conserver leur sang-froid. C’était des cris, des hurlements… Les uns appelaient leur père et leur mère, d’autres leur femme et leurs enfants, chacun se précipitait sur le pont supérieur dans un pêle-mêle indescriptible. À ce moment de panique, je vis un sous-officier, dans un geste de démence, se brûler la cervelle avec son revolver », témoignera Constant Bon, du 55e RIT.
Ce dernier, après avoir réussi à monter à bord d’une chaloupe, dira encore : « Nous avions à peine parcouru 200 mètres que le malheureux Galia, piquant de l’arrière, s’enfonçait dans les flots et disparaissait pour toujours. 1.846 malheureux étaient encore à son bord. Ils furent tous engloutis. »
Le lendemain, le croiseur Châteaurenault arrivera sur les lieux du drame et sauvera environ 600 naufragés.
En décembre 1919, l’ancien paquebot transatlantique sera cité à l’ordre de l’armée. « Le croiseur auxiliaire Gallia : torpillé le 4 octobre 1916 par un sous-marin ennemi, au large de San-Pietro (Sardaigne), alors qu’il transportait des troupes. Tous à bord ont donné le plus bel exemple de courage, de sang-froid et de discipline », indique le texte.
Quant au Kapitänleutnant von Arnauld de La Perière, promu amiral par la suite, il prendra, en 1940, le commandement de la marine allemande en Bretagne occupée et perdra la vie le 1er février 1941 dans un accident d’avion au Bourget.
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Sujet: Re: 1ère querre mondiale /WWI Sam 21 Jan - 12:29
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Les restes d’un soldat russe de la Première Guerre Mondiale découverts à Cormicy
Posté dans Guerre 1914-1918 par Laurent Lagneau Le 21-01-2017
La semaine passée, les restes d’un soldat de la Première Guerre Mondiale ont été découverts dans un champ de la commune de Cormicy (Marne) où, il y a cent ans, les troupes allemandes avaient établi une ligne pour défendre le mont Espin. Or, cette zone fut le théâtre de violents combats, menés lors de l’offensive du Chemin des Dames (ou offensive Nivelle), le 16 avril 1917. D’ailleurs, en 2015, les corps de cinq Poilus, dont deux purent être identifiés, furent exhumés au même endroit.
Après les analyses effectuées par un médecin légiste et des archéologues, il s’est avéré que cette dépouille est celle d’un fantassin appartenant probablement à la 3e Brigade spéciale d’infanterie russe du général Marouchevski. C’est la première fois que le corps d’un soldat russe ayant pris part à la Grande Guerre a été découvert en France.
Faute de plaque d’identité, le nom de ce soldat demeure inconnu. Mais plusieurs éléments ont conduit les spécialistes à déterminer sa nationalité, comme des boutons de vareuse, un ceinture, des munitions et une croix orthodoxe.
Le lieu où sa dépouille a été trouvée permet d’avancer qu’il faisait partie de la 3e Brigade spéciale d’infanterie russe dans la mesure où cette unité avait été engagée dans le secteur du Mont d’Espin. Après avoir progressé jusqu’à la troisième ligne de défense allemande, elle fut contrainte de « décrocher » faute de soutien.
En 1916, à la demande du gouvernement français et en échange de la fourniture d’équipements militaires, la Russie tsariste avait envoyé en France les 1ere et 3e Brigades spéciales d’Infanterie (et deux autres furent déployés aux côtés d’unités françaises sur le front d’Orient).
Ces troupes russes, partiellement équipées et encadrées par l’armée française, furent regroupées au camp de Mailly avant d’occuper le fort de la Pompelle afin de tenir le front de Champagne durant la Bataille de Verdun. Engagées lors de l’offensive Nivelle, elles subirent de lourdes pertes. Citées à l’ordre de l’armée, les deux brigades russes furent envoyées à La Courtine, où en septembre 1917, une partie de leurs soldats se mutinèrent. Leur révolte fut rapidement réprimée dans le sang, non seulement par les troupes françaises mais aussi par leurs camarades restés loyalistes.
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Sujet: Re: 1ère querre mondiale /WWI Dim 19 Fév - 12:26
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Grande Guerre : le sort controversé des prisonniers allemands au Maroc
À des centaines de kilomètres des champs de bataille européens, le cimetière militaire de Casablanca, au Maroc, a gardé une trace étonnante de la Première Guerre mondiale. Une centaine de prisonniers allemands y ont été enterrés.
À l’est du centre-ville de Casablanca, le cimetière de Ben M’Sick offre aux visiteurs un panorama impressionnant. À perte de vue, ce sont des milliers de tombes de familles juives ou chrétiennes qui s’étendent sur plus d’un kilomètre. Ce lieu regroupe aussi un carré militaire français, le plus important du Maroc avec 12 384 sépultures. Sur des croix ou des stèles blanches, on peut lire les noms de marins morts au combat lors de la Seconde Guerre mondiale ou encore de tirailleurs sénégalais et de soldats maghrébins tués lors de la période dite de "pacification" lors du protectorat français (1907-1956).
Un peu plus à l’écart, dans le fond du cimetière, d’autres croix aux couleurs plus sombres, impeccablement alignées, attirent l’œil. Gustav, Wilhelm, Kurt, Hermann, Hans, Karl, Franz. À quelques mètres des tombes françaises, tous les prénoms sont germaniques. Il s’agit du carré militaire allemand, qui contient les corps de 120 soldats morts en captivité lors de la Première Guerre mondiale. Que faisaient-ils au Maroc, à des centaines de kilomètres du front européen ?
suite et reportage photo.
_________________ “Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire.” Albert Einstein.
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Sujet: Re: 1ère querre mondiale /WWI Dim 9 Avr - 10:58
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Il y a 100 ans, le Canada devenait une nation en remportant la bataille de Vimy
Posté dans Amériques, Histoire militaire par Laurent Lagneau Le 09-04-2017
Au début de l’année 1917, les plans alliés sont arrêtés : les armées françaises porteront leur effort en direction du Chemin des Dames tandis que leurs homologues de l’Empire britannique attaqueront dans le secteur d’Arras, avec l’objectif d’y « fixer » les troupes allemandes et de prendre Cambrai ainsi que Douai.
Pour cela, il est impératif de s’emparer de la crète de Vimy qui, située au nord d’Arras, culmine à 145 mètres. Cette position, qui plus est fortifiée, a une importance stratégique étant donné qu’elle permet aux forces allemandes de dominer, et donc de contrôler, le champ de bataille. De 1914 à 1916, toutes les offensives alliées pour s’en emparer ont échoué.
C’est dire la difficulté de la tâche, qui est confiée aux 4 divisions du Corps expéditionnaire canadien (CEC), alors dirigé par le général Julian Byng. Ce dernier demande alors au commandant de la 1ère division, le général Arthur Currie de préparer et de planifier la bataille à venir.
Originaire de l’Ontario, Arthur Currie ne se destinait pas spécialement à une carrière militaire. D’abord enseignant dans des écoles publiques, il rejoint, en 1897, la milice canadienne et devient mitrailleur, à temps partiel, au 5e régiment d’artillerie de forteresse. Il est promu caporal trois ans plus tard, avant de se voir proposer l’opportunité d’obtenir un brevet d’officier. Cette promotion étant à double tranchant – une partie de ses salaires devait servir à payer ses uniformes et à faire des dons au mess des officiers, selon l’usage de l’époque – il entame une carrière dans la finance.
Dans le même temps, la progression d’Arthur Currie dans la hiérarchie est fulgurante. Capitaine en 1902, il est promu commandant (major) quatre ans plus tard, puis, en 1909, lieutenant-colonel et chef de corps du régiment où il fit ses premières armes.
En 1913, il est proposé pour commander le 50e Régiment (Gordon Highlanders of Canada) nouvellement formé. Mais, ses investissements sont réduits à néant quand la bulle immobilière spéculative éclate. Pour éviter la faillite personnelle, Arthur Currie détourne plus de 10.000 dollars destinés à son régiment afin de payer ses dettes. Découvert en octobre 1914, ce fait, qui alimentera les machinations de certains à son encontre (notamment celle de Sam Hugues, le ministre canadien de la Milice), n’aura pas d’incidence sur la suite de sa carrière, le Premier ministre, Robert Laird Borden, ayant décidé de « temporiser » alors que la 2e brigade d’infanterie du CEC, placée sous ses ordres, arrive au Royaume-Uni.
Cette 2e brigade d’infanterie ne tarde pas à s’illustrer. Après avoir été entraînée en Grande-Bretagne, elle est engagée dans la seconde bataille d’Ypres (22 avril/25 mai 1915). Les Allemands y utilisent pour la première fois des armes chimiques à base de chlore, ce qui contraint les forces françaises à se replier et à laisser un trou de 7 km dans les lignes. Malgré des lacunes (le fusil Ross n’apparaît pas adapté), les soldats Canadiens, dont c’est le baptême du feu, tiennent le coup sous l’impulsion du général Currie, qui prend les mesures nécessaires pour éviter une percée allemande.
L’année suivante, toujours dans le saillant d’Ypres, l’action du général Currie, récemment nommé à la tête de la 1ère Division du CEC, permet de rétablir une situation fortement compromise par une offenvise allemande contre la 2e armée britannique. Rompant avec les contre-attaques aussi inutiles que meurtrières, il fait bombarder violemment les positions allemandes du mont Sorrel et de la colline 62 avant d’envoyer les fantassins à l’assaut. C’est ainsi que tout le terrain qui avait été perdu par les forces britanniques sera regagné en trois jours.
Pour le général Currie, chaque bataille doit être méticuleusement préparée afin d’éviter au maximum les pertes en vies humaines. L’étude des combats passés, l’idée que la perception de l’état-major est différente de celle des hommes sur le terrain et la collecte du renseignement sont essentielles. De même que l’entraînement des soldats et le rôle de l’artillerie. C’est avec ces principes que la bataille de Vimy sera planifiée.
Pour le renseignement, l’état-major canadien peut alors s’appuyer sur les photographies aériennes ainsi que sur les informations collectées lors de raids sur les tranchées allemandes. Les positions ennemies ont été reproduites à l’arrière afin d’entraîner les soldats, l’idée étant que chacun d’entre-eux doit savoir exactement ce qu’il aura à faire dans le cas où ses officiers et sous-officiers seraient tués. La logistique suit évidemment : des dépôts de vivres et de munitions sont installés, des tunnels sont creusés. Et des mesures sont prises pour évacuer rapidement les blessés.
Dans le même temps, les troupes canadiennes se livrent à quelques raids sur les positions allemandes établies dans le secteur d’Arras. Puis, le 20 mars, les 965 canons britanniques commencent à cracher leurs munitions, en particulier sur les batteries allemandes. Puis cette préparation d’artillerie s’intensifie à partir du 5 avril et vise les abris, les nids de mitrailleuses et les arrières ennemis. Au total, un million d’obus seront tirés en une semaine.
Puis, à l’aube du 9 avril 1917, la bataille s’engage. Les troupes britanniques attaquent au sud d’Arras tandis que les 4 divisions canadiennes partent à l’assaut de la crète de Vimy. Les défenses allemandes sont paralysées par les tirs de 2000 mortiers Livens, qui lancent des obus chimiques. Puis les fantassins canadiens progressent de 100 mètres toutes les trois minutes, grâce à un barrage roulant d’artillerie.
Pour autant, les pertes sont élevées à cause notamment de mitrailleuses allemandes n’ayant pas pu être détruites. Cela étant, au bout de 24 heures de combat, les soldats canadiens contrôlent la quasi-totalité du plateau de Vimy et ont fait plus de 4.000 prisonniers. Mais tout n’est pas encore terminé : la 4e Division ne parvient à s’emparer de la côte 145 que le lendemain, après avoir essuyé de lourdes pertes. Enfin, le bois des Bruyères qui, dominant Givenchy-en-Gohelle, a été surnommé le « Pimple » (bourgeon) car il constituait une poche de résistance ennemie, est enlevé le 12 avril. Au final, tous les objectifs assignés au CEC sont atteints le 14.
Seulement, l’offensive menée par les troupes britanniques et australiennes au sud d’Arras ne produira pas l’effet attendu. après avoir progressé rapidement, ces dernières ne réussiront pas à percer les lignes allemandes.
Quoi qu’il en soit, la bataille de Vimy, au cours de laquelle près de 3.600 soldats canadiens furent tués, est une victoire fondatrice pour le Canada. « En ces quelques minutes, je fus témoin de la naissance d’un pays », dira le général Arthur Edward Ross. Et cela, parce que pour la première fois, les quatre divisions canadiennes engagées dans les combats de la Grande Guerre et composées de soldats exclusivement originaires du Canada, attaquèrent ensemble.
Par la suite, le général Currie sera nommé commandant du Corps canadien deux mois après la bataille de Vimy. Sous sa direction, ce dernier remportera d’autres succès significatifs (Bataille de la cote 70, Bataille de Passchendaele, Offensive des Cent-Jours). Cet officier, très à cheval sur la discipline et sourd aux manoeuvres politiciennes ayant cherché à lui imposer des subalternes qu’il considérait incompétents, est l’un des 14 canadiens au Monument aux Valeureux, où il est représenté par une statue grandeur nature.
Il y a 100 ans, les premiers chars français venaient de connaître leur baptême du feu
Posté dans Forces terrestres, Guerre 1914-1918 par Laurent Lagneau Le 17-04-2017
Le 17 avril 1917, le général Jean Estienne, le patron de l’Artillerie Spéciale (AS) nouvellement créée, a de quoi être en proie au désarroi. La veille, les premiers chars d’assaut français – des Schneider CA1 – venaient de subir leur baptême du feu lors de l’offensive du Chemin des Dames.
Et, au soir de cette première journée de combats, le bilan était désastreux puisque, comme les « tank » Mark I britanniques quelques mois plus tôt, lors de la bataille de la Somme, les 128 Schneider CA1 engagés dans la bataille, à hauteur de Berry-au-Bac, venaient en effet de subir de lourdes pertes.
Le général Estienne s’était intéressé assez tôt à l’idée consistant à développer un engin qui serait blindé, armé et chenillé pour progresser sur des terrains difficiles. Chef de corps du 22e Régiment d’Artillerie (RA), il proposa au général Joffre, alors commandant en chef, un projet de « cuirassé terrestre » de 12 tonnes, capable de se déplacer à la vitesse de 9 km/h et armé de deux mitrailleuses ainsi que d’un canon de 37mm. En outre, cet engin devait être en mesure de tracter une remorque chenillée et blindée susceptible de transporter une vingtaine de fantassins.
Le projet fut alors adopté. Et le général Estienne, qui était encore colonel à l’époque, rencontra Eugène Brillé, l’ingénieur en chef de la société Schneider qui travaillait déjà à la réalisation d’un véhicule de combat à chenilles. En janvier 1916, le dossier étant bouclé, il obtint le feu vert du général Joffre, lequel demanda au secrétaire d’État à la guerre de commander 400 « cuirassés terrestres ».
Seulement, Jean Estienne se heurta à la Direction des services automobiles, laquelle n’avait guère apprécié de voir un officier imposer un projet sans être passé par la voie hiérarchique (*). Et comme elle ne put s’opposer frontalement à un ordre du commandant en chef, elle multiplia les embûches, en demandant sans cesse de nouvelles modifications à ce « cuirassé terrestre ». Dans le même temps, elle lança un projet concurrent, qui allait donner, plus tard, le char Saint-Chamond, commandé à 400 exemplaires.
Quant à Jean Estienne, il dut renoncer à la remorque blindée que devait tracter son cuirassé blindé. Et les modifications imposées aboutirent à la mise au point du Schneider CA1, un char de 13,6 tonnes, armé d’un canon de 75 mm Blockhaus Schneider et deux mitrailleuses Hotchkiss de 8 mm. Doté d’un moteur de 60 CV, il pouvait rouler à 7 km/h maximum et emporter une équipafe de 6 à 7 hommes.
Peu avant le déclenchement de l’offensive du Chemin des Dames, le général Estienne, nouveau commandant de l’Artillerie Spéciale, n’était pas très chaud à l’idée d’engager ses chars, dans la mesure où leur emploi faisait alors l’objet d’une divergence de vues avec le général Robert Nivelle, devenu commandant en chef en décembre 1916.
Pour le premier, rappellent François Cochet et Rémy Porte (**), le char est « un moyen décisif de percée du dispositif ennemi » alors que pour le second, il « n’est qu’un support-feu pour l’infanterie ». D’où la raison du désastre subi par les Schneider CA1 le 16 avril 1917…
Victimes de pannes, répérés par des observateurs allemands qui les signalaient à leur artillerie et ayant des difficultés à manoeuvrer, les Schneider CA1, répartis en deux groupements (Chaubès et Bossut) ne purent remplir la mission que le commandement attendait d’eux. En outre, il fut mis en évidence que leur protection, notamment au niveau de leur réservoir d’essence, était insuffisante.
Cette déconvenue aurait pu marquer la fin du char de combat… Mais il n’en fut rien. Le 5 mai 1917, 32 Schneider CA1 et 16 nouveaux chars Saint-Chamond (22 tonnes) permirent à la 3e Division d’Infanterie de reprendre la possession du plateau de Laffaux, au prix de 12 engins perdus.
Un temps menacée, l’Artillerie spéciale fut maintenue. Une décision heureuse (et rendue possible par le départ du général Nivelle) car, alors que les Allemands, forts de leur succès remportés face aux chars alliés, prendront du retard dans ce domaine, les Français apprendront de leurs déconvenues passées… Ce qui donnera naissance au très efficace char FT-17 de Renault, lequel fera son apparition sur le champ de bataille en mai 1918.
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Sujet: Re: 1ère querre mondiale /WWI Sam 29 Avr - 6:05
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[Diaporama] Images interdites de la Grande Guerre
Mise à jour : 28/04/2017 - Direction : DICoD
Le Service historique de la Défense propose jusqu’au 30 juin, au château de Vincennes, « Les images interdites de la Grande Guerre ». L’exposition présente une quarantaine de photos censurées par les autorités militaires et s’interroge sur les motifs de leur non-parution. Extraits.
Un canon de 164.7 mm de marine décamouflé. Cette photo a été censurée pour garder confidentiels le positionnement, les calibres et les mécanismes de mise en œuvre de l’artillerie.
PHOTOS:
Arsenal de Brest, un sous-marin au bassin du Point du Jour. Raison de la censure : ne pas divulguer les ressources de la Marine. Crédits : ECPAD
Des soldats essaient un fusil mitrailleur Chauchat à Châlons-sur- Marne. Ce cliché a été censuré pour ne pas renseigner l’ennemi sur la conception ou l’utilisation d’armement.
Poste d’observation, camouflé en arbre. Photo censurée pour tenir secret le dispositif défensif et d’observation. Crédits : ECPAD
Raid d’un zeppelin sur Paris le 29 janvier 1916. Raison de la censure : ne pas communiquer sur les impacts de l’artillerie ennemie afin d’éviter que celle-ci ne procède à des réglages de ses tirs lors d’attaques ultérieures.
Hôpital militaire à Saint-Maurice : le soldat Gilliot amputé des deux pieds étendu sur une chaise longue. Ce cliché est censuré afin de ne pas montrer un soldat amputé sans sa prothèse.
Les Eparges, cimetière enlisé. Photo censurée pour ne pas montrer l’état déplorable des sépultures du front. Crédits : ECPAD
Soldats du 51e régiment d’infanterie au repos coiffés de la casquette allemande imitant les gestes que font les Allemands pour se rendre. Raison de la censure : le comportement des soldats n’est pas convenable.
Alignement de bagages et de chariots devant la gare d’Orsay. Ce cliché est censuré pour ne pas donner l’impression que les Parisiens quittent la capitale
jf16 General de Division
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Sujet: Re: 1ère querre mondiale /WWI Sam 11 Nov - 9:20
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Le capitaine Roserio Pisani, l’artilleur compagnon d’armes de Lawrence d’Arabie
Laurent Lagneau 11 novembre 2017
« Bien faire et faire savoir », disait le général Jean de Lattre de Tassigny. Et ce qu’appliqua, quelques années plus tôt, le colonel britannique Thomas Edward Lawrence, dit « Lawrence d’Arabie », en revenant, non sans talent, dans « Les sept piliers de la sagesse », sur son rôle dans la grande révolte arabe de 1916.
Ce livre inspira, plus tard, le film « Lawrence d’Arabie », de David Lean. Même s’il est considéré comme un chef d’oeuvre du cinéma, ce long-métrage n’est pas un exemple de rigueur historique car il passe sous silence les mérites des uns pour mieux mettre en avant ceux des autres, en l’occurrence ceux de l’officier anglais. On ne s’attendait pas à moins pour un panégyrique.
Le succès du film de David Lean occulta donc le rôle que joua l’armée française dans cette révolte arabe, qui éclata en juin 1916, quand Hussein Ibn Ali, chérif de la Mecque, se souleva contre les Ottomans, qui occupaient alors le royaume du Hedjaz, situé dans l’ouest de l’actuelle Arabie saoudite.
Certes, les Britanniques jouèrent un rôle déterminant dans ce soulèvement arabe étant donné que, après avoir décrété le blocus des côtes de la péninsule arabique, ils l’encouragèrent, par l’entremise du colonel Lawrence. Il s’agissait alors d’ouvrir un nouveau front face à l’Empire ottoman, alors allié de l’Allemagne. Mais pas seulement puisque cette initiative entrait dans le cadre des accords Sykes-Picot (alors secrets) qui, conclus un mois plus tôt entre Londres et Paris, prévoyaient le partage du Moyen-Orient à la fin de la guerre.
D’où l’envoi, en Égypte puis à Djeddah, d’une mission militaire française, commandée par le colonel (et futur général) Édouard Brémont. Pour la France, l’enjeu est double : d’une part, il s’agissait de prendre pied dans la région du Hedjaz pour avoir un oeil sur la Syrie, qu’elle sera appelée à contrôler à l’issue de la guerre, et de rouvrir la route de la Mecque aux pèlerins musulmans de ses colonies.
Pour cela, avec la mission d’accompagner les combattants de l’armée chérifienne, l’armée française dépêcha des cadres militaires, musulmans pour l’essentiel (12 officiers, 48 sous-officiers et 600 hommes issus d’unités de tirailleurs et de spahis), ainsi que 2 batteries de canon de 80 mm et 2.400 cents fusils. Comparés aux moyens dont disposait le général britannique Allenby, les effectifs de la Mission militaire française en Egypte (MMFE) paraissait alors modestes.
Le capitaine Laurent Depui, comme les lieutenants Zemori et Kenag ou encore le lieutenant-colonel Cadi, faisaient partie des officiers affectés à cette MMFE. Mais dans Les Sept Piliers de la Sagesse, un autre nom revient à une vingtaine de reprises sous la plume du colonel Lawrence : celui du lieutenant (et futur capitaine) Roserio Pisani.
D’origine maltaise, né le 5 novembre 1880 à La Calle, dans le département de Constantine (Algérie), ce dernier s’engage à l’âge de 21 ans au bataillon d’artillerie de Bizerte. En 1907, alors que le Maroc est sous protectorat français, Roserio Pisani est affecté au 7e Tabor, à Rabat, avec les galons de maréchal-des-logis. Son chef de corps n’est autre que le lieutenant-colonel Brémond…
Le sous-officier, devenu adjudant, s’illustre une première fois à Fez, alors assiégée par des tribus venues du nord. Il se distinguera encore par son courage lors des émeutes anti-européennes qui secouèrent cette ville l’année suivante. En 1913, Roserio Pisani est promu sous-lieutenant, avant d’être affecté à la garde du nouveau sultan, Moulay Youssef. Puis, en 1917, à la demande du colonel Brémond, il rejoint la mission française en Égypte.
Si le chef de la MMFE entretient des rapports détestables avec le colonel Lawrence (il ira jusqu’à l’accuser d’être francophobe), ce n’est pas le cas du capitaine Pisani, les deux hommes éprouvant l’un pour l’autre un respect mutuel.
Aux côtés des combattants arabes, à la tête d’une centaine d’hommes venus d’Afrique du Nord et avec ses canons Schneider de montagne de 65 mm, l’officier portera de rudes coups non seulement contre les troupes ottomanes (et leurs conseillers allemands), chargées de protéger les 1.360 km de voie ferrées reliant Médine à Damas. Et sa popularité au sein des tribus bédouines ira en grandissant.
Un exemple. Le 17 septembre 1917, une colonne mobile, précédée par des cavaliers rouallah, arrive au pied d’une redoute tenue par les Ottomans à Tell Arar. Au cours de l’assaut, des avions de la garnison de Deraa, située à seulement 8 km, surgissent pour défaire les assaillants.
Mais le capitaine Pisani, jamais à cours de ressources, a l’idée de transformer ses canons Schneider en batterie anti-aérienne… Ce qui obligera les avions à voler tellement haut qu’ils ne pourront pas lâcher leurs bombes avec précision.
Au terme de 18 mois de raids, l’armée ottomane est mise en déroute et le Chérif Hussein entre dans Damas le 1er octobre 1918. La suite est connue : entre les dissensions politiques, les trahisons des uns, les arrière-pensées des autres, le capitaine Pisani ne sent pas à sa place.
« Pisani me fit rire tant ce bon soldat était ahuri par le méli-mélo politique. Pour sortir de là, il s’agrippait à ses devoirs militaires comme un gouvernail! », écrira le colonel Lawrence. Mais cette attitude lui vaudra l’estime de ses hommes (qui l’appelaient « Abou Tlatah, c’est à dire le « père trois galons ») mais aussi des responsables arabes, dont Nouri Saïd, le chef des troupes de Fayçal, fils de Hussein ben Ali et futur roi du Hedjaz (et aussi premier et unique roi de Syrie, entre le 7 mars et le 17 juillet 1920, et premier roi d’Irak).
Le roi Fayçal aura aussi du respect et de l’estime pour le capitaine Pisani : il lui demandera de venir pour assister à la Conférence de la paix, à Versailles, en 1919 [photo ci-dessus]
Après la guerre, en qualité d’officier des « Affaires indigènes », le capitaine Pisani prend part à la campagne du Rif avant d’être affecté dans le Sud Algérien. Puis, le temps de la retraite venue, il se retire à Fez, où il décède d’une grave maladie en 1951.
Le plus bel hommage qui lui aura été rendu est sans doute celui du colonel Lawrence : « On se demanda s’il était sage de retraverser la voie ferrée pour aller occuper la position dangereuse de Cheikh Saad, juste en travers de la ligne de retraite que devait suivre le gros des forces turques. Sabin [officier britannique, ndlr] me fit valoir avec opiniâtreté que nous en avions assez fait […]. Nous pouvions nous garer à Bosra 30 km plus à l’est et attendre la prise de Deraa par les Anglais… Pisani dit avec correction qu’il prendrait les ordres et suivrait. Je l’aimai pour cette parole et tâchai d’adoucir ses doutes honnêtes… Il répondit avec un rire bien français qu’il jugeait tout cela fort téméraire mais qu’il était soldat. »
Photo de une : Le capitaine français Pisani et Mouloud Bey, une des grandes figures de l’indépendance du Hedjaz, examinant les positions devant Maan en Jordanie, en mars 1918 (c) Ministère de la Culture – Médiathèque de l’architecture et du patrimoine – diffusion RMN
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Sujet: Re: 1ère querre mondiale /WWI Sam 5 Mai - 11:47
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Selon le site Mémoire des Hommes, le 25 septembre 1915 aurait été le jour le plus meurtrier de l’histoire de l’armée française
Posté dans Guerre 1914-1918 par Laurent Lagneau Le 05-05-2018
L’histoire est trop souvent instrumentalisée pour servir des desseins politiques et idéologiques. Les exemples sont nombreux et il se trouve quelques historiens pour faire la chasse à ce qui ressemble à ces « mythes » que l’on peut assimiler à des « fake news ». Ainsi, le vase de Soissons serait une fable, tout comme le récit de l’arrestation du roi Louis XVI à Varennes. Cependant, faute de connaissances précises sur des faits particuliers, une erreur peut être faite de bonne foi. Tel est le cas de la journée du 22 août 1914.
Dans tous les manuels d’histoire (et les articles dédiés à la Grande Guerre), le 22 août 1914 passe pour avoir été la journée la plus meurtrière pour l’armée française, alors engagée dans la bataille dite des Frontières, aurait perdu 27.000 hommes.
Seulement, d’après le site Mémoire des Hommes, édité par le Secrétaire général pour l’administration (SGA) du ministère des Armées, ce bilan n’est pas exact. En réalité, ce serait lors de la journée du 25 septembre 1915, c’est à dire lors des offensives de Champagne et d’Artois, que l’armée française aurait subi ses plus lourdes pertes.
« Il est désormais possible de dire que la journée la plus meurtrière du conflit ne serait pas, comme les historiens l’ont longtemps cru, le 22 août 1914 (21.035 morts) mais le 25 septembre 1915 », avec « 23.416 » tués, précise en effet le SGA, dans un communiqué annonçant la fin de la campagne d’indexation collaborative des fiches des Morts pour la France de la Première guerre Mondiale.
Lancé en novembre 2013 et mis en œuvre par la direction des patrimoines, de la mémoire et des archives (DPMA) du ministère des Armées, ce projet a permis d’indexer 1,4 million de fiches de soldats français morts au combat, d’enrichir les informations concernant ces derniers et d’avoir une connaissance plus fine des pertes subies pendant la Grande Guerre.
« En complément des nom, prénom, date de naissance, département ou pays de naissance, il s’agissait de transcrire le grade et l’unité au moment du décès, le recrutement, le lieu de naissance, la date et le lieu de décès, etc. Cette transcription permet désormais des recherches croisées et notamment de mesurer les pertes par zone géographique, classe, grade, etc. », explique le SGA.
Pour réaliser de travail considérable, des internautes passionnés se sont mobilisés, via des initiatives comme celle appelée « 1 JOUR – 1 POILU« , un « défi collaboratif » qui, lancé par Jean-Michel Gilot, avec la collaboration de l’historien Michaël Bourlet, a consisté à indexer et à identifier 30.000 Poilus disparus au cours de la Première Guerre Mondiale.
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Sujet: Re: 1ère querre mondiale /WWI Dim 30 Sep - 12:37
Citation :
Il y a cent ans, la cavalerie française remportait une victoire décisive à Usküb, après un audacieux raid à cheval
Posté dans Forces terrestres, Guerre 1914-1918 par Laurent Lagneau Le 30-09-2018
Septembre 1918. Sous le commandement du généralissime Foch, le forces alliées, renforcées par l’arrivée du contingent américain, ont repris l’initiative après avoir tenu le choc lors de l’offensive générale allemande lancée sur le front occidental, au printemps, par le général Ludendorff. Elles donnent des coups de boutoir contre la ligne Hindenburg et progressent selon trois axes pour ensuite converger vers les Ardennes.
Pendant que, le 25 septembre, la 4e Armée française, commandée par le général Gouraud, et la 1ère Armée américaine du général Pershing se préparent à mener victorieusement la seconde bataille de Champagne, d’autres soldats français, ceux du Corps expéditionnaire d’Orient, venaient de remporter un succès majeur en Macédoine aux côtés des Serbes face aux troupes bulgares.
Dès l’automne 1914, les Alliés envisagèrent d’ouvrir un second front face à la Triple Alliance, qui, constituée par les empires allemand, austro-hongrois et Ottoman, fut rejointe par le royaume de Bulgarie en octobre 1915.
Dans un premier temps, l’objectif fut de prendre le contrôle des détroits menant à la mer Noire afin de pouvoir ravitailler la Russie et d’encercler les empires centraux. Cette manoeuvre se solda par un échec et les troupes alliées se replièrent à Salonique afin de faire basculer la Grèce dans le camp allié (qu’elle rejoindra en juin 1917), prêter main forte à la Roumanie quand elle entrera en guerre (ce qui sera effectif en août 1916) tout en appuyant les troupes serbes face à la Bulgarie.
Seulement, l’entrée en guerre de la Roumanie, trop tardif, n’eut pas l’effet escompté. Les forces roumaines furent défaites au nord par les troupes austro-allemandes du général Falkenhayn ainsi que par les armées bulgares et turques au sud. En janvier 1917, les trois quarts du territoire roumain passèrent donc sous le contrôle des empires centraux, qui disposèrent ainsi de réserves de céréales et un accès aux champs de pétrole et de gaz.
Commença alors une période difficile pour l’Armée française d’Orient, aux prises, pour ne rien arranger, avec des épidémies de paludisme, de dysenterie et de scorbut. En outre, des désaccords entre Français et Britanniques sur la suite des opérations dans les Balkans figèrent la situation, dans l’attente de voir la Grèce basculer dans leur côté.
Cela étant, les troupes françaises et serbes remportèrent quelques succès, notamment contre les forces bulgares, en s’emparant de Monastir en Serbie (novembre 1916).
La révolution d’Octobre 1917, qui aboutira au traité de Brest-Litovsk, changea la donne. L’état-major allemand put renforcer ses troupes sur le front de l’ouest, ce qui eut pour conséquence de contraindre les moyens des troupes alliées en Orient, dont le rôle, par la force des choses, se limita à maintenir l’intégrité du front macédonien tout en y fixant les forces ennemies.
Cependant, durant les premiers mois de 1918, Berlin redéploya ses troupes du front d’orient vers celui de l’ouest, dans le cadre de l’offensive planifiée par le général Ludendorff tandis que les forces austro-hongroises se heurtaient à la résistance italienne. Quant à l’Empire Ottoman, il fut obligé de revoir ses priorités en raison de la situation au Proche et au Moyen-Orient. Ne restait donc plus que l’armée bulgare comme adversaire sur le front des Balkans.
En septembre 1918, fort de ses succès à Bofnia Kochnitsa [Albanie] le nouveau commandant en chef des Armées Alliées en Orient, le général français Louis Franchet d’Espèrey (il a été nommé en juin) reprend l’initiative contre la Bulgarie.
En septembre, une offensive est lancée selon deux axes. Les troupes françaises et serbes ont l’ordre de marcher en direction de Belgrade, en passant par Usküb (Skopje aujourd’hui) afin de couper en deux les armées bulgares, tandis que les Britanniques et les Grecs doivent se diriger vers la Bulgarie par la vallée du Vardar et du lac Doiran.
Le plan du général Franchet d’Espèrey est audacieux. Au lieu de s’attaquer aux défenses allemandes et bulgares en plaine, il décide de passer par la montagne au niveau du Dobro Polje et du Sokol, à plus de 1.800 mètres d’altitude. Et pour cause : ce secteur est le point faible du dispositif ennemi.
C’est ainsi que, le 14 septembre, l’infanterie franco-serbe mène une offensive afin de percer le front au niveau du Dobro Polje. C’est un succès, au prix de lourdes pertes.
« Le 15 septembre au matin, après une violente préparation d’artillerie, des troupes serbes et françaises ont attaqué les organisations ennemies de la zone montagneuse du Dobro Polje. Toute la première position bulgare a été brillamment enlevée sur un front de onze kilomètres. Malgré les difficultés du terrain, de nombreux prisonniers, de l’artillerie et un important butin non encore dénombrés sont tombés entre les mains des troupes alliées », annonce alors un communiqué.
Il reste alors à exploiter cette rupture du front. Et ce sera donc à la brigade de cavalerie du général Jouinot-Gambetta de jouer. Cette unité se compose alors des 1er et 4e régiments de Chasseurs d’Afrique et du Régiment de marche de Spahis marocains sous les ordres du lieutenant-colonel Guespereau.
Les cavaliers français se lancent alors dans un raid à travers les massifs montagneux de Macédoine, dans des conditions climatiques éprouvantes, tant pour les hommes que pour les chevaux « barbe » (qui passe pour être le meilleur cheval de selle de guerre de troupe [*]).
Dans la nuit du 28 au 29 septembre, la brigade du général Jouinot-Gambetta finit par atteindre Usküb, après un raid de plus de 80 km à travers la montagne. Au petit jour, les spahis et les chasseurs d’Afrique lancent l’assaut.
« La voltige du Régiment de marche de spahis marocains escalade les pentes du Vodna, couvert à l’ouest par le 1er escadron. Formé en deux vagues, les escadrons, progressent par bonds successifs. Vers 9 heures, les abords de la gare sont atteints. Le 2ème escadron, aux ordres du capitaine Foiret, occupe rapidement la crête 1063 dominant Usküb, puis aidé par le 1er escadron déloge l’ennemi occupant encore le terrain. Il est 9h30, un important mouvement de camions est observé au nord de la ville. Les troupes ennemies se replient. Il faut les attaquer et les harceler partout où cela est possible. Pendant que les deux escadrons continuent de tenir le mont Vodna, les trois autres entre dans Uskub, franchissent la rivière Vardar et victorieux mais exténués, couvrent le nord de la ville », rappelle le 1er Régiment de Spahis.
Dans un message, le général Franchet d’Espèrey écrit alors : « Cavaliers, qui, par votre audacieuse manoeuvre, à travers un massif où d’autres que vous ne seraient jamais passés, avez, en atteignant Usküb, coupé la retraite à l’ennemi, et acculé une armée à la capitulation. »
Cette victoire, obtenue sans chars et sans l’appui de l’aviation, aura constitué l’une des dernières charges à cheval de l’histoire de la cavalerie française. Et elle aura donc eu surtout pour conséquence la capitulation des forces germano-bulgares. Le 30 septembre 1918, la Bulgarie signe un armistice, négocié avec le général Franchet d’Espèrey.
Plus tard, ce dernier écrira que « cette opération d’envergure prouve qu’au XXe siècle, comme au XIXe siècle, les victoires se remportaient encore avec les jambes. »
[*]Denis Bogros : Histoire du cheval de troupe de la cavalerie française
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Sujet: Re: 1ère querre mondiale /WWI Dim 30 Sep - 13:27
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Sujet: Re: 1ère querre mondiale /WWI Mer 25 Mar - 11:43
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Sujet: Re: 1ère querre mondiale /WWI Jeu 8 Oct - 9:29
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Tunisie: découverte d'un sous-marin de la Première guerre mondiale
La Marsa (Tunisie), 8 oct 2020 (AFP) -
Des plongeurs tunisiens ont découvert l'épave d'un sous-marin français datant de la Première guerre mondiale, l'Ariane, reposant depuis un siècle au large du Cap Bon, après avoir été coulé par un sous-marin allemand en 1917.
L'épave a été découverte le 21 septembre dernier dans le nord-est du pays par les dirigeants d'un club de plongée qui étaient à la recherche de sites à explorer.
"Dès la première plongée on est tombé sur un sous-marin", a raconté mercredi à l'AFP le directeur de plongée du club de Ras Adar, Selim Baccar.
Malgré la gangue d'algue, on distingue sur l'épave quasi intacte les écoutilles et le périscope, qui abritent désormais une multitude de poissons et crustacés.
Après avoir interrogé plusieurs experts, le club en a déduit qu'il ne pouvait s'agir que de l'Ariane, qui était basé à Bizerte (nord), à l'époque un port français.
"C'est le troisième sous-marin retrouvé en Tunisie, et le seul de la Première guerre (mondiale), c'est passionnant, comme si on lisait un livre d'histoire en direct!", s'est réjoui M. Baccar.
Durant la Première guerre mondiale (1914-1918), les sous-marins allemands ont fait des ravages au large des côtes tunisiennes, où ils étaient initialement déployés pour couper les Alliés de leurs renforts en hommes et provisions venant des colonies, a expliqué jeudi à l'AFP l'historien Ali Aït Mihoub, de l'Institut supérieur de l'Histoire contemporaine à l'université de la Manouba (nord).
Environ 80.000 Tunisiens ont été mobilisés à l'époque pour combattre ou travailler dans les usines françaises, rappelle-t-il.
L'Ariane a été torpillé en 1917 par un U-Boot allemand alors qu'il était encore en surface, et seuls huit des 29 hommes d'équipage ont pu être sauvés, selon l'association générale des Amicales de Sous-Mariniers (Agasm).
"Ce n'est pas courant de retrouver des épaves de sous-marins, surtout de la Première guerre, car on ne sait pas exactement où ils ont coulé", a ajouté l'amiral Dominique Salles, président de l'Agasm, rappelant que les moyens de communication et de navigation étaient alors beaucoup moins performants.
Les engins français, qui n'avaient ni lit ni même de toilettes dans la cabine à l'origine, restaient la plupart du temps en surface, selon l'Encyclopédie des sous-marins français. Ils ne plongeaient que quelques heures d'affilée pour des attaques, durant lesquelles hommes et vivres s'entassaient dans la salle des machines.