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Alors que le chef de l’État avait fait le pari de bonnes relations « en même temps » avec l’Algérie, le Maroc et la Tunisie, force est d’admettre que son projet d’une politique maghrébine équilibrée est pour l’instant un échec.


Par Fadwa Islah

Emmanuel Macron restera-t-il dans les mémoires comme le président français qui a réussi à se fâcher avec tout le monde au Maghreb ? Désireux de demeurer dans les esprits comme celui qui a résolu une fois pour toute la douloureuse et délicate question mémorielle, le président Emmanuel Macron a choisi de miser sur une réconciliation avec Alger.

Sans prêter attention aux nombreux avertissements de ceux qui connaissent bien la région, comme le diplomate Xavier Driencourt ou même tout récemment l’ancien président Nicolas Sarkozy, et de tous les corps intermédiaires qu’il met un point d’honneur à vider de leur sens, le président le plus jeune de l’histoire de France a agi de manière quasi unilatérale, conformément à son tempérament jupitérien – bien qu’il s’en défende, soutenant s’identifier davantage au côté laborieux de Vulcain. Et, sans surprise, ce qui devait arriver arriva : un échec dont témoignent, entre autres, les atermoiements autour du voyage du président algérien en France, mais aussi les proportions prises par l’affaire Amina Bouraoui cet hiver.

Accents paternalistes

Ses sorties pour le moins maladroites – comme celle d’octobre 2021 quand il a déclaré, devant un parterre de jeunes issus de l’immigration, que l’Algérie en tant qu’État n’a jamais existé –, son discours aux forts accents paternalistes comme sa gestion de l’affaire des visas ne passent pas au Palais de la Mouradia. Au point que les dirigeants algériens ont rétabli un vieux couplet anti-France dans l’hymne national et se sont rapprochés un peu plus de la Chine, mais surtout de la Russie de Vladimir Poutine, leur « nouveau sauveur » comme l’a désigné le président Abdelmadjid Tebboune lors de sa récente visite à Moscou.

Au Maroc, la situation est pire encore. Le royaume chérifien, de son peuple à son monarque en passant par ses élites même les plus francophiles, a décidé d’ignorer la France, pays pourtant traditionnellement ami et partenaire économique de premier plan. Aucun ambassadeur n’a été nommé pour remplacer Mohamed Benchaâboun à Paris depuis son départ en octobre dernier, et le représentant de la France à Rabat, Christophe Lecourtier, en poste depuis décembre, n’est reçu officiellement nulle part par les autorités marocaines à l’exception de quelques invitations privées. Même le patronat français, jusque là épargné au vu des enjeux entre les deux pays, n’est plus véritablement bienvenu, comme on a pu le voir en juin dernier lorsque la CGEM (patronat marocain) a signifié au Medef que la visite de ses représentants n’était pas opportune à ce moment-là.

Lassés par l’attitude du président Emmanuel Macron, perçue de l’autre côté de la Méditerranée non seulement comme de l’arrogance et un manque de respect des usages protocolaires et diplomatiques, mais aussi comme de l’immaturité à la fois psychologique et politique, les Marocains font ce qu’ils savent faire de mieux : afficher une indifférence polie, conformément au dicton très populaire au royaume : « Celui qui s’éloigne de toi en mettant un fil entre vous, éloigne-toi de lui en érigeant un mur. » Cela d’autant plus que face à un chef d’État mi-Rastignac mi-Julien Sorel dont le deuxième (et dernier mandat) s’achèvera de toutes manières en 2027, la monarchie et ses sujets, eux, ont le bénéfice du temps long…

Rejet

Quant à la Tunisie de Kaïs Saïed, le pays où l’espoir de la démocratisation du monde arabe est né, elle ne semble plus vraiment figurer sur les tablettes de l’Élysée et du Quai d’Orsay, en dehors du rôle qui lui a été assigné de gestion des flux migratoires. La France, qui a eu de tout temps une position privilégiée à Tunis, y produit le même sentiment de rejet chez la population que chez ses deux autres voisins algérien et marocain, tant le crédit qu’elle continue d’accorder à son président qui a pris en otage les institutions du pays est incompréhensible. Beaucoup le vivent même comme un abandon.

Emmanuel Macron avait fait le pari d’une bonne relation avec les trois principaux pays du Maghreb « en même temps », défi qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait tenté de relever. Il a pour l’instant réussi l’inverse. Une première pour un président français depuis plus de 50 ans. Parviendra-t-il à résoudre l’impossible équation d’une politique maghrébine de la France équilibrée ? Encore faudrait-il qu’il en ait le désir…