BlueBird Aero Systems - Wander-B VTOL UAS

Les commandes s’enchaînent… Le Maroc continue d’étendre la flotte de drones des Forces armées royales (FAR), notamment en se fournissant auprès du deuxième exportateur mondial des aéronefs sans pilote, Israël. Ainsi, la presse spécialisée a annoncé une importante commande ferme du Maroc à BlueBirdAeroSystems, une des têtes de pont de l’industrie de la défense israélienne.

Sans répartition précisée, la commande marocaine se compose de 150 drones, dont une partie de drones WanderBet une autre de ThunderB. « Le chiffre combiné de 150 ThunderB et WanderB, acquis chez le même constructeur, est tout à fait logique. Au-delà du rapport qualité/prix/efficacité, ce sont tous les deux des drones à taille humaine« , indique un fin connaisseur des milieux militaires marocains.Le Wander B est un drone à décollage vertical, à la manière des hélicoptères. Capable de voler 3 heures en autonomie complète et filant silencieusement à une vitesse de 50 km/heure, il peut être affecté à des missions de surveillance terrestre et maritime mais aussi collecter des renseignements ou servir au guidage et à la désignation des cibles.

« Toutes les batteries d’artillerie des FAR sont désormais appuyées par un ou des drones WanderB pour les aider à détecter, cibler et vérifier le traitement des cibles« , continue notre source. Utilisé par les armées de pays comme la Pologne ou la Roumanie, le WanderB, équipe également les FAR, qui l’ont présenté à la base de Sidi Yahya de Kénitra, en marge de l’exercice maroco-américain de gestion des catastrophes naturelles MoroccoMantlet 2022 (du 12 au 23 septembre).

Aussi polyvalent, le ThunderB est plus tactique que le WanderB. Propulsé par un moteur électrique, il peut étendre son rayon d’action à 150 km et se maintenir entre 16 et 24 heures en vol continu. Malgré sa petite envergure de 4 mètres, ce drone embarque un concentré d’optométrie garantissant la précision de ses cartographies et de ses photographies aériennes.« Le drone ThunderB accompagne les unités d’infanterie [de l’armée marocaine] qui ont besoin d’un outil efficace de renseignements en territoire hostile », ajoute notre source. Utilisé par l’armée de l’Azerbaïdjan pendant la guerre du Haut-Karabagh, le ThunderB a aussi montré son efficacité au combat contre l’armée arménienne.

Qualité, efficacité, prix

Déjà friand d’équipements militaires israéliens avant la normalisation, le Maroc confirme son intérêt pour l’acquisition d’équipements de défense d’origine israélienne avec cette nouvelle commande. Rappelons que depuis la normalisation, l’importation par le Maroc de drones israéliens a été encadrée par la signature de deux accords de défense qui solidifient la nouvelle alliance militaire entre les deux pays.

En signant en novembre 2021 avec Israël un accord historique de défense, le Maroc avait présenté une wishlist d’équipements qu’il souhaitait acquérir. Au-delà de la collaboration industrielle militaire, des renseignements et de la formation, ce premier accord israélien avec un pays arabe encadre aussi la vente d’armes entre l’État hébreu et le royaume.

Peu après le sommet du Néguev réunissant en mars 2022 les chefs des diplomaties américaine et israélienne avec quatre de leurs homologues d’États membres de la Ligue arabe (dont Nasser Bourita), le Maroc et Israël ont signé, fin mars 2022, un deuxième accord. Paraphé en marge d’une audience accordée par le général de corps d’armée et inspecteur général des FAR Belkhir El Farouk à une délégation de haut-gradés militaires israéliens, cet accord complémentaire a permis de définir la coopération opérationnelle entre Tsahal et les FAR mais aussi la collaboration en matière de renseignements militaires et de formation.

Ces deux mémorandums d’entente ont fourni un cadre légal aux livraisons d’équipements de pointe destinés à intégrer l’arsenal de l’armée marocaine. Pour Abdelhamid Harifi, chercheur sur les questions de défense, l’attrait du Maroc pour les drones israéliens s’explique par la volonté des FAR de se procurer du matériel de pointe à des prix compétitifs : « Il ressort de sa charte d’acquisition que le Maroc privilégie le rapport qualité prix dans ses acquisitions auprès de son partenaire israélien ».

Mais la coopération militaire entre les deux pays ne concerne pas seulement les volets de la formation et de la vente d’armes. Elle jette aussi les bases d’une collaboration dans le domaine de l’industrie militaire. Ce que confirme le chercheur : “Il faut aussi souligner que l’assistance technique d’Israël en aval est déterminante tout comme la volonté du Maroc de pousser le constructeur à s’installer dans le royaume pour les besoins des FAR mais aussi des autres armées intéressées sur le continent« .

Arsenal juridique prêt pour une industrie de la défense marocaine

Une des clauses de la commande XXL marocaine prévoit justement la délocalisation d’une partie de la fabrication des 150 drones sur le sol marocain. En septembre 2021, la presse spécialisée faisait déjà état de négociations entre la société israélienne BlueBirdAeroSystems et des partenaires marocains pour la création d’une unité industrielle de fabrication de drones.

Trois mois plus tard, d’autres sources israéliennes ont indiqué que deux usines de fabrication de drones de renseignements et de combat sous licence israélienne devraient être implantées, une dans le nord-est du royaume, et la seconde dans le sud. Depuis ces annonces, deux décisions juridiques ont été prises qui encourageraient la vente de matériels militaires israéliens. Mais aussi qui pointent dans la direction d’une co-entreprise de fabrication de drones sur le sol marocain sous licence israélienne.

Côté israélien, d’abord : fin juillet dernier, la censure militaire sur l’évocation de l’utilisation de drones armés par l’armée israélienne est levée. Cette décision israélienne pourrait s’expliquer par une volonté de donner une visibilité commerciale à ce types d’armes, notamment avec la concurrence acharnée de la Turquie qui a utilisé l’invasion russe de l’Ukraine pour promouvoir son drone Bayraktar TB2.

Côté marocain ensuite : en juillet 2021, avec la publication de son décret d’application, est entrée en vigueur la loi n° 10-20 qui encadre le futur écosystème industriel et technologique de défense marocain. L’intitulé renseigne sur le spectre que le royaume souhaite couvrir avec cette loi « relative aux matériels et équipements de défense et de sécurité, aux armes et aux munitions ». Ainsi le cadre légal qui manquait pour la mise en place d’une industrie marocaine de la défense est posée.

« Le Maroc est désormais équipé d’un bon arsenal juridique pour bien réguler le secteur, revient Abdelhamid Harifi. Nous avons à présent besoin de l’expertise étrangère qui nous manquait pour accompagner le Maroc dans ce chantier industriel, notamment dans les volets formation et technologique. C’est un processus long, mais le partenaire israélien montre une bonne disposition à arriver à des résultats concrets ».