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ÉCONOMIE
OCP, RAM, TangerMed… Ce qu’il faut savoir sur la nouvelle agence chargée des participations de l’État
Censée améliorer le rendement du portefeuille public, la nouvelle Agence nationale de gestion stratégique des participations de l’État se met en branle. À sa tête, Abdellatif Zaghnoun devra suivre les performances de 57 sociétés, dont certaines seront privatisées.
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29 juillet 2022 à 14:58
Par Bilal Mousjid
Mis à jour le 29 juillet 2022 à 14:58
Abdellatif Zaghnoun, ingénieur de 64 ans, a fait toute sa carrière au sein des entreprises et établissements publics marocains.
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« Nous appelons à la création d’une Agence nationale dont la mission consistera à assurer la gestion stratégique des participations de l’État et à suivre la performance des établissements publics. » Il y a deux ans tout juste, lors de son discours de la fête du Trône, Mohammed VI préconisait la mise en place d’une nouvelle institution pour revaloriser le portefeuille public et améliorer son rendement.
Entre-temps, l’Agence nationale de gestion stratégique des participations de l’État est née. Ses missions : conseiller l’État dans chaque projet de prise de participation et toute décision liée au capital des entreprises et des établissements publics mais aussi dans toute opération de privatisation. « C’est une institution similaire à l’APE française [l’Agence des participations de l’État], qui représente l’État actionnaire dans tout ce qui a trait aux investissements, à l’ouverture du capital et aux privatisations », résume une source gouvernementale, qui explique qu’une étude du ministère des Finances avait révélé l’absence de toute stratégie cohérente concernant la gestion du portefeuille de l’État.
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57 entreprises et établissements publics
Dans son préambule, la loi relative à la réforme des établissements et entreprises publics, promulguée en juillet 2021, pointait justement ces dysfonctionnements qui « concernent, principalement, la taille du secteur public, la prolifération des établissements et entreprises publics, le chevauchement des missions ou des activités qui leur sont imparties, le mode de leur gouvernance, la dépendance de certains d’entre eux du budget général de l’État, l’absence de synergie, de coordination et de complémentarité entre eux. »
ABDELLATIF ZAGHNOUN MAÎTRISE PARFAITEMENT LES ROUAGES DE L’ADMINISTRATION
Des défaillances auxquelles l’établissement doit remédier dans les années à venir. C’est la tâche dévolue à Abdellatif Zaghnoun, nommé le 13 juillet par le roi à la tête de cette agence stratégique dont le périmètre couvre 57 entités, parmi lesquelles le géant des phosphates OCP, Royal Air Maroc, Maroc Telecom, l’Office national des chemins de fer, l’Agence spéciale Tanger Méditerranée, Masen, l’Agence nationale des ports, la Caisse de dépôt et de gestion ou encore le fonds souverain Ithmar Al Mawarid. Pour rendre homogène la gestion de son portefeuille, l’État prévoit la transformation de « tout établissement public exerçant une activité marchande en société anonyme » dans les cinq ans.
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« Le choix d’Abdellatif Zaghnoun comme premier directeur de l’agence n’est pas anodin. C’est un haut fonctionnaire qui a passé toute sa carrière dans l’administration et qui maîtrise parfaitement les rouages des entreprises et des établissements publics », témoigne un haut commis de l’État.
8 milliards de dirhams de cessions en perspective
Né en 1958, le lauréat de l’École Mohammedia des ingénieurs a passé vingt ans au sein de l’Office chérifien des phosphates (OCP) à différents postes à responsabilité, avant d’être nommé en 2004 à la tête de la Douane puis de la Direction générale des Impôts (DGI) en 2010. Propulsé en 2015 aux commandes de la Caisse de dépôt et de gestion (CDG), alors engluée dans un scandale immobilier, Zaghnoun a très rapidement redressé le premier investisseur institutionnel du royaume en en faisant un établissement public bénéficiaire et en phase avec les besoins de développement du Maroc.
Zaghnoun devra désormais veiller « aux intérêts patrimoniaux de l’État actionnaire, [gérer] les participations de l’État et [assurer] le suivi et l’appréciation des performances des établissements et entreprises publics », indique la loi définissant les missions de l’agence, dont le conseil d’administration, composé de cinq représentants de l’État et trois administrateurs indépendants, est présidée par la ministre des Finances Nadia Fettah Alaoui.
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Parmi les dossiers chauds d’Abdellatif Zaghnoun, les privatisations, qui devraient rapporter à l’État, avec des cessions d’actifs, quelque 8 milliards de dirhams (783 millions d’euros), selon un rapport du ministère des Finances. Les sociétés citées dans le rapport sont Marsa Maroc, le célèbre palace La Mamounia, l’opérateur historique Maroc Telecom, la centrale thermique Énergie électrique de Tahaddart (EET), le laboratoire Biopharma et la Société nationale de commercialisation des semences (Sonacos).
De nouvelles privatisations ?
« Il doit trouver des montages d’ingénierie financière pour faire gagner de l’argent à l’État en faisant en sorte que l’entreprise ne quitte pas le portefeuille public », toujours selon notre source au gouvernement. Exemple : la récente cession par l’État de 35 % du capital de Marsa Maroc au groupe Tanger Med. L’opération a rapporté près de 340 millions d’euros à l’État tout en gardant dans son giron Marsa Maroc, le groupe Tanger Med étant détenu par l’État, la CDG et le Fonds Hassan II.
IL Y A DES CHOSES QUE ZAGHNOUN VA DEVOIR REVOIR OU CLARIFIER
Quant à La Mamounia, elle fait partie depuis 2019 d’un nouveau pôle hôtelier créé par le Fonds Hassan II, OCP et l’ONCF. « Dans ces deux cas, il ne s’agit pas à proprement parler de privatisation puisque les sociétés restent indirectement liées à l’État », commente notre source.
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Toutefois, un flou demeure au sujet de la privatisation. En effet, si la loi lui confère la prérogative de proposer « de sa propre initiative ou à la demande de l’autorité gouvernementale » les opérations de privatisation, elle ne délimite pas son périmètre par rapport à celui de la Direction des entreprises publiques et de la privatisation (DEPP), un département indépendant de l’agence.
« Il y a des choses que Zaghnoun va devoir revoir ou clarifier. Par exemple, la loi ne dit pas si l’agence disposera de ses propres contrôleurs financiers », explique cette source gouvernementale. Une chose est sûre, pour cette « première dans l’histoire des réformes des finances publiques », d’après l’ancien ministre des Finances Mohamed Benchaâboun, un long chantier attend l’ex-patron de la CDG.