Actualités du Sahara Marocain

Le Maroc et l’Espagne ont mis fin à plus de dix mois de brouille diplomatique après que Madrid ait officiellement soutenu la proposition marocaine d’autonomie du Sahara occidental. Ce réchauffement des relations devrait se matérialiser avec une visite du premier ministre espagnol, Pedro Sánchez, à Rabat au mois de mai prochain, d’après nos informations

Le premier ministre espagnol, Pedro Sánchez, a adressé une lettre au roi Mohammed VI dans laquelle il affirme que « l’Espagne considère l’initiative marocaine d’autonomie, présentée en 2007, comme la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du différend ». Madrid « abandonne » ainsi sa « traditionnelle posture de neutralité dans le conflit du Sahara et prend parti pour le Maroc », tel que commente ce vendredi le quotidien madrilène El País.

Dans son message relayé ce vendredi par le Cabinet royal dans un communiqué, le président du gouvernement espagnol a souligné « les efforts sérieux et crédibles du Maroc dans le cadre des Nations Unies pour trouver une solution mutuellement acceptable ». Sánchez a explicitement fait part à Mohammed VI de sa volonté de tourner la page de la crise. « Notre objectif est de construire une nouvelle relation, basée sur la transparence et la communication permanente, le respect mutuel et les accords signés par les deux parties et l’abstention de toute action unilatérale, à la hauteur de l’importance de tout ce que nous partageons », a-t-il écrit.

Le satisfecit du Maroc est intervenu quelques minutes après le communiqué du Cabinet royal, à travers un message du ministère des Affaires étrangères. « Le Royaume du Maroc apprécie hautement les positions positives et les engagements constructifs de l’Espagne au sujet de la question du Sahara marocain, contenus dans le message (…). Les termes de ce message permettent d’envisager une feuille de route claire et ambitieuse afin d’inscrire, durablement, le partenariat bilatéral dans le cadre des bases et des paramètres nouveaux, soulignés dans le discours royal du 20 août dernier », y lit-on.

Respect de l’intégrité territoriale…

En réponse aux communications du Palais Royal  et du ministère des Affaires étrangères, le Gouvernement espagnol a aussitôt déclare que « cette nouvelle étape sera déclinée, comme l’indiquent les communiqués du gouvernement marocain, dans une feuille de route claire et ambitieuse. Tout cela pour garantir la stabilité, la souveraineté, l’intégrité territoriale et la prospérité de nos deux pays ». La Moncloa qui fait ainsi référence à l’intégrité territoriale des deux pays laisse entendre qu’un accord tacite a été trouvé autant sur la question du Sahara que sur les enclaves de Ceuta (Sebta) et Melilla. D’ailleurs, son communiqué fait état de la nécéssaire « coopération dans la gestion des flux migratoires en Méditerranée et en Atlantique, en agissant toujours dans un esprit de pleine coopération, et à rétablir la pleine normalité de la circulation des personnes et des biens, au profit de nos peuples ».

La méthode germanique

L’Espagne met ainsi fin à plus de dix mois de brouille diplomatique, initiée avec l’accueil par un hôpital espagnol du leader du Front Polisario, Brahim Ghali, atteint de Covid-19, et qui s’est crispée avec la crise migratoire à Ceuta, où plus de 10 000 marocains ont traversé par la mer la frontière menant à l’enclave espagnole en l’espace de quelques heures.

Le dénouement de cette crise s’apparente à celui de la brouille entre le Maroc et l’Allemagne. La diplomatie allemande avait également opéré un changement dans sa rhétorique, concédant que « le Maroc a apporté une contribution importante » à travers « un plan d’autonomie en 2007 ». L’opération séduction allemande s’était poursuivie à travers son président fédéral, par l’envoi d’ un message au roi Mohammed VI , l’invitant à effectuer une visite d’Etat à Berlin, alors que les relations ne cessaient de se gâter depuis mars 2021.

Le gaz comme monnaie d’échange

D’après nos informations, cette sortie espagnole est en partie le fruit de négociations dans lesquelles le Maroc a posé comme condition la mise en marche du gazoduc Maghreb-Europe (GME) –  dont le contrat n’avait pas été reconduit fin 2021 par Alger et qui représentait une manne d’un milliard de mètres cubes de gaz naturel ainsi que plusieurs dizaines de millions d’euros –  dans le sens inverse, permettant au Maroc d’importer du gaz via son voisin du Nord.

Cet aspect des tractations éclaire sur les pressions exercées par l’Espagne, mais aussi les Etats-Unis sur l’Algérie pour la réouverture de ce gazoduc dans un contexte énergétique rendu encore plus tendu pour l’Europe depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Alger ayant finalement refusé d’accéder aux demandes de Washington et de Madrid, cette dernière aurait donc accepté d’inverser le flux du gazoduc Maghreb-Europe, donnant ainsi la possibilité à Rabat d’importer du gaz naturel liquéfié (GNL) américain qui devra être compressé en Espagne avant son transfert au Maroc, le royaume n’ayant pas encore de solution technique pour le faire sur son sol.

Le ministre de l’Industrie, Ryad Mezzour y a d’ailleurs fait allusion, jeudi, lors de l’Aerospace Meeting de Casablanca, affirmant que « la question de l’énergie n’est plus un problème » tout en promettant au parterre d’hommes d’affaires présents qu’« [ils] auront du gaz » et que « les contrats seront signés d’ici trois à quatre semaines ». La brouille étant dissipée, elle doit être formalisée. La diplomatie marocaine a annoncé que le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares, se rendra à Rabat « à la fin de ce mois de mars et avant le mois de Ramadan ». Le MAE a également indiqué qu’une visite du président du gouvernement espagnol, Pedro Sánchez, « sera programmée ultérieurement ». D’après nos informations, une réunion de haut niveau en présence de Sánchez est déjà prévue pour le mois de mai.