Diplomatie marocaine - Relations internationales

Ce n'est un secret pour personne que la France et le Maroc sont en crise. Mais à quel point ? Sur le fond comme sur la forme, les relations entre les deux pays sont loin d’être au beau fixe. En réalité, elles ne font que se détériorer de semaine en semaine. Le point de non-retour a-t-il - déjà - été atteint ? Analyse

Les récents développements de l’affaire de l’imam Hassan Iquioussen, ciblé par le ministère français de l’Intérieur pour une expulsion vers le Maroc, en disent long sur l’état des rapports entre Paris et Rabat. Cette dernière a suspendu le laissez-passer consulaire qu’elle avait délivré aux autorités françaises et qui devait permettre d’ostraciser Iquioussen, plongeant davantage le gouvernement français dans l’embarras. En réalité, laissez-passer ou pas, la procédure engagée par Gérald Darmanin est déjà un fiasco d’Etat : l’imam est en fuite, probablement en Belgique, à en croire l’administration française.

Faut-il voir dans la décision marocaine de suspendre son laissez-passer consulaire délivré le 1er août une volonté expresse d’embarrasser le gouvernement français ? L’annonce est tombée dans un contexte où le Maroc demande plus de clarté à la France sur la question du Sahara occidental. Le 20 août, Mohammed VI s’était adressé aux partenaires du Royaume « encore indécis » et qui affichent des positions « ambiguës », pour « qu’ils clarifient et revoient le fond de leur positionnement, d’une manière qui ne prête à aucune équivoque ». Bien qu’elle ne soit pas citée textuellement, Paris est de toute évidence dans la ligne de mire du monarque.

Le prisme de la cause nationale

C’est que le Maroc n’hésite plus à bomber le torse après ses victoires diplomatiques successives auprès des Etats-Unis et plus récemment l’Espagne et l’Allemagne. Pour lui, il n’est plus question de marchander sur sa cause nationale. « Les Français ne sont pas contents du rapprochement entre le Maroc, l’Espagne et l’Allemagne qui s’est produit au détriment de leur rapport spécial avec les Marocains », nous souffle à ce sujet un diplomate européen en poste à Rabat.

Pour ne rien arranger, la visite de « réconciliation » d’Emmanuel Macron à Alger concomitante du déclenchement de la fâcherie maroco-tunisienne sous le regard satisfait de l’Algérie voisine n’ont fait qu’exacerber des tensions entre Rabat et Paris. Celle-ci, afin de prouver qu’elle ne cédera pas sous le coup de la menace, contrairement à Berlin et Madrid, a donc estimé opportun d’annoncer « la normalisation, avec effet immédiat, de la délivrance des visas en Tunisie ». La nouvelle, tombée quelques heures à peine après celle de la suspension du laissez-passer consulaire de Hassan Iquioussen, constitue un véritable pied-de-nez au Maroc, où l’ambassade de France est sous le feu des critiques en raison du taux de refus « déraisonnablement élevé » des demandes de visas Schengen.

Pour rappel, la « crise des visas » a éclaté lorsque la France a annoncé, en septembre 2021, le durcissement de l’octroi des visas à l’égard des citoyens du Maroc et de l’Algérie (réduction de 50 %), ainsi que ceux de la Tunisie (réduction de 30 %).

Un malaise de longue date

Mais pour comprendre le malaise entre la France et le Maroc, il faut remonter plus loin dans le temps. En réalité, Paris et Rabat n’entretiennent plus la relation fusionnelle que les deux capitales ont développé sous les présidences « marocophiles » de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy. L’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir en 2017 n’a pas pansé les maux du chaos survenu - crise profonde de 2014 - sous la parenthèse de François Hollande. « Cela n’a pas marché avec le roi. En tout cas, il n’y a pas eu de complicité et d’alchimie entre les deux. D’ailleurs, leur couple n’a pas été mis en scène », nous affirmait plus tôt dans l’année Christian Chesnot, grand reporter à Radio France et co-auteur du Déclassement français, une grande enquête dans les coulisses diplomatiques exposant les raisons de la débandade française au Proche et Moyen-Orient et au Maghreb.

L’éclatement de l’affaire Pegasus - enquête journaliste publiée en juillet 2021 qui a prétendu que le Maroc aurait utilisé un logiciel espion israélien pour surveiller, entre autres, l’élite politico-médiatique de l’Hexagone - a marqué un tournant dans les relations bilatérales. « Les Marocains se sont fait prendre la main dans le sac. Maintenant, il y a une forme de méfiance, ce n’est plus comme avant », interprête Chesnot, assurant que si « les Français n’ont pas voulu transformer cela en brouille diplomatique, […] les messages sont passés en coulisses ».

Depuis, aucun officiel de haut-rang français ne s’est déplacé au Maroc, à l’exception de l’ancien ministre du Commerce, Frank Riester, qui a effectué une courte visite au mois de novembre suivant. Une inactivité coupable alors que l’on s’attendait à ce que la France se positionne sur plusieurs contrats juteux à hauteur de plusieurs milliards d’euros distribués par le Maroc. Citons pour exemple le projet du port de Dakhla Atlantique attribué aux groupes marocains SGTM et Somagec au grand dépit de Paris - le groupe français Eiffage s’était montré intéressé -, ainsi que la future ligne TGV reliant Casablanca à Agadir via Marrakech, sur laquelle les Chinois continuent de prendre de la vitesse vis-à-vis de leur rivaux français, auteurs de la première ligne Casablanca-Tanger.

En définitive, les développements de ces dernières semaines confirment que le Maroc n’est plus disposé à coopérer sur des affaires qui impactent énormément l’opinion publique interne de la France et laisse entrevoir un retour possible à la situation de gel de la coopération multiforme, y compris sécuritaire connue pendant la brouille diplomatique de 2014, même si, à Paris on guette encore avec une once d’espoir les réponses homéopathiques des autorités marocaines dans le sens d’une délivrance d’un nouveau sauf conduit à l’imam fugitif, Darmanin ayant assuré maintenir le canal avec l’ambassadeur du Maroc, Mohamed Benchaâboun. Rabat aurait ainsi requis un « complément d’informations », signe fragile qu’une issue à ce dossier est encore envisageable…

L’attitude du Maroc lors des crises successives avec l’Allemagne et l’Espagne prouve également qu’il peut faire preuve d’une patience et d’un sens de l’opportunisme remarquables. Bien qu’Emmanuel Macron ait probablement désiré prévenir tout mécontentement du Maroc en annonçant - de façon totalement informelle - une visite au Maroc en octobre prochain, aucune réaction n’a pour le moment été observée à Rabat. Pis, un tel projet de déplacement du président français n’apparaît toujours pas sur l’agenda officiel de l’Élysée

Répondre à cette question est synonyme d’identifier quelle partie a manipulé « Hespress », média à forte audience, qui dans un article à sensation - qu’il a renié après le démenti de l’ambassade de France à Rabat - a prétendu que le renseignement extérieur français a incité le président français, Emmanuel Macron à prendre des mesures coercitives à l’endroit du Maroc. Le Desk s’est prêté à l’exercice

Hespress, média à l’audience aussi forte qu’hétéroclite a commis un monumental hoax. Son article intitulé « Le petit jeu de la France pour faire pression sur le Maroc » mis en ligne le 2 septembre au soir et retiré depuis le démenti de l’ambassade de France à Rabat, a eu un effet incendiaire. Et pour cause, celui-ci assure que la Direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE), service de renseignement français dépendant du ministère des Armées a encouragé le président Emmanuel Macron à entreprendre des actions offensives et de déstabilisation contre le Maroc.

A l’appui de ces « révélations », le contenu de deux « notes fuitées » respectivement numérotées « RF/PM/21/22 » et « RF/PM/22/23 », datées du 14 novembre 2021 et du 7 mai 2022 rédigées par Bernard Emié, maître-espion de la France à l’attention personnelle du chef de l’Etat français et à la demande expresse de ce dernier.

La question qui s’est tout de suite posée concerne l’authenticité des « documents » qu’Hespress dit avoir « eu connaissance à travers (leur) lecture » à défaut d’en avoir produit la copie. Restait alors d’analyser la cohérence de leur contenu retranscrit dans l’article.

On sait tout d’abord qu’il est coutume pour les services de renseignement ou de police de produire des « notes blanches » servant à de telles transmissions d’informations sensibles. En France, elles sont inscrites dans des fichiers protégés par le secret de la défense nationale et totalement expurgées des indications qui rendraient possible l’identification de leurs rédacteurs, de leurs sources et des moyens par lesquels les renseignements qui y figurent ont été obtenus.

Ces « notes blanches » sont des fiches ni datées ni signées et ne comportent pas de numérotation, n’étant pas des fiches signalétiques. Elles doivent en revanche, lorsqu’il s’agit de sécurité nationale impérieuse, indiquer un niveau de classification pour déterminer les droits d’accès qui y sont associés.

Deuxième aspect qui relève de l’objet des « notes » en question. La DGSE ne formalise jamais dans ses écrits des orientations à caractère diplomatique à prendre par le chef de l’Etat. Elle apporte des faits, peut les analyser mais ne donne pas de consignes à l’Élysée, un rôle qui échoit plutôt à ses conseillers en charge des relations extérieures, tout comme au Quai d’Orsay.

La « matière extérieure », pour reprendre le jargon usité, conçoit les deux métiers de manière distincte et complémentaire : En France, le Quai d’Orsay est en charge de l’analyse stratégique, quand la DGSE s’occupe de chercher et de recueillir le renseignement qui sera ensuite intégré dans l’analyse stratégique. Ainsi, la diplomatie traite de politique extérieure et la DGSE se préoccupe de sécurité nationale afin de protéger la nation. Si des chevauchements peuvent exister en matière de fonctionnement et de méthode, il demeure inconcevable que le patron de la DGSE puisse en un écrit ordonner au chef de l’Etat français de prendre une décision, de surcroît coercitive à l’endroit d’un pays souverain allié. Seules les options relevant du cadre restreint et réservé de ce qui est communément appelé le « Service action », et dans le cas de ce qui relève des « Opex », c’est-à-dire des opérations à caractère militaire exécutées à l’étranger, il est proposé au chef de l’Etat français des scénarii qui sont discutées en Conseil de Défense et dont certaines sont in fine sous contrôle parlementaire.

« Nous vous demandons de donner des ordres urgents au ministère des Affaires étrangères pour réduire le nombre de visas accordés aux Marocains, ainsi que de durcir au maximum les conditions d’octroi de ces visas », peut-on lire du transcript de la supposée « note » du 14 novembre 2021 publié par Hespress. Complétement insensé quand on sait que les mesures prises dans ce sens par la diplomatie française datent du 28 septembre 2021.

Bref, pour ce qui est des « recommandations » à l’Elysée, contenues dans les « notes » attribuées à la DGSE, elles s'avèrent totalement invraisemblables, notamment celle d’ordonner par « feu vert » à la justice d’engager des « poursuites contre des responsables marocains », de dévoiler leurs avoirs bancaires et leurs « projets » pour susciter « une pression populaire sur l’autorité », sans compter les incitations burlesques à « perturber l’avancement des projets marocains en Afrique » et « travailler pour ne pas changer beaucoup de grands pays, notamment européens, dans leurs positions vis-à-vis du dossier du Sahara Occidental ».

 

« Publier des vidéos scandaleuses de certaines personnalités influentes de la société marocaine sur le sol de notre pays, qui ont été enregistrées par nos appareils », renvoie de manière caricaturale à la campagne de dénigrement orchestrée par les vecteurs de propagande de l’Algérie et du Polisario sur cette brève séquence vidéo datant de 2017 et lâchée sur les réseaux sociaux pour décrier le Roi Mohammed VI.

Un manque de rigueur flagrant

Il est de même pour l’injonction donnée au président français pour élaborer des « rapports noirs » sur la situation des droits de l’Homme au Maroc, pour laquelle il suffirait de les commander et les faire « publier dans de grands journaux internationaux ».

 

« Nous vous demandons d’accepter la deuxième ligne, qui consiste en un ensemble de mesures destinées à faire pression sur Rabat afin de rester au premier plan et préserver les intérêts de la République française, qui sont, les symboles du Royaume », aurait ainsi conseillé, sur un ton péremptoire le patron de la DGSE à Emmanuel Macron.

Tant par rapport à leur formulation en « petit français » que sur le fond, ces conseils appuyés dénotent d’une méconnaissance totale du fonctionnement institutionnel français, y compris quand il s’agit d’intervention en « zones grises ».

On relèvera aussi le ton tout sauf professionnel utilisé s’agissant des termes qui ne sont pas d'usage dans la lexicologie française, à l'instar de la « marocanité » pour évoquer la question du Sahara Occidental, tout comme des évidences frappantes : le ministère des Affaires étrangères en France s'appelle plutôt depuis 2017 le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères.

Autre indice mettant à mal la véracité du contenu des « notes » exposées par Hespress, la dénomination de l’enclave espagnole de Ceuta par Sebta. La France, évidemment adopte le nom de Ceuta et non celui de Sebta pour désigner la « ville autonome » selon la définition statutaire espagnole de la cité et par extension l’Europe qui en fait ainsi son appellation officielle. On serait tenté de dire : qui d’autre au Maghreb, là où le nom de Sebta est usité, s’est dévoilé par cet abus de langage ?

Enfin, toujours pour la forme, ce qui saute aux yeux, est que le contenu des supposées « notes » de la DGSE est émaillé de fautes grammaticales et de syntaxe de base, notamment sur le passage, assez loufoque d’ailleurs, qui parle de compétitivité.

« Monsieur le Président, le rôle du Maroc ne cesse d’augmenter tant sur le plan économique qu’en termes d’investissement en Afrique de l’Ouest. Les entreprises et les banques marocaines sont devenues plus féroces dans leur compétitivité de nos institutions économiques que les autres, et ont gagné en force après l’entrée des capitaux américains et israéliens en jeu », lit-on de la « note » attribuée à la DGSE et datée de mai 2022. N’importe quel analyste junior voulant traiter de la projection et des réalisations de banques (ou autres) marocaines en Afrique de l’Ouest, n’utilisera la définition vaseuse d’« institutions économiques » pour désigner leurs rivales françaises, ni ne liera cette proéminence, qui date de plusieurs années et qui n’est pas une information nouvelle, à un apport quelconque émanant des Etats-Unis ou d’Israël.

« Israël », voilà le nœud gordien de ces « notes » qui se révèle dans un passage assez éloquent (et tout aussi mal formulé en langue française) : Il est ainsi dit que le « renseignement militaire entre le Maroc d’une part et les États-Unis d’Amérique et Israël d’autre part est intolérable et nos intérêts avec un allié traditionnel sont entrés dans la zone rouge ».

 

Faut-il comprendre que la coopération sur le plan du renseignement militaire entre le Maroc et les Etats-Unis d’une part et avec Israël d’autre part, est perçue par la DGSE comme dommageable pour la France ? Cela prête plutôt à sourire formulé ainsi, même si en termes d’influence, la France voit d’un œil noir sa perte de suprématie sur ces anciennes « colonies ». Dans son acceptation générale du jeu d’alliances en termes militaire et hormis quand il s’agit de ventes d’armes, là où elle montre les dents (souvent à perte), sur le plan géostratégique, les liens tissés par le Maroc dans le sillage des Accords d’Abraham et leurs concrétisations sécuritaires ne constituent pas de « zone rouge » indépassable au vu de la complexité des enjeux régionaux où les alliés du Maroc (y compris Israël) seront davantage amenés à intervenir au profit de l’Occident dans sa globalité.

Hormis ceux-là, et encore une fois, les seuls perdants de cette reconfiguration des alliances (outre-Atlantique et avec Israël dans un Proche-Orient en pleine mutation), sont assurément ceux qui définissent Israël comme un ennemi inconditionnel par le prisme de l’idéologie et de l’intérêt immédiat de ses gouvernants. Au Maghreb, seule l’Algérie est candidate à ce rôle.

Davantage sur le fond, il y est affirmé dans le premier « rapport » de 2021 et dans un français toujours aussi approximatif que la France est désormais dans « dans une position peu enviable ». « Nous sommes devenus les grands perdants des développements récents au Royaume du Maroc qui ont commencé par un accord militaire décennal qui sert de feuille de route dans le domaine de la coopération militaire et de défense ». En clair, l’émergence du Maroc en puissance militaire régionale constituerait une menace pour les intérêts stratégiques français et ce depuis que Rabat a conclu un accord de coopération en la matière avec Washington pour les dix années à venir.

Jeu de go au Sahel

Une analyse qui d’emblée interroge, l’accord dont il est manifestement question (et dont la note ne précise étonnamment pas la teneur) concerne la « feuille de route » en matière de coopération de défense signée le 2 octobre 2020 entre le secrétaire américain à la Défense, Mark Esper et son homologue marocain Abdellatif Loudiyi. Or, quoique qualifié d’« historique » par les deux parties du fait de sa forte consistance, il n’est en réalité qu’une reconduction de l’accord qui l’avait précédé dix ans auparavant, confirmant ainsi la solidité d’une alliance entre Rabat et Washington de longue date ne devant pas alerter Paris outre-mesure.

Sauf que le contexte régional a nettement évolué et que Mark Esper est venu le ratifier à Rabat dans le cadre d’une tournée en Afrique du Nord (en Algérie et en Tunisie notamment) pour discuter de l'instabilité au Sahel et de la lutte contre les groupes djihadistes qui se répandent dans le nord du Burkina Faso, au Niger, au Mali, au Tchad, dans le sud de la Tunisie et en Algérie, ainsi que de la région troublée du lac Tchad et de la guerre en Libye.

Si la France est en effet en mal d’influence dans cette zone du monde, son interventionnisme a cependant toujours été soutenu par l’administration américaine. Faut-il rappeler qu’à l’été 2020, Macron avait décidé unilatéralement du retrait de l’opération Barkhane alors que la Maison Blanche n’avait cessé d’appuyer ses actions opérationnelles sur le terrain, les drones américains qui surveillent en continu le Sahel ont permis de transmettre des renseignements décisifs pour les opérations françaises. Exemple parmi d’autres, l’élimination du chef de l’État islamique dans le Grand Sahara et ex-Polisario, Adnan Abou Walid Al Sahraoui a bénéficié de l’assistance américaine dans cette opération, au grand dam d’Alger.

Par contre entre la France et l’Algérie sur ce « grand dossier sahélien » pour paraphraser Macron, l’alignement n’a jamais été au rendez-vous, et même la toute-récente visite du président français à Alger n’a pas abouti à la coopération tant espérée par l’Elysée avec la Mouradia et la junte militaire au pouvoir, le président français n’ayant pas trouvé oreille attentive lorsqu’il a exprimé sa « volonté de renforcer le partenariat avec l’Algérie, de pouvoir œuvrer ensemble, à la fois sur le plan politique et diplomatique » pour contrer le groupe Wagner, ce faux-nez de « l’impérialisme russe » dans la région, notamment au Mali.

Lors de la réunion inédite à Alger entre Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune, à laquelle a justement participé Bernard Emié face à ses interlocuteurs du renseignement militaire algérien, les Français ont constaté que les Algériens, proches des autorités maliennes et historiquement liés à la Russie, revendiquent toujours une neutralité de façade.

Dans ce contexte où l’Algérie freine des quatre fers contre la doctrine antirusse adoptée par la France en Afrique du Nord, son intérêt évident est de contrecarrer toute velléité d’une entente franco-marocaine sur ce théâtre. Et de là à vouloir faire croire aux Marocains que Macron et ses services sont remontés contre « l’accord militaire décennal » avec les Etats-Unis trouve tout son sens. Une tentative d’ajouter de l’huile sur le feu aux relations déjà tendues entre Rabat et Paris qui fait d’ailleurs raccord avec l’activisme algérien à Washington - par l’entregent du sénateur James Inhofe - pour faire capoter l’organisation des exercices African Lion sur le sol marocain. Le but étant de briser deux arcs de soutien au Maroc en matière de sécurité régionale, celui apporté par les Américains et celui qui viendrait des Français, qui n’ayant pas pu obtenir un partenariat avec Alger se résoudrait à se ranger résolument du côté marocain.

Pour l'avantage soi-disant octroyé à la seule l’Espagne sur la gestion des flux migratoires, il s'agit tout simplement d'un non-sens. La contribution dans ce domaine est convenue simultanément avec et sous l’égide de l’Europe. D’ailleurs, c’est un accord trilatéral avec consentement et financement de Bruxelles pour mettre en place une task force commune qui a été acté au sortir de la crise vécue entre Rabat et Madrid.

Enfin, écrit Hespress, dans timide prise de conscience tardive mais insuffisante pour remettre en cause le manque de sérieux du matériau qui lui a été livré, : « Bizarrement, il y a pour conclure ce clin d’œil, probablement inséré par une taupe algérienne influente au sein de la DGSE “En Algérie, on nous demande une réconciliation historique en échange du recouvrement de notre influence économique et politique, et cela ne peut être ignoré, car nous ne pouvons pas gâcher cette occasion historique” ». Bizarrement en effet, que tout pointe sur la partie que l’on veut avantager par cet enfumage et qui porte, malgré ses besognes de manipulation, sa signature.