Par Lina Ben Mhenni | Global Voices Online | 26/12/2010 | 16H17
Un Tunisien au chômage a tenté de s'immoler par le feu la semaine dernière pour protester contre son impossibilité à trouver du travail, ce qui a déclenché une vague de violents affrontements sur place [un manifestant a été tué vendredi, ndlr] et un mouvement de solidarité sur les plateformes de réseaux sociaux. (Voir la vidéo d'une manifestation à Sidi Bouzid)
Tandis que le sort de Mohamed Bouazizi, 26 ans, de Sidi Bouzid, dans le sud tunisien, reste inconnu -grièvement brûlé, il a été hospitalisé-, les internautes de Tunisie se sont saisis de l'affaire pour déplorer le manque d'emplois, la corruption et la détérioration des droits humains dans leur pays.
Sur Facebook, Twitter et les blogs, les internautes ont exprimé leur solidarité avec Mohamed, diplômé de l'université de Mahdia il y a quelques années, mais dans l'incapacité de trouver un emploi.
Seul pour nourrir sa famille, il a décidé de chercher un gagne-pain et, avec l'appui familial, s'est lancé dans la vente de fruits et légumes sur un stand de rue. Son entreprise ne lui rapportait pas grand chose, juste assez pour sauvegarder la dignité de sa famille.
Mais les employés municipaux veillaient et lui ont confisqué plusieurs fois sa marchandise. Il a essayé de leur expliquer qu'il n'avait pas choisi de faire cela mais essayait seulement de survivre. A chaque fois, sa marchandise a été confisquée, et il s'est fait insulter et chasser des abords de la mairie.
La dernière fois que cela s'est produit, Mohamed a perdu tout espoir : il s'est arrosé d'essence et y a mis le feu.
« Nos médias dépravés exercent un black-out complet sur cet incident » Sur Facebook, plusieurs groupes ont été créés pour dénoncer ces événements. « M. le Président, les Tunisiens s'immolent par le feu » (en arabe) est l'un d'eux. En moins de 24 heures, le groupe comptait 2 500 membres, et a attiré à ce jour plus de 11 000 soutiens. Mais les autorités n'ont pas attendu 24 heures pour le censurer et bâillonner Internet de leur main de fer.
Des blogueurs ont commenté les événements, exprimant leur colère. Ecrivant en arabe dialectal tunisien, Boukachen a écrit un billet intitulé « L'holocauste de Sidi Bouzid » :
« Ce qui s'est passé n'est pas nouveau. Cette situation misérable persiste depuis de nombreuses années dans les régions à l'écart. C'est le résultat d'une combinaison de conditions climatiques et de la marginalisation de ces régions, à quoi s'ajoute la totale indifférence [des autorités]. Mais l'histoire ne s'arrête pas là puisque nos médias dépravés exercent un black-out complet sur cet incident. »
Sur son blog, A Tunisian Girl a quant a elle écrit :
« Le gouvernement n'a trouvé d'autre remède que de censurer les sites internet diffusant l'affaire et d'imposer un blocus à la ville de Sidi Bouzid, où les gens donnent libre cours à leur colère en manifestant dans les rues. »
Sur Twitter, la fureur continue aussi, avec le hashtag #sidibouzid en tête chez les utilisateurs tunisiens.
En partenariat avec Global Voices
Incidents à Bouziane, la police tunisienne tire, un mort
Citation :
TUNIS (Reuters) - Un civil a été tué et plusieurs personnes ont été blessées vendredi en Tunisie lorsque la police a ouvert le feu pour disperser des manifestants lors d'incidents dans une ville de province, ont rapporté un porte-parole du ministère de l'Intérieur et des sources syndicales.
Le porte-parole a déclaré que la police avait été contrainte d'ouvrir le feu en état de légitime défense après avoir en vain tiré en l'air pour disperser des dizaines de manifestants à Bouziane, à 240 km au sud de Tunis.
Les émeutiers se sont retranchés dans un commissariat de police et ont incendié le bâtiment et des voitures de police à l'aide ce cocktails molotov, a dit le porte-parole cité par l'agence tunisienne TAP.
Il a ajouté qu'un manifestant avait été tué et deux autres blessés, dans préciser la cause des affrontements.
"De nombreux membres de la garde (nationale) ont subi des brûlures, deux d'entre eux sont dans le coma", a-t-il dit.
Mohamed Fadel, dirigeant du syndicat de l'Enseignement secondaire, a donné le nom du défunt. "Mohamed Ammari a été tué d'une balle à la poitrine lorsque la police a ouvert le feu, et de nombreux autres manifestants ont été blessés", a-t-il dit.
"La police a maintenant pris le contrôle de la situation (...) Il y a un quasi couvre-feu dans la ville", a-t-il déclaré par téléphone depuis Bouziane.
Des incidents violents avaient éclaté la semaine dernière à Sidi Bouzid après le suicide d'un homme protestant contre le fait qu'il était sans emploi.
Le mouvement de protestation s'était étendu à plusieurs localités voisines.
Le gouvernement tunisien a accusé lundi ses opposants de manipuler les incidents du week-end dernier à Sidi Bouzid pour discréditer les autorités.
Deux témoins ont dit à Reuters qu'une émeute avait repris lundi soir à Sidi Bouzid, opposant des centaines de jeunes à la police qui avait utilisé des gaz lacrymogènes pour les disperser.
Les émeutes sont extrêmement rares en Tunisie où le gouvernement du président Zine al Abdine Ben Ali, au pouvoir depuis 23 ans, coopère étroitement avec les gouvernements occidentaux pour combattre les activistes d'al Qaïda.
Tarek Amara; Nicole Dupont pour le service français
Auteur
Message
reese Colonel
messages : 1646 Inscrit le : 10/05/2009 Localisation : alger Nationalité : Médailles de mérite :
Sujet: Re: la révolte en Tunisie Sam 15 Jan - 7:40
GlaivedeSion General de Brigade
messages : 3887 Inscrit le : 15/07/2009 Localisation : ici et la Nationalité : Médailles de mérite :
Sujet: Re: la révolte en Tunisie Sam 15 Jan - 7:57
Espérons qu'il ne s'agit la que d'un début,il reste tellement de dictateurs dans le monde arabo-musulmans et en afrique que certains ont déja la trouille comme la lybie et la jordanie qui ont baissé les taxes sur les produits de base....
ByeBye ben ali ami regretté des hypocrites européens donneurs de leçons a israel mais pas a la tunisie de ben ali
_________________
"Nous trouverons un chemin… ou nous en créerons un": Hannibal
Yakuza Administrateur
messages : 21656 Inscrit le : 14/09/2009 Localisation : 511 Nationalité : Médailles de mérite :
Sujet: Re: la révolte en Tunisie Sam 15 Jan - 8:07
beaucoup de morts dans des incendies de prisons a Mehdia,Monastir et autres villes,plusieurs autres ont fuit.
_________________
PGM Administrateur
messages : 11677 Inscrit le : 12/12/2008 Localisation : paris Nationalité : Médailles de mérite :
Sujet: Re: la révolte en Tunisie Sam 15 Jan - 8:21
L'une des leçons de cette révolte et de cette fuite honteuse, c est la duplicité et l hypocrisie des gouvernants occidentaux. Planquer son frics et tisser des complicités a l étranger devient inutile. Nulle part on n'est aussi bien que chez soi, alors autant y investir et assurer aux siens un meilleur avenir. S'il fallait encore une preuve que le monde n'est gouverne que par les interets, l exemple tunisiens est la.
PGM
Yakuza Administrateur
messages : 21656 Inscrit le : 14/09/2009 Localisation : 511 Nationalité : Médailles de mérite :
Sujet: Re: la révolte en Tunisie Sam 15 Jan - 8:28
Topic crée uniquement pour la situation en Tunisie lisez le premier message pour voir comment tout peut deraper..comment un fait divers donne un 11/9 maghrebin
_________________
RED BISHOP Modérateur
messages : 12303 Inscrit le : 05/04/2008 Localisation : france Nationalité : Médailles de mérite :
Sujet: Re: la révolte en Tunisie Sam 15 Jan - 8:50
D'ailleur je me demande ce que sont devenue les agents d'autoriter qui on malmener le jeune Bouazizi le pousant au suicide ?
_________________
Yakuza Administrateur
messages : 21656 Inscrit le : 14/09/2009 Localisation : 511 Nationalité : Médailles de mérite :
Sujet: Re: la révolte en Tunisie Sam 15 Jan - 9:00
les policiers ont vite jetté leurs uniformes,l´habit le plus detesté et le plus recherché mtn pour vengeance,et avec les prison breaks en masse,allah ister..
_________________
Invité Invité
Sujet: Re: la révolte en Tunisie Sam 15 Jan - 9:34
parcontre aucune info sur le sort des touristes dans leurs hotels: ont ils etés attaqués?
les bonne femmes allemandes ou francaises menopausées qui se font tirer par des animateurs blonds decolorés ont elles eté malmenées?
les biens des etrangers (maisons, commerces) ont ils etés sacagés eux aussi?
n'oublions pas que nous avons beaucoup de compatriotes labas qui bossent en tunisie ou y font des etudes (fac de monastir, medecine dentaire entre autre) kayn chi khbar?
Proton General de Brigade
messages : 3496 Inscrit le : 27/06/2009 Localisation : Partout. Nationalité : Médailles de mérite :
Sujet: Re: la révolte en Tunisie Sam 15 Jan - 9:44
Une pauvre journaliste ce matin en direct sur I-télé demande à un opposant tuniens : "pensez vous que les républiques avec des présidences à vie comme l'algérie ou le maroc peuvent suivre l'exemple tunisien" ? C'est une faute professionnel pour moi, en meme temp elle avait presque 1 kilo de maquillage sur le visage, donc sans doute le font de teint l'empeche de lire clairement son prompteur!
_________________
Yakuza Administrateur
messages : 21656 Inscrit le : 14/09/2009 Localisation : 511 Nationalité : Médailles de mérite :
Sujet: Re: la révolte en Tunisie Sam 15 Jan - 10:05
OBSERVATEUR a écrit:
parcontre aucune info sur le sort des touristes dans leurs hotels: ont ils etés attaqués?
les bonne femmes allemandes ou francaises menopausées qui se font tirer par des animateurs blonds decolorés ont elles eté malmenées?
j´ai vu ajdhui sur TV le retour en masse des touristes,l´un de l´est a parlé d´un serviteur tué par balle,comme ca!ils ont donc organisé leur retour vite,les TO font tout pour rapatrier le reste agadir et la somaca vont profiter..
_________________
Proton General de Brigade
messages : 3496 Inscrit le : 27/06/2009 Localisation : Partout. Nationalité : Médailles de mérite :
Sujet: Re: la révolte en Tunisie Sam 15 Jan - 10:10
La France fait savoir que Benali est indésirable! C'est fou, y'a deux jours sarko voulait envoyer des CRS pour mattraquer les tunisiens.
_________________
Invité Invité
Sujet: Re: la révolte en Tunisie Sam 15 Jan - 10:31
Sujet: Re: la révolte en Tunisie Sam 15 Jan - 10:37
Citation :
La France fait savoir que Benali est indésirable! C'est fou, y'a deux jours sarko voulait envoyer des CRS pour mattraquer les tunisiens.
La france n'avait pas trop le choix, recevoir Ben ali aurai été sucidaire pour sarkozy, il aurai été crtiquer de toutes part(gauche, centre, droite, communauté inertational,l'onu, mars )
Cependant on note que des proches de Ben ali ont été acceuilli a Paris http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2011/01/15/97001-20110115FILWWW00407-des-proches-de-ben-ali-en-seine-et-marne.php
et pour finir article intéresant montrant les liens étroits entre ben ali et sarko
Ces salauds d'adorateurs de Satan ne ratent jamais une occasion. Alors que le peuple veut du travail et de la justice social, ces salauds ne parlent que de khilaffah, comme si le peuple tunisien s'était jamais plaint de la laïcité de son régime. Quand on parle à un adorateur de Satan de droits socio-économiques, il répond qu'il faut appliquer la chariâ En Iran, la chariâ a été appliquée, mais les droits socio-économiques n'ont pas été promus, donc impossible de faire confiance en ses adorateurs de Satan pour que l'application de la chariâ ne soit qu'un prélude à la promotion des droits socio-économiques
_________________
leadlord Colonel-Major
messages : 2787 Inscrit le : 10/07/2010 Localisation : montreal Nationalité : Médailles de mérite :
Sujet: Re: la révolte en Tunisie Sam 15 Jan - 12:12
Ces salauds d'adorateurs de Satan ne ratent jamais une occasion. Alors que le peuple veut du travail et de la justice social, ces salauds ne parlent que de khilaffah, comme si le peuple tunisien s'était jamais plaint de la laïcité de son régime. Quand on parle à un adorateur de Satan de droits socio-économiques, il répond qu'il faut appliquer la chariâ En Iran, la chariâ a été appliquée, mais les droits socio-économiques n'ont pas été promus, donc impossible de faire confiance en ses adorateurs de Satan pour que l'application de la chariâ ne soit qu'un prélude à la promotion des droits socio-économiques
faut just un juste équilibre c'est un pays muslan apres tout comme au maroc l'islam intégriste est pas bon et les peuples sont contre; mais faut des valeurs et principe l'exemple marocain est parfait la liberté pour tlm je crois que sur ce point on dépasse la france tout cas sur niveau pratique , au maroc si tu veux passé la journée a la mosquée personne ne te dérange si tu veux la passé au bar c'est le même cas ... en gros l'état protége les droits fondamentaux même niveau des lois sa suit pas c'est tjr interdit de déjeuné en ramadan ou de boire en publique mais juste pour ceux qui font des troubles c'est le cas dans tout les pays du monde je crois si un alcoolique ce mets a cassé il se trouve au commissariat si il est tranquille beh personne ne lui parle ...
Dernière édition par leadlord le Sam 15 Jan - 12:13, édité 1 fois
Invité Invité
Sujet: Re: la révolte en Tunisie Sam 15 Jan - 12:13
cri de la liberte .
winner78 Caporal chef
messages : 169 Inscrit le : 09/06/2010 Localisation : PARIS Nationalité :
Sujet: Re: la révolte en Tunisie Sam 15 Jan - 12:15
Ces salauds d'adorateurs de Satan ne ratent jamais une occasion. Alors que le peuple veut du travail et de la justice social, ces salauds ne parlent que de khilaffah, comme si le peuple tunisien s'était jamais plaint de la laïcité de son régime. Quand on parle à un adorateur de Satan de droits socio-économiques, il répond qu'il faut appliquer la chariâ En Iran, la chariâ a été appliquée, mais les droits socio-économiques n'ont pas été promus, donc impossible de faire confiance en ses adorateurs de Satan pour que l'application de la chariâ ne soit qu'un prélude à la promotion des droits socio-économiques
Je ne pense pas que tout ceux qui disent la chaada sont des adorateurs de Satan.
Invité Invité
Sujet: Re: la révolte en Tunisie Sam 15 Jan - 12:39
Citation :
Le chef du parti Islamiste Ennahdha veut rentrer en Tunisie
messages : 2111 Inscrit le : 18/06/2008 Localisation : Kenitra-Venise Nationalité : Médailles de mérite :
Sujet: Re: la révolte en Tunisie Sam 15 Jan - 13:53
Bushido a écrit:
cri de la liberte .
Emouvant...le cri de la libertè n'a pas d'ègale, je me l'attendais pas vraiment de la part des tunisiens conaissant quelques echantillons ici et la, mais la goie que j'ai pu constatè c'est celle des islamistes ( des refugiès politiques surtout ..c'est la fete ) je me demande ce que vont faire les mouvements type Nahada de matrice islamiste a present que le" ghol " n'est plus la ! car aucun mouvement ou partie n'etait participe a cette liberation donc personne n'a de merite de pretendre quoique se soit...c'est un bon terrain de debut se les tunisens en savent faire.
N.B: Oops ..merci pacha ,t'a repondu a ma question..je l'a pas vu.
_________________
" "تِلكَ الدَّارُ الآخِرَةُ نَجْعَلُها لِلَّذينَ لا يُريدُونَ عُلُوًّا فِي الأَرْضِ ولا فَسَادًا"
naourikh Adjudant-chef
messages : 453 Inscrit le : 19/03/2007 Localisation : Devant un PC Nationalité :
Sujet: Re: la révolte en Tunisie Sam 15 Jan - 14:00
barbaros pacha a écrit:
Citation :
Le chef du parti Islamiste Ennahdha veut rentrer en Tunisie
Ca commence déja, je me demande combien ce parti à de chances de gagner les élections et quel est leur poid politique en Tunisie, quelquun à une idée? Il ne faudrait pas q'un autre FIS essaye de prendre le pouvoir en Tunisie après les troubles. Si cela se produit je doute que l'armée tunisienne soit de taille à les empécher d'y arriver.
_________________
Invité Invité
Sujet: Re: la révolte en Tunisie Sam 15 Jan - 14:09
Citation :
Rachid Ghannuchi : Islam, nationalisme et Islamisme (entretien)
Entretien recueilli (à Londres au mois de février 1992) et traduit de l’arabe par François Burgat
L'ENTRETIEN
« Mille neuf cent soixante-six, le 15 juin. C'est au cours de cette nuit-là que j’ai pris la décision finale de passer de l’univers du nationalisme arabe et nassériste à celui de l'Islam »
« II n'est simple pour personne de reconstruire avec précision l'itinéraire exact du passage d'un univers intellectuel et idéologique à un autre et toutes les transformations – en termes de relations humaines notamment – que cela a impliqué.
Car c'est bien ce que ce changement, dans sa phase initiale surtout, impliquait : le passage d'un monde à un autre, d'une pensée, d'une idéologie, d'un système de relations, d'un itinéraire, à un autre univers, à de nouvelles idées, à de nouvelles valeurs et à de nouvelles relations. Cela équivalait à une brutale métamorphose.
Je peux bien sûr retracer le contexte événementiel d'un tel bouleversement. Autre chose est de reconstruire l'enchaînement exact des faits et surtout de prendre à leur égard la distance de celui qui visionne un film. L'essentiel se joue à l'intérieur de l'âme, de manière peut-être même inconsciente. Comment tout cela s'est-il produit ? Comment en suis-je arrivé là ? Une chose est certaine, je puis dater très précisément ce changement : la nuit du 15 juin 1966.
C'est au cours de cette nuit-là que j'ai pris la décision finale de passer de l'univers du nationalisme arabe et nassériste à celui de l'Islam. Je venais de prendre brutalement conscience que ni ce qui j'étais ni ce que je vivais n'avait quoi que soit à voir avec l'Islam. Cette découvert a pris [...] pour moi des allures de catastrophe : je réalisais que je n'étais pas musulman, que j’étais étranger à l'Islam.
L'armée des vaincus de Bourguiba
J'avais pourtant été élevé dans un environnement très religieux. Mon père était de ceux qui avaient appris tout le Coran. Il faisait les prières en famille. Il répandait de l'encens dans la maison, comme le font les gens très religieux. Ce n'était pas un « professionnel de la religion », c’était un simple paysan, mais c'est lui qui assurait l'enseignement Coranique et religieux à tout le village [...].
Ensuite, j'ai reçu une éducation religieuse à l'université de la Zitouna. Cet enseignement, toutefois, n'a pas servi en quoi que ce soit à enraciner en moi la valeur de l'Islam, ni permis de prendre conscience de sa capacité à régir les existences. Il faut, pour le comprendre, préciser qu'avec le retour d'exil de Bourguiba, la Tunisie vivait alors une période de bouleversement.
Bien plus qu'une victoire sur l'occupant français, la victoire de Bourguiba, à vrai dire, constituait plutôt une victoire sur la civilisation arabo-Islamique en Tunisie. Bourguiba est entré en vainqueur et, comme les envahisseurs étrangers, il a pris le pouvoir. Puis il s'est mis à frapper les institutions religieuses, ces institutions qui étaient la vie même de la Tunisie. À cette époque, tout tournait autour de l'institution de la Zitouna : l'artisanat traditionnel, la littérature tunisienne, la pensée tout entière. Jusqu'à un certain point, toute la Tunisie est le produit de la Zitouna. Alors, le coup violent porté à ces institutions a touché la structure sociale, économique et culturelle de la Tunisie tout entière. Pour tous ceux qui avaient été élevés dans la culture arabe et musulmane, c'est-à-dire pour la majorité des intellectuels tunisiens – qui sortaient de ces institutions d'enseignement rattachées à la Zitouna – arabité et Islam étaient liés. Ils donnaient une grande importance à cette langue et à cette littérature arabes qui enracinaient l'appartenance arabo-Islamique en Tunisie, qui y insufflait l'esprit de résistance à l'invasion étrangère [...] et servait en quelque sorte, face à l'Europe, de bouclier.
L'attaque contre les institutions religieuses fut l'une des premières décisions postérieures à l'indépendance. Ma génération s'est ainsi sentie mise en situation d'extranéité ; elle est devenue sujette à une profonde aliénation, victime d'une sorte de bannissement. Nous avions constitué un bastion arabe et Islamique et le pays, à l'opposé, s'occidentalisait : l'administration, la culture, l'université, l'enseignement, les arts, les lettres..., tout s'occidentalisait. Les gens ont commencé à se demander s'ils étaient encore vraiment dans leur pays, dans leur patrie. Il fallait en effet, comme disait Bourguiba, « tout faire pour rattraper le cortège de la civilisation », pour s'intégrer, se fondre dans l'environnement occidental. À cette génération, on ne demandait donc ni plus ni moins que d'ôter ses vêtements, de s'arracher la peau en quelque sorte, pour s'intégrer à ce monde nouveau dans lequel Bourguiba jetait toute la Tunisie. Même ceux qui avaient étudié à la Zitouna, estimant qu'il n'y avait pas d'avenir pour la culture arabo-Islamique, se mirent alors à envoyer leurs enfants au Lycée Carnot ou Sadiqi ou dans les établissements étrangers.
Pour les diplômés de ces institutions, le résultat de tout cela a pris la forme de troubles, de complexes d'infériorité, de sentiments d'aliénation. Il ne leur restait qu'à se replier, se recroqueviller sur eux-mêmes. Et à cuver leur rancoeur contre cette nouvelle occupation. Non plus celle des Français cette fois, mais celle des « fils tunisiens de la France ». Et celle-ci était plus brutale encore que celle-là. Les Français au moins étaient clairement identifiés comme tels [...]. Pour la génération nourrie de culture arabo-musulmane qui fréquentait la Zitouna et les institutions traditionnelles, le processus d'occidentalisation de la Tunisie a donc été vécu comme une violence. Cette génération a été réprimée, elle a été victime d'un traumatisme. Or cette génération représentait la majorité. À l'indépendance, ceux qui fréquentaient les établissements dépendants de la Zitouna étaient entre 25 et 27.000, et ceux qui étudiaient dans les établissements secondaires créés sous occupation française entre 4.500 et 5.000. C'est donc la majorité qui s'est sentie marginalisée par la minorité. C'est une minorité agissante qui a été capable de marginaliser la majorité car elle avait la capacité de comprendre l'Occident, de comprendre l’étranger et de communiquer avec le nouvel ordre international. La majorité n'avait pas ce savoir-là. Elle s'est donc fait marginaliser intellectuellement. Il en a été de même pour tout ce substrat socio-économique qui dépendait plus ou moins de la Zitouna, le secteur de l'artisanat traditionnel qui l’entourait, mais aussi le secteur des Waqfs, les biens Habous qui représentaient une part importante de la propriété foncière. Un quart environ de la propriété agricole en Tunisie était rattaché aux Waqfs et tout particulièrement à la Zitouna […]
Le fait de frapper la Zitouna, le fait de frapper les institutions économiques qui la finançaient équivalait donc à détruire la société. Cela aboutissait aussi à mettre la génération élevée au sein de ces institutions dans la situation d'une armée vaincue et défaite. Il ne lui restait plus qu’à se fondre dans la nouvelle armée, mais il lui fallait, pour ce faire, sortir de sa propre peau. Ou bien se replier, se recroqueviller sur elle-même. Bon nombre des gens de ma génération étaient attirés par l’Orient. Si le nouvel ordre international que représentait Bourguiba en Tunisie tirait, et ses représentants avec lui, sa légitimité de l'Occident, ceux qui refusaient la violence de ce changement forcé tournaient leurs regards vers l’Orient, vers les sources de la pensée Islamique et arabe où ils cherchaient appui. Il venait de surcroît de se produire dans cet Orient de multiples bouleversements dont le moins important n'était pas le coup d'État, que l'on appela par la suite la Révolutionde Gamal Abdel Nasser.
Cette révolution exaltait les idées arabistes, l'unité arabe et la résistance à l'ordre international. Les Zitouniens avaient donc tout particulièrement vocation à être nasséristes, ils étaient nasséristes « par nature ». Sans s'arrêter à la dimension laïque ou au fait que c'était une autre expression du nationalisme, ils trouvaient dans le nassérisme l’appui moral qu'ils recherchaient : au Maghreb, la distinction entre l'arabité et à l'Islam n’a jamais eu cours. La Zitouna prônait indistinctement un Islam arabe ou une arabité musulmane. En Afrique du Nord, Islamisation ou arabisation allaient de pair. Toute agression étrangère s'en prenait d’ailleurs, – en Tunisie comme en Algérie – à l’arabité et à l’Islam à la fois. L'appartenance arabe est ensuite d'autant plus étroitement imbriquée avec la religion qu'il n'existe pas au Maghreb de minorités religieuses et que cette région n'était pas arabe avant l'Islam. L'Afrique du Nord est entrée en contact avec l'arabité et avec l'Islam en même temps. L'arabité n'a donc pas d'identité culturelle autre que musulmane, alors que les régions du Machreq se sont arabisées avant de devenir musulmanes. Il y avait des tribus arabes qui étaient chrétiennes et le sont demeurées et d'autres qui se sont Islamisées. L'arabité y est donc perçue comme un tout antérieur à l'Islam et on craint parfois, en faisant usage de la référence Islamique, d'établir une sorte de ségrégation, problème qui ne se pose pas en Afrique du Nord.
J'ai déjà dit que, dans ce contexte, la vie me pesait : je ressentais une sorte d'aliénation. Je passais des heures à l'extérieur de mon village, souvent dans les jardins, à lire des nouvelles et des romans. La radio ? Oui, j'écoutais Sawt al-Arab, les radios du Machreq surtout. Je lisais aussi Naguib Mahfouz. Tawfik al-Hakim. Après ma sortie de la Zitouna, je suis resté un an et demi à travailler comme instituteur. Mais cette vie ne me convenait pas. J'étais habité par ce sentiment d'aliénation (ighitirâb) qui était celui de toute ma génération. Nous éprouvions pour les sources de l'Islam et de l'arabité au Machreq une sorte d'attirance nostalgique. Je suis donc parti en Égypte. C'était en 1964.
...à la recherche de l'arabité perdue
La découverte de l'Égypte ? Mon point de vue n'a pas vraiment changé. Bien sûr, à mon arrivée au Caire, le rêve qu'avait nourri mon refus du bourguibisme, la littérature égyptienne, les chansons d'Oum Kalthoum, d'Abdel Wahab et de Farid al-Atrache, ou encore Radio-Égypte et les discours de Nasser, cette image lumineuse s'est quelque peu dissipée. J'ai d'abord eu d'énormes difficultés à obtenir une inscription à l'Université. Nous étions une quarantaine dans le même cas, à être venus d'Afrique du Nord. Nous ne faisions pas partie d'un groupe envoyé officiellement. On s'était seulement rencontrés ici. On était venus par voie de terre, à travers la Libye. Chacun était à la recherche de lui-méme [...]. L'État de Bourguiba n'appréciait pas que les étudiants tunisiens aillent fréquenter les universités du Machreq de peur qu'ils ne soient atteints de « folie » nassériste, ba'thiste ou arabiste. Quelques contingents officiels avaient pourtant été envoyés en Syrie. Mais notre groupe n'avait pas eu cette chance. Il a été chassé... ! : tous rescapés de la Zitouna […], certains « survivants » avaient émigré ou s'étaient engagés dans l'armée nouvelle. Nous, nous étions ces rescapés de l'armée des vaincus de Bourguiba à la recherche d'un nouvel engagement. Et nous étions revenus pour ce faire aux capitales intellectuelles et spirituelles. Ce n'était pas à proprement parler une décision politique, c'était le résultat d'un sentiment confus d'aliénation, la recherche d'une vie meilleure, d'une insertion dans les grands centres d'appartenance. Une sorte de retour à l'authenticité. [...] L’Université tunisienne ayant été francisée, les diplômés de la Zitouna n'avaient d'autre choix que d'entrer à la faculté de théologie à Tunis. J'y ai suivi des cours un certain temps mais je voulais apprendre les sciences et (pour les arabophones) cela n'était pas possible à l'université. Les facultés du Machreq avaient, elles, des filières scientifiques arabisées, ce qui n'était pas le cas à Tunis. Le reste des Zitouniens est donc allé au Machreq, surtout au Caire, en Syrie et en Irak. La plupart sont sortis diplômés de sciences, surtout en sciences naturelles, mathématiques, polytechnique et médecine.
En Égypte, j'habitais à 'Agouza, chez des amis de mon village, étudiants comme moi. Nous sommes restés deux ou trois mois à nous démener pour obtenir une inscription à l'Université du Caire. La routine administrative, la bureaucratie... On a même manifesté devant le domicile de Nasser pour lui réclamer nos droits à l'inscription. Après des pressions intenses, nous avons réussi à nous inscrire. J'ai choisi la faculté d'Agriculture. Je me voyais alors passer ma vie à améliorer la condition des paysans de mon village et leurs méthodes de travail qui, à l'époque, étaient très arriérées. L'agriculture était dure, notamment à cause du manque d'eau. J'étais obligé d'aider mon père. J'en étais même arrivé une fois à interrompre mes études à la Zitouna. Mais cela n avait duré que quatre mois.
La société égyptienne ? II m'est difficile d'en parler puisqu'à vrai dire je ne m'y étais pas intégré ; il ne m'a pas été donné de le faire. J'ai passé le plus clair de mon temps à essayer de m'installer : m'inscrire, faire toutes les démarches nécessaires pour la rentrée universitaire. Je n'ai visité qu'Alexandrie. À cette époque, je n'ai pas trouvé en Égypte ce que je rêvais d'y trouver. Je m'imaginais des Égyptiens enthousiastes, mobilisés derrière Nasser. J'ai vu un peuple davantage préoccupé de sa vie quotidienne. La mobilisation, les chants, les discours de ta radio, c'était une façade, un enthousiasme de commande auquel ne correspondait aucune réalité de la rue.
De toute façon, cette étape a très vite pris fin. Égypte et Tunisie ont rompu leurs relations diplomatiques. Le Caire avait soutenu Saleh Ben Youssef dans son conflit avec Bourguiba. Ce dernier avait fait appel à l'armée française et Ben Youssef à Nasser. C'est là une des raisons de la violente rancune de Bourguiba à l'égard de Nasser, du nationalisme arabe, du Machreq tout entier et de l'arabité. Une des raisons au moins. Par la suite, lorsque les relations bilatérales ont été restaurées, l'ambassade de Tunisie en Égypte s'est mise à nous rechercher pour nous signifier une interdiction de rester en Égypte. Et elle a fait pression sur l'administration égyptienne pour que nous soyons chassés de l'université. Après tous nos efforts pour obtenir une inscription, nous avons trouvé d'un seul coup nos noms barrés, et l'ambassade nous demandait de rentrer. Une partie d'entre nous l'a fait. L'armée victorieuse de Bourguiba poursuivait même les rescapés, même ceux qui s'étaient enfuis. Elle est donc parvenue à nous faire expulser d'Égypte. Il nous fallait accepter la capture et rentrer au pays ou fuir quelque part ailleurs. Alors je suis parti en Syrie. J'ai failli aller en .Albanie. De quoi est-ce que je vivais ? J'avais emporté de l'argent de Tunisie. J'avais économisé à peu près 500 dinars tunisiens sur ma paie d'instituteur. Je dépensais petit à petit. En Égypte, je me contentais de foul et de ta'miyya,pour dépenser le moins possible.
De l'arabisme à l'Islamisme
En Syrie par contre, nous nous sommes inscrits facilement. L'université était autonome par rapport à l'État. Et peu de temps après, le ministère de l'Education nous a accordé une bourse. Tous les étudiants tunisiens en recevaient. Pas importante mais suffisante. Damas n'est pas une grande ville comme Le Caire. Un étranger s'y retrouve, s'intègre plus facilement. La vie était très bon marché à l'époque. En fait, nous étions divisés en deux groupes : ceux qui avait été envoyés par le ministère tunisien de l'Education, et qui recevaient une bourse élevée et vivaient confortablement, et les autres, la majorité, qui étaient venus d'eux-mêmes et n'étaient pas boursiers. Lorsque Bourguiba fit son célèbre voyage au Machreq après qu'eut lieu la réconciliation, nous sommes allés le rencontrer à Beyrouth. Les non boursiers lui ont demandé l'attribution d'une bourse pour tous, qu'il leur a accordée de fait lors de son célèbre discours d'Ariha. On a donc tous bénéficié de la bourse tunisienne un certain temps.
Mais comme, dans ce fameux discours, il avait appelé à la reconnaissance d'Israël et au respect du découpage de 1948, l'opinion publique arabe, surtout syrienne, s'est révoltée. Il y a eu une émeute, l'ambassade de Tunisie a été brûlée, les relations entre la Syrie et la Tunisie ont été à nouveau rompues et les bourses suspendues. Un envoyé est venu nous demander de quitter ce pays dont le régime était hostile à la Tunisie et de rentrer chez nous. Certains l'ont fait, la majorité a refusé.
Quel était alors le climat politique chez les étudiants tunisiens ? [...] Les bourguibiens du contingent officiel nous poursuivaient. Il y avait bien sûr un consensus, un quasi consensus contre le régime tunisien. Tous étaient des victimes de cette guerre de Bourguiba contre l'Islam et l'arabité. Un petit nombre de bourguibiens était toutefois en contact avec l'ambassade. La période libérale n'avait pas encore pris fin. Le socialisme et le ba’thisme n’avaient pas encore détruit la société syrienne. C'était en fait le début de l’expérience ba’thiste et le libéralisme économique permettait encore ce pays de prospérer. L’université jouissait alors de la liberté culturelle et politique. Tous les courants étaient représentés, dialogues et compétition politique se poursuivaient. Nous avons commencé à nous y intégrer. Le grand débat de l'époque opposait Ba'th aux nasséristes. La séparation entre l’Égypte et la Syrie n’était pas encore intervenue. La principale préoccupation des nasséristes, le centre de leur thématique, c'était la restauration de l'État unitaire. Compte tenu du background nassériste qui était le mien en Tunisie, je me suis assez naturellement et assez facilement intégré à leur courant.
Entre le Ba'th et les nasséristes, il n’y avait pas de réelle différence. Ce fut là, d'ailleurs, une des raisons de ma métamorphose ultérieure : la découverte, que le débat mit rapidement en évidence, que nasséristes et ba'thistes se disputaient pour des raisons bien minces et bien futiles. Mais aussi dans le même temps, les progrès intellectuels que me permettaient mes lectures en philosophie jouèrent leur rôle. La philosophie conduit à se poser des questions sur tout, y compris sur le contenu effectif des mots : que voulait vraiment dire « arabité » ? Que signifiait « unité » ou « socialisme » ? L’ambiance de débat politique permanent nous poussait en fait à nous accrocher à des slogans bien davantage qu'à leur contenu. Le dialogue se déroulait entre nasséristes et ba'thistes, d'une part, et d’autre part, entre membres de la communauté tunisienne. Le groupe des Tunisiens était divisé entre ceux – la minorité – qui étaient restés bourguibistes, et la grande majorité, qui se partageait elle-même entre ba'thistes et nasséristes.
Le débat entre ces deux groupes était très intense. C’était la Ligue des étudiants tunisiens qui l'abritait. Il y avait des élections, des confrontations, une vie politique complète ; on faisait sa campagne électorale, on défendait son programme. Les nasséristes étaient majoritaires. Les bourguibistes ne jouaient qu'un rôle marginal. Les Islamistes ? Il n'y en avait pas. Il n'y en avait absolument pas. Pas un seul Islamiste dans la Ligue. Pour autant que je me souvienne dans un groupe de 150 étudiants, il n'y en avait qu'un seul ou peut être deux qui faisaient la prière. On était en 1965. La prière ne faisait pas partie des représentations philosophiques ou politiques courantes. La lutte portait sur l’attitude vis-à-vis du régime tunisien.
Toutefois, ce débat politique n'avait pas seulement lieu entre Tunisiens. Il se déroulait également entre les arabistes d’un côté, toutes tendances confondues, et les Islamistes. Les Islamistes, à l’université syrienne, avaient une grande mosquée, où se donnait un prône le vendredi et ils avaient dans leurs rangs plusieurs personnalités célèbres. À l'époque, en Syrie, c'étaient soit des Frères Musulmans soit encore des membres du Parti de la Libération Islamique. Il y avait aussi des individualités célèbres, officielles ou non, celles qui avaient le plus fort pouvoir d'attraction étant bien sûr les non officielles : enseignants à l'université, grands enseignants de la faculté de Chari'a. Donc le dialogue avait cours entre ces différents courants. Sur quoi portait-il ? Le fondement du débat à peu de choses près était politique : on débattait de l'attitude à avoir vis-à-vis des différents régimes, ou encore de la question palestinienne.
Le discours des Frères musulmans à l'époque se concentrait pour l'essentiel sur la condamnation de l'arabité, sur le fait qu'elle était laïque. Ils faisaient porter à la laïcité la responsabilité de la perte de la Palestine, celle de la corruption de la politique, des moeurs, de l'économie.
À l'opposé, le discours des nasséristes ou des ba'thistes contre les Frères musulmans consistait à dire qu'ils étaient un courant réactionnaire, lié au colonialisme, aux Américains. Ce progressisme était lui-même lié avec l'Europe de l'Est et traitait donc les Frères musulmans d'Américains, de valets de l'Amérique, ils étaient censés être contre le progrès, réactionnaires, etc.
L'Arabie Saoudite ? Elle n'était pas présente à cette époque. Elle n'était pas encore présente sur le terrain du combat religieux. Elle ne l'est devenue qu'après la révolution du pétrole, lorsqu'elle s'est trouvée capable de faire imprimer des livres religieux proches de son point de vue et d'affirmer ainsi sa présence dans les milieux Islamiques. À cette époque, les grandes sources idéologiques étaient plutôt l'Égypte, la Syrie et le Pakistan avec Abû 'Ala al-Mawdûdi.
Le Parti de la Libération ? Il se concentrait sur la question du Califat. Le retour au Califat. Est-ce qu'il avait une assise sociale particulière ? D'abord il ne représentait qu'une minorité. C'était un courant « salafî »(fondamentaliste) qui prônait le retour aux sources premières de la religion. Ils avaient un cheikh de toute première importance, Nâsir al-Dîn al-Albani, considéré encore aujourd'hui dans le monde musulman comme un grand orateur. Il doit avoir aujourd'hui 80 ans et vit en Jordanie. Au nombre des personnalités emblématiques de la pensée religieuse, il y avait aussi Saïd Ramadan al-Boutî.
À cette époque, à l'intérieur du groupe des nasséristes, certains ont commencé à douter des présupposés du nationalisme arabe, qu'ils accusaient d'avoir un contenu non arabe, de n'être arabe que formellement. L'un des ouvrages très lus à cette époque était traduit du français :L'homme cet inconnu d'Alexis Carrel, un médecin. Ce n'était peut-être pas un livre très connu en France, mais il était au centre de la littérature des Islamistes de cette époque. Carrel a écrit aussi : Contemplations de l'homme,mais c'est son premier livre, traduit et plusieurs fois réédité, qui était le plus célèbre. Sayyid Qutb s'en est lui-même beaucoup servi pour critiquer la civilisation occidentale, pour mettre en évidence les malheurs de l'homme occidental – la dégradation de la famille et des rapports sociaux, ou celle des relations internationales – dus à sa civilisation. Il y avait aussi le livre de Springler, les écrits de Toynbee et aussi La chute de la civilisation, ouvrage d'un Anglais dont j'ai oublié le nom, ît bien d'autres encore. Comme l'une des composantes du débat consistait, à accuser le nationalisme arabe d'avoir un contenu occidental, non Islamique, le fait de minimiser, de critiquer la civilisation occidentale faisait naturellement partie de l'argumentaire. C'est dans ce contexte que ces écrits, tout spécialement ceux d'Alexis Carrel, qui donnaient crédit à la position Islamiste, prenaient leur valeur : la civilisation Islamique détenait les traitements des maladies dont souffrait la civilisation occidentale. La modernisation ne nous avait pas transmis la science et la technologie mais seulement les maladies de l'Occident.
Un autre élément qui m'a préparé à accepter la critique du nationalisme arabe comme n'étant pas Islamique mais occidental est mon voyage en Europe. Après avoir étudié un an à Damas, de janvier à juin 1965 à peu près, en première année de philosophie, j'ai quitté la Syrie et avec un groupe d'amis, nous sommes partis pour l'Europe. Turquie, Bulgarie, Yougoslavie, Autriche, Allemagne, France etc. Six mois en tout. [...] Je travaillais pour gagner de quoi vivre quelque temps, puis j'allais ailleurs. Je suis rentré enfin en Syrie au mois de janvier de l'année suivante. La plupart du temps, je logeais dans les auberges de jeunesse. Cela donnait l'occasion de discuter avec toutes sortes de jeunes. Eh bien ! Je suis rentré en Syrie avec l'impression que la jeunesse occidentale vivait dans une sorte de confusion et cela m'a sans doute préparé à admettre cette critique de la civilisation occidentale (que véhiculait l’argumentaire des adversaires du nationalisme arabe). Ce voyage, et l'attitude de la jeunesse européenne côtoyée dans tes auberges de jeunesse, la rendaient plus acceptable.
Que représentait l'Union soviétique à ce moment-là ? Les apports les plus importants du discours Islamiste, l'origine de sa force, étaient précisément le résumé très simple qu'il faisait de l'Occident, et le fait qu'il relativisait bon nombre de distinctions qui, pour d'autres étaient essentielles. Le débat entre capitalisme, socialisme, camp de l'Ouest, camp de l'Est n'avait plus cours : au fond, tout cela n'était qu'un seul et même Occident... Pour un jeune, le seul fait de casser ces classifications, sur le plan intellectuel, constituait un acte révolutionnaire. Il découvrait que les hommes vivaient dans I’erreur et qu'ils séparaient des choses qui, en dernière instance, étaient indissociables. Ce discours disait aux différents groupes en conflit, nasséristes, ba'thistes au libéraux : « Vous êtes tous dans le même sac. Vos références sont européennes et non pas nationalisteset en dernière instance, au niveau intellectuel, vous n'êtes que des agents de cet Occident ». Et cela aussi c'était une révolution. Parce que les nasséristes à l'époque se considéraient comme les représentants d'une grandiose révolution.
Les ba'thistes et les nasséristes se battaient pour des questions futiles, formelles. Nous leur disions : « Vous, en profondeur, vous n'êtes en fait que des agents de la civilisation occidentale. Vous n'avez aucune authenticité et c'est ce qui explique votre échec dans tous les domaines. Et vous échouerez dans la lutte contre Israël, vous échouerez. »
Et de fait, lorsque vint la guerre de 1967 – j'étais alors à Damas – les Jeunes ba'thistes en particulier considéraient qu'ils allaient pouvoir passer l'été sur les plages de Tel Aviv. C'était, pour ces jeunes nationalistes, nasséristes ou ba'thistes, une pure certitude. Ils croyaient dans le nassérisme et ils avaient des certitudes inébranlables. Le discours Islamiste diffusait au contraire la certitude opposée. Celle que la défaite était inévitable car il n'était pas possible à une idéologie de cette sorte de conduire à la victoire. La défaite est venue bien sûr apporter un soutien essentiel au discours Islamiste.
Pour ma part, la mutation (vers l'Islamisme) s'était déjà opérée. Le moment le plus important, la clef la plus importante, fut une sorte d'explosion qui se produisiten moi. Elle me fit percevoir que l'arabité en laquelle nous croyions était en conflit avec l'Islam. Et que, depuis très longtemps, j'étais dupe, si l'arabité pour laquelle j'étais prêt à mourir était antinomique avec l'Islam qui m'avait nourri et dont j'étais fier.
Cette découverte a été difficile pour moi. Je suis rentré en tension avec la culture nassériste que j'avais jusqu'alors assumée. J'étais passé graduellement de membre à responsable d'une cellule qui comprenait 7 ou 8 personnes qui se réunissaient secrètement à des domiciles privés. J'ai entamé avec cette cellule un débat sur la relation entre l'arabité et la religion. Les membres de la cellule ne sont pas parvenus à me convaincre. Alors ils ont commencé à transmettre la question à la direction du Parti. Ils envoyaient régulièrement quelqu'un pour discuter avec moi. À la fin, j'étais d'accord pour rester dans le Parti mais à une condition : que la foi en Dieu y soit considérée comme une condition d'appartenance. Même à la manière des chrétiens. Ils prétextaient qu'il y avait des chrétiens parmi eux et je leur disais : « Même les chrétiens croient en Dieu, alors pourquoi ne pas faire de la foi un des éléments de l'appartenance au Parti? » Alors ils ont dit ; « Nous, on est un Parti qui n'instaure pas de relation entre la religion et la politique », « la religion est à Dieu et la patrie à tous », etc. J'ai été alors convaincu, lorsque la discussion en est arrivée là, que je m'étais longtemps trompé et que des années d'enthousiasme et de combat étaient fondées sur une illusion. Comme celui qui reniait sa famille, son éducation, sa civilisation et qui réalisait qu'il avait été prisonnier longtemps sans le savoir, croyant qu'il était libre alors qu'il vivait en prison et dans l'obscurité. C'est comme s'il s'était passé un renversement total dans ma vie. Je me souviens que la nuit du 15 juin, je n'ai pas pu fermer l'œil. J'étais très agité. Un peu avant l'aube, j'étais décidé à franchir le pas et à commencer à prier. J'ai fait une prière dont j'ignorais en fait les détails : j'avais oublié la culture religieuse.de mon enfance. Ma culture religieuse était une culture théorique et non pas une culture pratiquée, mise en oeuvre ou en actes. Et j'ai commencé à m'adonner au réapprentissage de la culture Islamique, à lire et à faire l'inventaire du contenu des productions de l'Islam. Les « marchandises » Islamiques disponibles – disponibles au sein du courant Islamiste – étaient les livres de Sayyid Qutb, ceux de Muhammad Qutb, Abû 'Ala al-Mawdûdi, Muhammad Iqbal, Malek Bennabi et quelques écrits anciens de Abù-l-Hamid al-Ghazâli et Ibn Taymiyya. J'ai commencé à faire le tour des écoles religieuses de Damas. J'ai fait connaissance de l'école des Hadiths, du Fiqh, des différents groupes Islamiques :
J'écoutais tout le monde, je voulais savoir ce que contenait l'univers de cette religion avec lequel je dialoguais de loin sans y être intégré [...]. »
Londres, février 1992
http://ema.revues.org/index1420.html
Invité Invité
Sujet: Re: la révolte en Tunisie Sam 15 Jan - 14:12
naourikh a écrit:
Ca commence déja, je me demande combien ce parti à de chances de gagner les élections et quel est leur poid politique en Tunisie, quelquun à une idée? Il ne faudrait pas q'un autre FIS essaye de prendre le pouvoir en Tunisie après les troubles. Si cela se produit je doute que l'armée tunisienne soit de taille à les empécher d'y arriver.
Les partis politiques ne représentent plus grand chose en Tunisie, laminé, je sais pas si le parti au pouvoir ira aux élections.
Samyadams Administrateur
messages : 7134 Inscrit le : 13/08/2008 Localisation : Rabat Maroc Nationalité : Médailles de mérite :
Sujet: Re: la révolte en Tunisie Sam 15 Jan - 14:40
winner78 a écrit:
Je ne pense pas que tout ceux qui disent la chaada sont des adorateurs de Satan.
Dans le domaine politique, peu importe ce que tu dis, c'est ce que tu fais qui compte le plus. Ils disent la "chahada" ? Il y a pas mal d'agents du Mossad et de pas mal de services de renseignement occidentaux qui sont capables de tenir un discours religieux digne du Cheikh Kichk ou d'Oussama BenLaden, il n'en demeure pas que se sont des agents infiltrés. Un vrai croyant aurait commencé par dire la vérité et crier haut et fort que le peuple tunisien s'est soulevé parce ses droits fondamentaux ont été longtemps bafoué. Un vrai croyant n'est pas un opportuniste, qui chercherait à profiter de la vague de la colère populaire pour surfer dessus et faire passer son propre message. Dieu nous a ordonné d'user du bon sens dont il nous a doté, à l'exclusion de toutes ses autres créatures sur terre, et si nous ouvrons grand les yeux, on est bien obligé de constater que le peuple tunisien n'est pas sorti dans la rue pour réclamer la fin de la laïcité et l'établissement d'un Etat islamique en Tunisie, mais pour des revendications purement socio-économiques et politiques. Les Tunisiens veulent du travail pour les jeunes chômeurs, une meilleure distribution des richesses, plus de justice sociale, plus de liberté d'expression et de libertés publiques en général, une plus grande participation au processus de prise des décisions qui concernent l'avenir de leur nation. Si les barbus avaient mis ces revendications en début de leurs slogans, j'aurais été le premier à les soutenir et les encourager. Voyez l'AKP turc, sans remettre en cause la laïcité du système politique, il a axé son action sur le socio-économique avec le succès que l'on connaît. Les Islamistes turcs méritent tout le respect, non pas pour ce qu'ils disent, mais pour ce qu'ils font. Et eux n'ont jamais appelé au rétablissement de la "Khilafah". Le discours tenu par le barbu sur la vidéo postée par Barbaros sent l'arnaque à l'iranienne. Maintenant, tout le monde est au courant de l'enrichissement plus que douteux de pas mal de barons du régime des Ayatollahs, dont le fameux Hachémi Rafsanjani, devenu une des plus grandes fortunes d'Iran. L'Ayotallah Khaminei, la "Marjiâ", qui est pourtant son adversaire politique, a- t-il remis en cause cet enrichissement délictueux ? Non, jamais, ils se contentent de s'affronter pour le pouvoir. Encore une fois, des petits malins barbus cherchent à jouer sur les sentiments religieux des gens pour les rouler dans la farine. Car nos chers Islamistes se gardent bien de nous dire quel système socio-économique ont-ils l'intention de promouvoir. La référence aux principes d'égalité sociale intrinsèques à la religion musulmane est loin d'être suffisante, car toute la question est celle de savoir comment mettre en oeuvre ses principes ? On aura beau dire du libéralisme tout ce que l'on veut. Il y a eu des générations de penseurs pour en théoriser le mode de fonctionnement et de tester leur théories dans la réalité. De même pour le marxisme, même s'il n'a jamais été appliqué. Qui a théorisé le mode de fonctionnement de l'économie dite "islamiste" de nos temps ? Qui est l'Adam Smith ou le Karl Marx de l'économie islamiste ? Ce que l'on a vu en Iran depuis la révolution de 1975, c'est le remplacement d'une élite laïque corrompue par une autre élite, islamiste celle-ci, mais tout aussi corrompue. Mais au moins, les régimes laïques ne peuvent prétendre à nulle autre légitimité que celle qui émane du peuple. Que faire contre un régime qui prétend tirer sa légitimité de Dieu, du Coran et de la Chariâ quand il est corrompu ? S'opposer à lui revient explicitement à s'opposer à Dieu et sa religion Pas de "chahada" orale acceptable de la part d'un homme politique Les adorateurs de Satant adoptent souvent cette méthode. C'est son programme socio-économique et les garanties qu'il donne au peuple pour contester librement ses décisions d'être humain faillible et ayant ses propres intérêts à défendre, qui constituent la meilleure profession de foi (Chahada). Pour calculer 1+1=2, on a pas besoin de mobiliser la Chariâ. L'arithmétique a ses propres règles, qui ne sont pas celles de la Chariâ. Si quelqu'un mélange arithmétique et Chariâ, c'est qu'il cherche à rouler son vis à vis en voulant lui faire croire que 1+1=3
_________________
gigg00 Colonel-Major
messages : 2111 Inscrit le : 18/06/2008 Localisation : Kenitra-Venise Nationalité : Médailles de mérite :
Sujet: la révolte en Tunisie Sam 15 Jan - 14:47
Encore le "bou3ou" des partis islamiques FIS & compagnie..et alors ? qu'ils viennent et ils sont les bienvenue de ma part..vous croyez qu'un partie de matrice religieuse va changer les choses a coup de baguette magique ? vous croyez qu'ils peuvent fermer les banques et ruiner l'economie du pays..vous avez cru que le FIS algerien aller retirer ces milliards des banques states parqcequ'ils sont reba une fois au pouvoir..foutaises,les partis religieux font partie integrante du jeu politique..je crois en toi ,je te vote, en europe il y'en a des parties de matrice chretienne et coment ! ( le PDC italien qui a gouvernè pendant des annès a sans crier aux croisades )..le fait qu'on essaie de les stopper reflette une impuissance de la part des autres partis a offrire de mieux ,c'est tous..et c'est ca la catastrophe, je ne peux faire de mieux et l'autre va surement s'accabler le pouvoir, alors je vais le demoniser ( le hijab obligatoire a tous, les touristes qui vont nous fuire,el qaida..blabala ) la veritè c'est ca, au lieux de s'affirmer avec ces programmes et son travail au sein de la popolation et que le meilleur gagne dans un regime democratique ou persone n'est exclu on prefere les methodes simples de fouter la peur au coeur des gens, moins d'efforts et plus efficaces.
la meilleur façon de vaincre ses peurs est de les affronter, ce qu'on ne fait pas malheuresement au maghreb et on cherche de se voiler la face le musulman lambda aura tgrs la religion come dernier refuge pour resoudre ses problemes et c'est seulement qu'on laissons faire les choses que la santè poliqtiue d'un pays se met a nu et on peut après diagnostiquer nos maux et les guerire pas en fuyant de l'avant..laisoons les tunisiens affronter cette peur une fois peurs une fois pour toute, et qui le sait ? peutetre trouveront ils la formule guerissante a tous le maghreb.
c'est mon avis.
_________________
" "تِلكَ الدَّارُ الآخِرَةُ نَجْعَلُها لِلَّذينَ لا يُريدُونَ عُلُوًّا فِي الأَرْضِ ولا فَسَادًا"