Du projet d'accord entre le Maroc et la Russie, en matière de coopération nucléaire, on retient d'abord que l'essentiel de l'apport de Moscou prend la forme d'un transfert de savoir-faire mais aussi de formations de l'équipe marocaine de l'AMSSNuR. Le Desk révèle les 14 points formant l'accord conclu entre Moscou et Rabat
L'annonce a été faite ce mercredi par l'agence de presse russe TASS : alors même que les sanctions s’intensifient contre Moscou, en réaction à la guerre russo-ukrainienne, un accord de coopération nucléaire entre la Russie et le Maroc a été approuvé par la partie russe, concrétisant des efforts de coopération actés lors de la visite du Premier ministre de l'époque, Dmitri Medvedev, au Maroc.
L'approbation de l'accord coïncide, durant la même journée, avec l'audience accordée par le vice-ministre des Affaires étrangères à l'ambassadeur marocain à Moscou, Lotfi Bouchaara. La communication publiée à l'occasion précise bien que cette rencontre a eu lieu à la demande du Maroc.
Dans un contexte plus général, ce rapprochement entre la Russie et le Maroc intervient à un moment particulier pour Rabat : l'examen par le Conseil de sécurité, où la Russie siège et détient le pouvoir de véto, du rapport du secrétaire général des Nations Unies au sujet de la situation au Sahara occidental et la mission confiée à la Minurso. Il paraît évident que l'annonce de l'accord, même si rien ne prouve indéniablement qu'elle est à l'initiative du Maroc, devrait peser pour les intérêts marocains qui se satisferaient d’une position de neutralité de Moscou.
La Russie y voit également une opportunité pour confirmer que son influence diplomatique est toujours intacte notamment en Afrique et envers des pays comme le Maroc, ayant adopté une neutralité dans la guerre en Ukraine et ce malgré la pression et les sanctions occidentales.
Si le Maroc vient par ailleurs de voter à l’ONU en faveur de la résolution condamnant les référendums d'annexion russes en Ukraine, ce n’est qu’en cohérence à son opposition aux référendums sécessionnistes et selon sa ligne défendant l’intégrité territoriale des Nations.
Consulté par Le Desk, le projet d'accord comporte par ailleurs plusieurs allusions au rôle des diplomaties du Maroc et de la Russie. Sa concrétisation, même si l'exécution demeure réservée aux parties spécialisées en la matière, reste du ressort des départements des Affaires étrangères.
Du reste, on retiendra qu'il est essentiellement question d'un apport en matière de savoir-faire de la part de la partie russe pour renforcer les compétences marocaines, développer le rôle des autorités en charge de la question nucléaire, pour enfin pouvoir développer l'industrie de l'énergie nucléaire.
Au sujet des parties concernées, contrairement à ce qui a pu être déduit dans un premier temps, côté marocain, on cite tout d'abord le ministère de la Transition énergétique et de Développement durable, sous son appellation récente et dirigée par Leila Benali. De plus, aux côtés du département ministériel, c'est plutôt l'Agence Marocaine de Sûreté et de Sécurité Nucléaires et Radiologiques (AMSSNuR), se présentant sur son site internet comme étant l'établissement Public au Maroc chargé de la réglementation et du contrôle des activités des sources de rayonnements ionisants, et non le Centre National de l'Energie, des Sciences et des Techniques Nucléaires (CNESTEN).
Pour la Russie, elle est représentée par la société étatique Rosatom, épaulée cependant par le Service fédéral de surveillance écologique, technologique et nucléaire.
On signale par ailleurs, dans l'article 5, que l'accord entrera en vigueur à la date de sa réception par voie diplomatique de la dernière notification écrite de l'accomplissement par les parties des procédures internes nécessaires à son entrée en vigueur.
Plus de 14 domaines couverts par l'accord maroco-russe
Si dans le projet d'accord, on précise que les parties s'engagent à « développer et renforcer la coopération dans le domaine de l'utilisation de l'énergie atomiques à des fins pacifiques conformément aux besoins et aux priorités de leurs programmes nationaux », l'article 3 cite l'intégralité des domaines couverts par cette nouvelle coopération entre Rabat et Moscou.
L'article dispose que le premier domaine couvert porte sur l'assistance à la création et l'amélioration de l'infrastructure électronucléaire du Royaume du Maroc, y compris le système de régulation étatique de la sûreté conformément aux recommandations internationales ».
Le texte, dont Le Desk détient copie, mentionne aussi « la conception et construction d'énergie, de réacteurs nucléaires de recherche ainsi que d'usines de dessalement et d'accélérateurs de particules élémentaires ».
« L'exploration et la mise en valeur des gisements d'uranium » est aussi comprise, en plus d'une étude de la base des ressources minérales marocaines aux fins de développer l'industrie nucléaire du Royaume. Dans le projet d'accord, s'il venait à entrer en vigueur, la Russie s'engage aussi à « fournir des services du cycle du combustible nucléaire, y compris la fourniture de combustible nucléaire pour les réacteurs nucléaires de puissance et de recherche ». On ajoute aussi, parmi les domaines couverts, « la gestion du combustible nucléaire usé et des déchets radioactifs ».
Les deux parties devront aussi « assurer la sûreté nucléaire et radiologique, répondre aux situations d'urgence » et assurer la réglementation de cette sûreté nucléaire, en plus de superviser la protection physique des matières nucléaires, des installations nucléaires, des sources de rayonnement, des installations de stockage des matières nucléaires et substances et déchets radioactifs.
La mention de la formation du personnel marocain de l'AMSSNuR est également faite, tandis que la Russie devra par ailleurs aussi contribuer à l'utilisation des technologies nucléaires à des fins médicales, industrielles et aux fins spécifiques, mais aussi la production de radio-isotopes et leur application dans l'industrie, la médecine et l'agriculture. Enfin, on indique que d'autres domaines de coopération peuvent être convenus par écrit par les parties par la voie diplomatique.
Autant de domaines qui de coopération qui seront exécutés à travers différents moyens : formation de groupes de travail, échange d'experts, organisation de séminaires, aide à l'éducation et à la formation du personnel scientifique et technique, échange d'informations scientifiques et techniques ou encore fourniture d'équipements, de matériaux et composants.
L'article 8 dispose pour sa part qu'aucun transfert d'informations constituant un secret d'État de la Fédération de Russie et (ou) un secret d'État du Maroc n'est effectué, ajoutant qu'une procédure sera aussi mise en place pour la protection juridique des résultats de l'activité intellectuelle créée en commun dans le cadre de l'exécution de l'accord. Les brevets seront aussi bien déposés auprès de l'OMPIC, organe de protection de la propriété intellectuelle au Maroc, que de son homologue russe.
Enfin, on souligne bien, dans le 11ème article du texte, « qu'il n'y aura pas de transfert de technologies et d'installations pour le traitement chimique du combustible nucléaire irradié, l'enrichissement isotopique de l'uranium et la production d'eau lourde, de leurs principaux composants ou de tout article produit à partir de ceux-ci, ainsi que uranium avec un enrichissement de 20 pour cent ou plus dans l'isotope de l'uranium - 235, plutonium et eau lourde ».
Un accord confirmant les ambitions marocaines
Le projet d'accord, aujourd'hui rendu public, confirme les ambitions du Maroc de développer son industrie nucléaire. Pour cela, le Royaume a choisi dans un premier temps, du moins de ce qu'on sait pour l'heure, de recourir aux compétences de la Russie, malgré les sanctions imposées au niveau international.
Des compétences qui devront être formées, dans l'attente de voir un projet de centrale nucléaire se concrétiser. À Agadir, en marge du déploiement du programme de développement urbain 2020-2024, plusieurs sources concordantes assurent qu'un projet de centrale nucléaire est bel et bien dans le pipe.
Sa concrétisation devrait, selon nos sources, s'appuyer sur une puissance étrangère en mesure de fournir, à la fois compétences et savoir-faire, mais aussi pouvoir superviser la réalisation de l'unité industrielle.
En attendant, un rapport devrait être présenté durant cette année au Parlement, comme l'avait affirmé le ministre Leila Benali.
Le détail des 14 points de l'accord maroco-russe
1) L'assistance à la création et à l'amélioration de l'infrastructure électronucléaire du Royaume du Maroc, y compris le système de régulation étatique de la sûreté conformément
aux recommandations internationales
2) La conception et construction de réacteurs nucléaires de recherche, ainsi que les usines de dessalement et les accélérateurs de particules élémentaires
3) Exploration et mise en valeur des gisements d’uranium, étude de la base de ressources minérales du Royaume du Maroc aux fins du développement de son industrie nucléaire.
4) Fourniture de services du cycle de combustible nucléaire, y compris la fourniture de combustible nucléaire pour les réacteurs nucléaires de puissance et de recherche
5) La gestion du combustible nucléaire usé et des déchets radioactifs
6) Assurer la sûreté nucléaire et radiologique, répondre aux situations d’urgence
7) Réglementation de la sûreté nucléaire et radiologique, supervision de la protection physique des matières nucléaires, des installations nucléaires, des sources de rayonnements, des installations de stockage des matières nucléaires et substances radioactives, systèmes de comptabilité et de contrôle des matières nucléaires, des substances radioactives et des déchets radioactifs,
La recherche, développement et production de matériaux, composants et technologies pour les réacteurs nucléaires de puissance et de recherche, ainsi que les technologies de fabrication de métaux à haute résistance, la production et le contrôle qualité du combustible, des gaines, des absorbeurs, des modérateurs et d'autres éléments des réacteurs conformément aux dispositions du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires du 1er juillet 1968
9) L’utilisation de simulateurs pour la formation du personnel de l'industrie nucléaire, y compris pour les travaux sur les équipements à la demande avec du combustible nucléaire usé et des déchets radioactifs
10) La mise en œuvre de la recherche fondamentale et appliquée dans le domaine de l'utilisation de l'énergie atomique à des fins pacifiques
11) La production de radio-isotopes et leur application dans l'industrie, la médecine et l'agriculture
12) L’utilisation des technologies nucléaires et radiologiques à des fins médicales, industrielles et autres fins pacifiques
13) L’éducation, la formation et le recyclage des spécialistes de l'industrie nucléaire, y compris le personnel de l'organisme étatique de réglementation de la sûreté nucléaire et radiologique du Royaume du Maroc (AMSSNuR ndlr)
14) D’autres de coopération qui peuvent être convenus par écrit par les Parties par la voie diplomatique.