Actualités du Sahara Marocain

ENTRETIEN. Candidat aux législatives françaises à la 9ème circonscription des Français à l’étranger dont l'épicentre est le Maroc, Mehdi Reddad continue de s’opposer à Élisabeth Moreno, investie officiellement par la majorité présidentielle. Dans cet entretien, il dénonce le « parachutage » de son adversaire et revient sur les raisons de sa position et sur son soutien à l’ancien Premier ministre Édouard Philippe
Vous étiez vraisemblablement dans les petits papiers d’Édouard Philippe avant l’annonce de l’investiture d’Élisabeth Moreno en tant que candidate de la majorité présidentielle. Qu’est-ce qui n’a pas joué en votre faveur ?

C’est chaque fois la même histoire : les partis politiques décident très loin de nous, tout étant fait à Paris. Et nous essayons justement d’avoir notre poids ici pour que nous puissions être représentés par des gens de chez nous, des gens qui vivent notre quotidien, qui vivent au plus près de nos compatriotes et qui sont des Français établis hors de France.

Certes, j’ai beaucoup fait pour obtenir cette investiture officielle mais je me prépare depuis un moment et je suis cohérent par rapport à mon engagement. J’ai été référent de La République en marche (LREM) pendant quatre ans, j’ai structuré les comités de soutien au président de la République dans tout le Maghreb et, ayant été élu l’année dernière par mes compatriotes comme conseiller des Français à Casablanca, cela me donne une légitimité certaine. J’ai d’ailleurs été élu avec l’étiquette de la majorité présidentielle. J’ai apporté aussi, c’est important de le souligner, mon parrainage au président de la République.

Parachuter ainsi Élisabeth Moreno, à quelques heures de la fermeture des dépôts de candidature, montre l’intérêt que porte Paris aux Français établis hors de France. Contrairement à elle, j’avais préparé ma candidature bien avant. Une candidature, c’est quelque chose de lourd : assurer une logistique, mettre en place une stratégie, des comptes de campagne, se conformer aux exigences de la loi électorale… Cela ne s’improvise pas du jour au lendemain pour espérer représenter l’étranger.

Par ailleurs, je suis un enfant de cette circonscription, j’ai une société familiale qui existe depuis 50 ans et j’ai un ancrage local certain avec mon élection en tant que conseiller des Français, donc à l’opposé de ces touristes de la République qui viennent nous voir trois semaines avant les élections et qui repartent quelques jours après. Les Français ont besoin d’un député de proximité, quelqu’un qui connaisse leurs préoccupations. Combien de fois Mme Moreno ou monsieur Ben Cheikh (Karim Ben Cheikh, le candidat de Nupes, ndlr) sont venus dans cette circonscription ces dernières années ?

Contrairement à Ahmed Eddarraz, vous avez choisi de maintenir votre candidature face à d’Élisabeth Moreno, avec qui vous avez eu récemment une « longue discussion », selon ses dires. Ses arguments ne vous ont-ils pas convaincu ?

On a eu, en effet, une longue discussion. Je respecte Mme Moreno mais la question est de savoir si elle est la candidate légitime dans cette circonscription. Je lui ai expliqué que j’étais en campagne depuis de nombreuses semaines. D’autres candidats se sont retirés car ils n’étaient pas en campagne. Ils n’étaient pas ancrés sur le territoire et ils espéraient obtenir l’investiture officielle pour surfer dessus. Ma campagne est une campagne d’idées. Ça fait des années que j’y pense et ça fait des semaines que je la prépare. On a eu une discussion franche mais les dés étaient déjà lancés. Mme Moreno essaye d’appuyer du côté d’Horizons pour essayer de m’exclure mais je n’ai pas à être exclu étant donné que j’incarne une candidature légitime.

Vous vous présentez comme un soutien d’Édouard Philippe bien que la majorité présidentielle ait désigné quelqu’un d’autre, ce qui n’est pas sans créer de la confusion chez les électeurs…

Il faut être clair dans son engagement : je soutiens Édouard Philippe. Les Français ont le droit de savoir vers qui on va se tourner. Si les Français me font confiance, je rejoindrai le groupe Horizons à l’Assemblée nationale parce que je souhaite qu’Édouard Philippe prenne du poids dans le paysage politique français. Je soutiens l’action d’Édouard Philippe pour créer une nouvelle donne politique. Les Français ont le droit de le savoir. C’est légal et légitime.

Ce n’est pas l’avis d’Élisabeth Moreno, qui considère que c’est illégal étant donné que vous avez été exclu d’Horizons et qu’elle est la seule candidate de la majorité présidentielle.

Je ne mets pas en avant le logo d’Horizons. Je mets, ce qui est légal et légitime, mon soutien à l’action du président de la République et celle d’Édouard Philippe. On ne peut pas m’empêcher d’afficher un soutien. Édouard Philippe est contraint à des accords nationaux. Il n’a pas pu avoir l’espace qu’il voulait au niveau des circonscriptions aux législatives et je suis personnellement déçu du nombre des circonscriptions qu’il a pu obtenir. En tout cas, je n’ai pas été désavoué par Édouard Philippe.

Le 23 mai, la majorité présidentielle a pourtant diffusé un communiqué, cosigné par Édouard Philippe, au ton quelque peu menaçant : « Alors que certains cherchent à semer le doute, la majorité présidentielle est très claire : Élisabeth Moreno est sa seule candidate dans la circonscription. Elle est la seule qui s’inscrira pleinement dans notre action à l’Assemblée nationale et mettra ainsi en place le projet porté par Emmanuel Macron », indique le texte, qui met en garde les candidats qui continueraient à brandir leur appartenance à la majorité. Quelle lecture faites-vous de ce communiqué ?

On essaie de minimiser l’espace et la réelle capacité politique d’Édouard Philippe. Il aide des candidats en métropole. En tout cas il ne s’y oppose pas. Je ne suis pas désavoué par Édouard Philippe. Je le répète : il n’y a rien d’illégal à dire que je rejoindrai, en cas de victoire, la majorité présidentielle et non l’opposition.

Beaucoup ont l’impression que ces élections sont un duel entre vous et Élisabeth Moreno. Or, le candidat de la gauche, Karim Ben cheikh, a aussi de sérieuses chances de l’emporter…

Par rapport à 2017, on a au moins des candidats sérieux. Ce sont les journalistes qui créent un duel. Moi, je trace ma route avec mon histoire, mon storytelling, mon ancrage à Casablanca en tant qu’enfant de la neuvième circonscription et mon soutien à Édouard Philippe. Parce que je le soutiens et je renforcerai son groupe parlementaire à l’Assemblée nationale. Les électeurs doivent savoir où j’irai si je suis élu, c’est la moindre des choses. Ce qui m’intéresse, c’est le projet que j’ai avec l’ensemble de mes compatriotes qui sont installés dans le neuvième circonscription. Je souhaite porter ce projet pour les servir contrairement à ceux qui viennent trois semaines avant le vote pour se servir.

Depuis le début de votre campagne, vous êtes allé à la rencontre des électeurs dans plusieurs pays de la neuvième circonscription. Qu’est-ce qui se dégage de cette tournée ?

Il se dégage un engouement certain autour de ma candidature. Les Français ne sont pas dupes face à ces parachutages. Ils veulent des élus proches d’eux, des élus qui leur ressemblent. Ma candidature est celle des Français installés ici, qui vivent des problématiques précises et sur lesquelles je veux les accompagner. Je veux un gel immédiat des frais de scolarité, la suppression des frais d’inscription dans les écoles françaises, une retraite à 1 000 euros minimum… Il y a beaucoup de gens aussi qui me parlent de la question du Sahara marocain, et pas que des Franco-marocains

Alors que vous plaidez pour une reconnaissance par la France de la souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental, Moreno se contente de vanter la solidité et le sérieux du plan d’autonomie marocain. Pensez-vous que la France soit prête à franchir le pas ? Et que peut faire un député sur cette question ?

Je tiens d’abord à dire que c’est moi qui ai posé le sujet sur la table. Tous les candidats regardent ailleurs alors que le sujet est devant nous. Les relations entre la France et le Maroc sont uniques dans le monde. C’est très important de le dire. Quant au Sahara marocain, il ne s’agit pas d’un point de vue maroco-marocain. Il s’agit du lien entre la France et le Maroc, de la relation d’exception pour laquelle on a envie de participer et à renouveler. Un député a un rôle dans la diplomatie parlementaire qui lui permet d’agir sur ce sujet. Concrètement, je souhaite préparer une résolution dans un groupe de travail parlementaire avec d’autres députés, pas nécessairement de la même sensibilité politique, pour qu’il y ait un vote solennel à l’Assemblée nationale en faveur de la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur l’ensemble de son territoire. Je crois qu’avec cette force politique, on pourra influer sur la position diplomatique de la France. J’y crois fortement. Mais, pour cela, il faut du courage politique, de l’engagement et de la sincérité.

M’jid El Guerrab était aussi favorable à une reconnaissance par la France de la souveraineté du Maroc sur le Sahara mais il n’a pas réussi à faire ce que vous évoquez.

On est tous favorable à la marocanité du Sahara mais il faut des actes. Moi, je mets des actes sur mes mots. Je dis comment je vais le faire, avec ma détermination et mon énergie. Il faut absolument qu’on redonne de la dynamique et de l’envie entre la France et le Maroc. C’est la base pour repartir des discussions pour que la France s’aligne sur la position des États-Unis.

Inconnue jusqu’à peu du grand public, l’activiste sahraouie Sultana Khaya qui a quitté le Maroc pour les Iles Canaries le 1er juin, a été propulsée au-devant de la scène après la rupture du cessez-le-feu par le Polisario. Dépeinte comme militante pacifique par ses soutiens, la native de Boujdour n’hésite pourtant pas à inciter à l'usage des armes

Sultana Khaya est arrivée le 1 juin aux îles Canaries. L’information a été abondamment relayée par des médias espagnols et l’agence de presse officielle algérienne APS. « Sultana Jaya arrive aux îles Canaries après plus d’un an et demi d’arrestation illégale à son domicile par le Maroc », titrait entre autres le journal espagnol Politico.

Si elle était jusqu’à peu totalement inconnue au Maroc, l’activiste a régulièrement fait  parler d’elle ces derniers mois, y compris dans les médias nationaux. Car depuis deux ans, et plus précisément depuis la rupture du cessez-le-feu par le Polisario, celle qui se présente comme une « militante pour l’indépendance du Sahara occidental » mène une bataille de propagande dont les échos sont parvenus à certaines instances onusiennes.

En juillet 2021, l’Irlandaise Mary Lawlor, rapporteuse spéciale de l’ONU sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, a ainsi déclaré que l’activiste « aurait été harcelée à plusieurs reprises par les autorités marocaines. » C’est également au conditionnel qu’elle rapportait : « Au cours des sept derniers mois, les véhicules de police et de sécurité auraient bloqué l’accès à sa maison, empêchant sa famille de partir, et ses proches sont régulièrement dans l’incapacité de fournir des biens vitaux à sa santé. »

Évoquant une perquisition dont sa maison aurait fait l’objet « à deux reprises en 48 heures », Mary Lawlor ajoutait que Sultana Khaya et sa sœur « auraient été agressées physiquement et sexuellement par des policiers masqués, et leur frère aurait été agressé physiquement. » Des accusations intégralement démenties par l’ambassadeur représentant du Maroc auprès de l’Office des nations unies à Genève, Omar Zniber, qui avait demandé à la rapporteuse spéciale de « faire part également, publiquement, des éléments qui lui [avaient] été transmis et qui mettent en doute et démentent de façon catégorique les allégations ».

 

Trois mois plus tard, c’était au tour d’Amnesty International de dénoncer un viol qu’elle aurait subi en novembre de la part de « membres des forces de sécurité marocaines ».

« Quatre des agents des forces de sécurité ont maintenu au sol et immobilisé Sultana Khaya, l’un deux a plaqué sa main sur sa bouche et un autre a appuyé sa cheville contre son flanc, ouvert le bas de sa robe traditionnelle et l’a violée en introduisant quatre doigts dans son vagin pendant une vingtaine de minutes », indique l’organisation dans une lettre adressée à Aziz Akhannouch, sur la foi des témoignages de Sultana Khaya elle-même et de sœur Waara.

Un entrainement au maniement des armes à Tindouf

Il faut dire que ses « faits d’armes » ne sont souvent racontés que par des soutiens invétérés du Polisario, eux-mêmes fondés sur les propres témoignages de Sultana Khaya. C’est elle, par exemple, qui dit avoir perdu l’usage de son œil droit en 2007 à la suite d’une supposée agression policière à l’université Cadi Ayyad, accusation largement reprise depuis, y compris par la rapporteuse spéciale de l’ONU pour les droits de l’Homme. « Elle aurait été harcelée à plusieurs reprises par les autorités marocaines et aurait perdu un œil suite à l’agression d’un policier en 2007 », indiquait le communiqué du 1er juillet.

Présidente la « Ligue pour la défense des droits de l’homme et la protection des ressources naturelles au Sahara », la native de Boujdour a été propulsée au-devant de la scène après la rupture par le Polisario du cessez-le-feu et la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental.

À en croire Amnesty International, Sultana Khaya serait ainsi « connue pour militer haut et fort, de façon pacifique, afin d’obtenir que le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination soit respecté. »

Mais ce caractère pacifique est contredit par les propos tenus par cette membre de l’ « Instance sahraouie contre l’occupation marocaine ». Dans plusieurs vidéos, on la voit tantôt agiter, de sa fenêtre ou sur le toit de sa maison, le drapeau de la « RASD » sur fond de chants guerriers, tantôt « défier les policiers marocains », selon ses mots, saluant au passage « les combattants de l’APLS (armée populaire de libération sahraouie, ndlr) », appelés à « arracher la liberté avec les armes ».

Le représentant permanent du Maroc aux Nations unies la dépeint de son côté comme « agent formée à prendre les armes » et « une fausse militante sahraouie » dont userait l’Algérie dans le but « d’attirer la compassion des défenseurs des droits de l’Homme ». « Sultana Khaya a participé à plusieurs cours et exercices militaires dans les camps de Tindouf en Algérie. Elle a dernièrement appelé et continue d’inciter à la violence armée contre les civils au Sahara marocain », soulignait-il.

« Sultana Khaya qui réside au Maroc qui a pour habitude de parcourir le monde, invitée à des congrès et des événements tous frais payés pour répandre la propagande séparatiste a pour fonds de commerce son corps, qu’elle n’hésite pas à mutiler pour prétendre des agressions », avait déclaré en novembre dernier le diplomate, situant ses accusations de violences et de viol à « la révélation de l’affaire de Brahim Ghali », intervenue quelques jours plus tôt.

« Sa mission : organiser des manifestations violentes »

Assignée à résidence jusqu’à son départ en Espagne, Sultana Khaya a pu compter sur de nombreuses organisations pro-Polisario. Parmi elles : « Just Visit Western Sahara », dont trois activistes américains ont tenté de lui rendre visite pour « briser le siège » avant d’être refoulés.

L’activiste séparatiste accueillait déjà, depuis le 16 mars, deux ressortissants américains : Ruth McDonough, institutrice, et Tim Pluta, ancien soldat, dont la présence, affirment-ils, avait pour but de « médiatiser la lutte de Khaya ». Aucune agression de la part des forces de l’ordre n’a eu lieu durant leur séjour.

Pour Omar Hilale, l’assignation à résidence s’explique par le fait que « la prétendue activiste » a pour « mission de se poser en victime et d’organiser des manifestations violentes contre les forces de l’ordre et menaçant la sécurité de l’État et l’intégrité territoriale du Maroc dans ses provinces du Sud », balayant les accusations de violence à son encontre.

Sultana Khaya a demandé la semaine dernière le renouvellement de son passeport, une demande à laquelle les autorités ont accédé, ce qui lui a permis de s’envoler « pour des raisons sanitaires » vers les îles Canaries depuis l’aéroport Hassan 1er à Laâyoune.