Les États-Unis réfléchissent à un autre emplacement pour cet exercice militaire annuel organisé depuis dix-huit ans en partie sur le sol marocain. Explications.
« Nous recherchons d’autres endroits où organiser, en partie ou entièrement, les prochains exercices militaires African Lion« , a annoncé le général Townsend, le 26 juillet. À l’occasion de la fin de son mandat, le commandant des activités militaires américaines en Afrique (Africom) a ainsi évoqué le départ de l’exercice militaire African Lion du Maroc.
Depuis leur création en 2004, ces manœuvres se déroulent en coopération avec le royaume chérifien. Mais la question du Sahara occidental a semé la discorde au sein du pouvoir législatif américain. Le Congrès a conditionné la poursuite au Maroc de l’African Lion à l’évolution du conflit.
L’exercice militaire multilatéral, dont la 18e édition s’est déroulée en juin, est le plus important organisé par l’Africom sur le continent. Conduit par le département américain de la Défense, il réunit des pays africains et non-africains, ainsi que des organisations internationales.
L’édition 2022 de l’African Lion a notamment rassemblé le Maroc, la Tunisie et les États-Unis, mais aussi l’Otan et le Brésil. Pour la première fois, Israël était représenté parmi les pays observateurs. L’essentiel des exercices s’est déroulé sur le territoire marocain, avec quelques manœuvres en Tunisie, au Sénégal et au Ghana.
Raison de cette mesure évoquée par le général Townsend, la loi de finances américaine 2022, poussant le ministère de la Défense à « envisager de diversifier l’exercice, et par diversification de l’exercice, envisager de déplacer l’exercice ou des éléments de l’exercice vers d’autres régions du continent ». Contacté par JA, le département de la Défense n’a pas donné d’indications complémentaires sur le lieu où se déroulera le prochain African Lion.
Une initiative du CongrèsLa loi de finances américaine pour l’année 2022 comprend une section réservée à la « limitation du soutien aux forces militaires du royaume du Maroc pour des exercices multilatéraux » dans la partie consacrée aux affaires étrangères.
Ce document indique que les fonds réservés à ce type d’exercice ne peuvent être utilisés, « à moins que le secrétaire à la Défense détermine, après consultation du secrétaire d’État, que le royaume du Maroc s’efforce de trouver une solution mutuelle politiquement acceptable au Sahara occidental ».
La note jointe à la loi de finances, publiée par la Chambre des représentants, apporte des précisions sur cette décision, qui se rapporte à un projet de loi déposé par le Congrès en septembre 2021.
C’est le Sénat – chambre haute – qui conditionne le déblocage des fonds prévus à une évolution de la situation sur le terrain. « Nous croyons que la paix au Sahara occidental est dans l’intérêt national », indique ainsi la déclaration, qui se garde de revenir sur la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté marocaine sur le territoire.
La délocalisation de l’African Lion répondrait donc à une demande du pouvoir législatif américain. Contacté par Jeune Afrique, le porte-parole de l’Africom corrobore l’origine de cette mesure : « Aux États-Unis, nos représentants civils élus contrôlent nos militaires et nous explorons des alternatives pour les lieux d’exercices multilatéraux, incluant l’African Lion. »
Comme le général Townsend plus tôt, l’Africom a insisté sur la continuité de la coopération militaire entre les deux pays. « Le Maroc demeure un important partenaire de l’armée américaine et nous nous réjouissons de travailler avec lui à l’avenir, sur l’African Lion et les divers autres événements auxquels nous participons ensemble. » Il n’est donc pas question du retrait définitif du Maroc.
Passer outreLa loi de finances énonce toutefois que le secrétaire à la Défense peut autoriser le déroulement de l’African Lion au Maroc si la tenue de l’exercice « est importante pour les intérêts de sécurité nationale des États-Unis ». Un moyen pour l’exécutif de passer outre les dispositions du Sénat.
« Même si les membres du Congrès ont un droit de regard sur la conduite de la politique étrangère américaine, leur pouvoir est limité quand il s’agit de sa mise en œuvre », indique Samir Bennis, analyste politique et consultant à Washington. « Le président dispose de certaines dérogations pour passer outre les décisions du Congrès », ajoute-t-il.
Quelques jours auparavant, le sénateur républicain James Inhofe était intervenu à Washington pour s’opposer à la tenue de la prochaine édition au Maroc. « Les autorités marocaines n’ont rien fait pour réparer les préjudices causés à la population sahraouie après toutes ces années, et n’ont pas non plus montré leur sérieux dans leur résolution de cette crise », a déclaré l’élu de l’Oklahoma le 21 juillet.
Le sénateur américain est connu pour son opposition à la position des États-Unis sur le Sahara et pour sa proximité avec l’Algérie. Il affirme avoir appuyé le déplacement de l’African Lion auprès du ministère américain de la Défense.
Pour Samir Bennis, une délocalisation complète n’est pas envisageable, du moins pas pour la prochaine édition. L’analyste refuse de faire le lien avec un quelconque refroidissement des relations entre les deux pays : « Joe Biden a traité le conflit du Sahara avec beaucoup de prudence. L’administration n’est pas revenue sur la décision prise par Donald Trump, même si Joe Biden s’est assuré ne prendre aucune autre mesure susceptible de s’aliéner l’aile progressiste du parti démocrate. »
Le général Michael Langley prendra prochainement la succession du général Stephen Townsend à Stuttgart (Allemagne) à la tête de l’Africom.