Les stéréotypes sur le royaume ont la vie dure en Occident. À la grande colère des internautes marocains qui n’ont pas manqué de réagir, notamment à l’égard de la France.
Depuis la sortie, le 4 novembre, de son nouvel album, co-signé par le Britannique 21 Savage, le rappeur canadien Drake est sous le feu des critiques des internautes marocains. En cause, les paroles du morceau Jumbotron Shit Poppin, jugées insultantes envers les femmes du royaume chérifien. À raison, puisque la superstar nord-américaine évoque nommément les Marocaines avec une misogynie très assumée. « Thick Moroccan bitch, this is my fav’, I’ma go on and beat it », déclame-t-il dans ce morceau. Soit, littéralement, « une grosse salope marocaine, c’est ce que je préfère, je vais y aller et me la taper. »
De quoi scandaliser la Toile marocaine, qui appelle à signaler le rappeur avec le hashtag
#BoycottDrake pour ses « propos insultants et dégradants sur la femme marocaine », et à « respecter » le royaume chérifien. « Je déteste Drake. Pourquoi contribuer à la sexualisation des femmes marocaines ? Laisse-nous tranquilles », s’indigne une internaute dans un Tweet, le 5 novembre.
Des polémiques de plus en plus fréquentesLa même semaine, c’est une vidéo française qui a suscité les foudres de nombreux Marocains. Avec de nouveau les femmes au centre de la polémique, où se mêlent racisme latent et sexisme. L’extrait en question est tiré de la dernière saison des Kassos, une série comique produite par Canal+ depuis 2013 et relancée en 2022 après plusieurs années d’arrêt, dans laquelle des personnages de la pop culture défilent dans le bureau d’une assistante sociale.
L’épisode 91, Naroute Contendeurs, met en scène les protagonistes du célèbre manga japonais Naruto se défiant sur des duels de rap. « Ta petite mère la sorcière marocaine, je lui fais du sale comme Hinata contre Pain », déclame l’un d’eux, en référence à un arc narratif du manga. Un mois après la sortie de l’épisode, le hashtag
#BoycottCanal pullule sur le réseau social fraîchement racheté par Elon Musk, les usagers se focalisant cette fois sur le racisme véhiculé plus que sur la misogynie.
« Les personnes choquées par cette vanne, alors que les Kassos taillent littéralement tout le monde depuis des années, sont les mêmes qui rigolent devant le Marrakech du rire [MDR], bande d’acteurs », proteste un internaute, le 1er novembre, en référence au festival annuel organisé par Jamel Debbouze.
La dixième édition du MDR, qui a eu lieu du 15 au 18 juin 2022, avait elle aussi déclenché une vague de critiques. Le sketch de l’humoriste français Paul Mirabel, très acclamé lors de son passage, évoquait notamment la médina de Marrakech et les habituelles plaisanteries sur les vols, le commerce et les taxis marocains.
« Il y a un vendeur qui m’a vendu une lampe, il m’a dit : “Si tu frottes, il y a un génie qui apparaît”. J’ai frotté, il n’y a rien qui est apparu », ironise Paul Mirabel, référence au conte d’Aladdin narré dans Les Mille et Une nuits, popularisé par le long-métrage de Disney en 1992.
« Fatiguant le Marrakech du rire, sérieux, c’est rempli de clichés qu’on combat au quotidien. […] Des vannes sur la Royal Air Maroc, l’accent arabe… », dénonce un internaute dans un tweet publié le 22 juillet. « Aujourd’hui, les pays du Maghreb ont évolué, la jeunesse explose les records de jeunes médecins et ingénieurs… », poursuit-il en condamnant des « schémas humoristiques » similaires depuis plusieurs décennies. L’utilisateur appelle le fondateur du festival, Jamel Debbouze, à « moderniser » le contenu des sketchs.
Cristallisation des tensions franco-marocainesPlus tranchant, un autre internaute fait le lien avec le regard des Français sur le Maroc. « Le Marrakech du rire, ce festival taillé sur mesure pour assouvir les fantasmes de Français blancs en se servant de leurs Beurs en mal d’identité », assène-t-il le 20 juillet. Derrière ces polémiques successives, on retrouve une animosité contre les clichés véhiculés par les Français, reflet de relations bilatérales dégradées.
Le sentiment anti-français qui se dégage des réseaux sociaux, notamment dans le cadre de ces controverses, illustre la dégradation de la relation. La France n’a plus de représentation diplomatique au Maroc depuis le départ de l’ambassadrice de France à Rabat, Hélène Le Gal, en septembre. Idem pour le royaume depuis le départ de son homologue marocain à Paris, Mohammed Benchaâboun, en octobre.
Le roi Mohammed VI s’est entretenu avec le chef de l’État français le 1er novembre pour la première fois depuis plusieurs mois. A notamment été évoquée à cette occasion la visite à venir d’Emmanuel Macron à Rabat, annoncée par le président lui-même au détour d’une conversation avec des passants pour fin octobre 2022. Et qu’on attend toujours…