Reconduit le 7 octobre à la tête des Affaires étrangères, le ministre travaille avec des hommes et des femmes de confiance, dont certains s’activent plus discrètement que d’autres.Reconnaissance américaine de la souveraineté du royaume sur le Sahara, reprise des relations avec Israël, retour du Maroc à l’Union africaine (UA), changement des rapports de force avec l’Europe, ouverture de consulats d’une vingtaine de pays au Sahara… ces dernières années, Nasser Bourita a été sur le devant de la scène.
Reconduit le 7 octobre à la tête des Affaires étrangères, l’un des appareils diplomatiques les plus actifs du continent, l’homme est devenu une figure médiatique et diplomatique incontournable, aussi bien au Maroc qu’à l’international. À 52 ans, ce natif de Taounate est un pur produit de son ministère, où il a gravi tous les échelons.
Connu pour être un gros travailleur solitaire, Nasser Bourita s’appuie néanmoins au quotidien sur une solide équipe au service de la nouvelle doctrine diplomatique du royaume, décomplexée et affirmative. « C’est quelqu’un qui travaille seul. Il s’appuie surtout sur des hommes et des femmes de confiance dans plusieurs dossiers, dont certains sont visibles et d’autres invisibles », nous confie un fin connaisseur du ministère.
S’il sait donner leur chance à de nouveaux visages pour préparer la relève comme le veut la coutume au sein du MAE, le ministre compte également sur des gros calibres de la diplomatie marocaine, qui lui apportent à la fois leur expertise, mais aussi leur appui dans les capitales et institutions stratégiques où le Maroc œuvre à défendre ses causes nationales.
Fouad YazourhNé en 1965, Fouad Yazourh a longtemps servi aux côtés de Nasser Bourita à la direction de la communication, sous les ordres des précédents chefs de la diplomatie, Mohamed Benaïssa et Taïeb Fassi Fihri. Hispanophone, il a été pendant plusieurs années le numéro deux de l’ambassade du Maroc à Madrid, ainsi qu’ambassadeur du royaume en Argentine.
Devenu ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita l’a nommé en janvier 2018 ambassadeur directeur général des relations bilatérales. Un poste stratégique qui chapeaute tout le volet exécutif du ministère et gère la « machine » et ses nombreux fonctionnaires.
Sami MarrakchiFidèle parmi les fidèles, Sami Marrakchi est le chef du cabinet de Nasser Bourita, à ses côtés depuis 2016 lorsque ce dernier était encore ministre délégué. Juriste de formation, il a débuté sa carrière en 2002 à la direction des Affaires juridiques et des traités du même ministère.
Après un passage par la mission permanente du royaume à l’ONU, à New York, entre 2005 et 2009, ainsi qu’à Bruxelles, comme conseiller politique en charge des relations avec le Parlement européen, il est revenu à la maison-mère à partir de 2012, où il a notamment été en charge de la division des Affaires juridiques. Homme de dossiers, travailleur et perfectionniste, il est considéré comme l’une des éminences grises des Affaires étrangères.
Mohamed El BasriAmbassadeur-directeur des Affaires consulaires et sociales, Mohamed El Basri est en charge de tout ce qui concerne la communauté marocaine à l’étranger. Ainsi, c’est lui qui était au-devant de la scène pour résoudre la situation des Marocains bloqués aux quatre coins du monde après la fermeture des frontières au début de la crise due à la pandémie de Covid-19.
Un dossier délicat, mais qui ne fait pas peur à ce diplomate chevronné, lequel a été durant de longues années consul général du royaume à Rome et à Naples – il parle d’ailleurs couramment italien (en plus de l’arabe, du français et de l’anglais). Né en 1964 à Casablanca, il est entré aux Affaires étrangères dès la fin de ses études, à la fin des années 1980, presque en même temps que Nasser Bourita.
Mohamed Methqal Ambassadeur-directeur de l’Agence marocaine de coopération internationale, Mohamed Methqal s’active pour mener à bien sa mission. Gros travailleur, il incarne cette nouvelle génération de diplomates, à la fois très conscients des enjeux politiques, économiques et géostratégiques du royaume sur le grand échiquier géopolitique, et très connectés avec le terrain.
Fils de feu le général Abdelghani Methqal, le médecin du défunt roi Hassan II et de Mohammed VI, cet ingénieur, diplômé de l’École polytechnique de Lausanne, a débuté sa carrière comme consultant en stratégie et en management dans des cabinets de conseil internationaux basés à Paris. Il conseille alors des entreprises et des investisseurs sur des projets stratégiques au Maroc et dans les pays africains.
Mais, patriote, il renonce à ce parcours tout tracé pour servir son pays. C’est ainsi qu’il travaille à partir de 2010 aux côtés de Salaheddine Mezouar, en tant que conseiller au ministère de l’Économie, avant de rejoindre le département des Affaires étrangères en 2013 comme conseiller économique – toujours avec Mezouar.
Très engagé et dévoué à la cause du Sahara marocain, il fait partie de ceux qui ont été bousculés en 2017 à Maputo (Mozambique) – avec Nasser Bourita (alors ministre délégué) – par des hommes en treillis, après avoir protesté contre la présence d’une délégation du Polisario.
Omar HilaleSurnommé le « bulldozer » ou le « pittbull » du Maroc par ses détracteurs, le représentant permanent du Maroc auprès des Nations unies est un atout majeur de la diplomatie marocaine. Maîtrisant parfaitement les rouages de l’ONU, il défend avec ferveur la cause du Sahara depuis plusieurs années, et ne laisse rien passer des manœuvres du Polisario ou de l’Algérie dans les coulisses du Conseil de sécurité, auxquelles il répond par des missives officielles ou par des déclarations médiatiques dès lors qu’il estime qu’elles portent atteinte aux intérêts du royaume.
Né en 1951 à Agadir, il est passé par l’ambassade du Maroc à Alger en début de carrière, et a longtemps été représentant permanent du royaume à Genève. Méticuleux et perfectionniste, ce diplomate très respecté par ses pairs maîtrise sur le bout des doigts le dossier du Sahara, essentiel pour le Maroc. Il était d’ailleurs aux premières loges lors de la genèse du conflit.
Omar Zniber Représentant permanent du Maroc auprès des Nations unies à Genève depuis 2017, Omar Zniber s’illustre régulièrement par ses propos très « directs » contre l’Algérie. Début juillet, alors qu’il participait avec la délégation marocaine à un débat au titre du Dialogue interactif avec le rapporteur spécial sur la liberté d’expression et de rassemblement, il a dénoncé les manœuvres du représentant algérien au Conseil des droits de l’homme, pointant une « fixation pathologique de l’Algérie envers le Maroc ».
Malgré les réactions indignées côté algérien, ce poids lourd de la diplomatie marocaine, né en 1956, est resté imperturbable, déterminé à défendre la position du royaume. Pour ce fils de nationaliste et signataire du Manifeste de l’indépendance Tahar Zniber – lui-même fils de l’érudit Abu Bakr Zniber – , tout cela n’était finalement que de la « routine », lui qui a une longue carrière derrière lui aux Affaires étrangères, où il a occupé des postes stratégiques comme celui d’ambassadeur à Berlin.
Lalla Joumala AlaouiAux États-Unis, le Maroc détient une carte maîtresse, en la personne de Lalla Joumala Alaoui. L’ambassadrice du royaume à Washington est une diplomate au « sang bleu » : elle est la fille de Lalla Fatima Zahra, sœur de Hassan II, et du cousin de celui-ci, Moulay Ali – l’un des plus chers et les plus proches du défunt roi (ils ont tissé des liens très forts durant les années d’exil à Madagascar, où ce neveu de Mohammed V a volontairement choisi de venir, en soutien à la famille). Moulay Ali a notamment été ambassadeur du Maroc à Paris dans les années 1960.
La princesse, qui est donc la cousine de Mohammed VI, est très appréciée du monarque pour son engagement et sa discrétion. Elle a été, durant de longues années, ambassadrice du royaume au Royaume-Uni, pays où elle a fait ses études et où elle possède un réseau très important – les réceptions de la représentation diplomatique de Queens Gate Gardens étaient courues par tout le gotha et l’aristocratie anglaise. À l’origine de la British Moroccan Society, elle œuvre beaucoup pour le développement des liens entre le royaume et le monde anglo-saxon.
C’est sous son mandat que le Maroc parvient à obtenir la reconnaissance américaine de la marocanité du Sahara. Une avancée où elle a été pour beaucoup, au vu des liens étroits qui la lient au roi et à la haute sphère du pouvoir à Washington.
Karima BenyaichNée en 1961 à Tétouan, cette diplomate de carrière est la fille du docteur Fadel Benyaich, médecin et chirurgien personnel de feu Hassan II, tué lors de la tentative de coup d’État de Skhirat en juillet 1971. Ambassadrice du royaume à Madrid depuis 2017, Karima Benyaich incarne ce nouveau Maroc à la diplomatie affirmée et décomplexée. Port de tête altier, regard fier, cette diplomate de carrière s’est particulièrement distinguée par ses sorties flamboyantes lors de la récente crise entre Rabat et Madrid mi-avril, à la suite de l’accueil de Brahim Ghali, chef du Polisario, en Espagne.
Langage corporel volontaire, maîtrise parfaite de l’espagnol, ton ferme : très largement partagée sur les réseaux sociaux, les vidéos de ses interventions ont marqué les esprits et ont valu à l’ambassadrice le surnom de « dame de fer » dans la presse espagnole.
« Karima Benyaich a certes une main de fer, mais dans un gant de velours, précisent ses collègues diplomates. Le caractère sérieux et tranchant de madame l’ambassadrice va de pair avec sa courtoisie, sa force de travail et sa disponibilité. »
Jusque-là méconnue du grand public, elle est sous les feux des projecteurs depuis le déclenchement de la crise diplomatique entre les deux pays.
Youssef El AmraniPour le représenter à Prétoria, capitale de l’Afrique du Sud, pays hostile aux causes nationales, le roi Mohammed VI a choisi une grosse pointure de la diplomatie marocaine en la personne de Youssef El Amrani, qui était jusque-là chargé de mission au Palais royal. Dans ce pays, il essaie de faire du lobbying pro-Maroc et d’inverser l’image qu’ont les décideurs et les leaders d’opinion sud-africains sur le royaume. Parlant plusieurs langues (arabe, français, anglais et espagnol), il est un enfant du ministère des Affaires étrangères, où il a gravi tous les échelons.
Il a été d’abord ambassadeur du Maroc dans plusieurs pays d’Amérique latine (Colombie, Équateur, Panama, Chili, Mexique, Guatemala, Salvador, Costa Rica, Nicaragua…), avant de rentrer au pays pour prendre le très stratégique poste de secrétaire général des Affaires étrangères entre 2008 et 2011.
Sous le gouvernement d’Abdelilah Benkirane, il apparaît dans la liste des ministrables et est nommé ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, encadrant et accompagnant les nouveaux membres du gouvernement politisés de ce département, Saâdeddine El Othmani notamment. En 2013, le palais le repêche et il entre au cabinet royal en tant que chargé de mission, une fonction qu’il a occupée jusqu’à sa nomination à Pretoria.
« El Omrani est un grand diplomate, un vrai connaisseur des relations internationales, des us et coutumes du métier. Il a aussi beaucoup d’humour. En peu de temps, il a pu nouer des amitiés avec de grandes personnalités en Afrique du Sud. Personne ne doute qu’il réussira dans sa mission délicate de faire ranger ce grand pays du continent dans le camp marocain. Une tâche qu’il a pu réussir en Amérique Latine au firmament de la guerre froide et de l’alignement de ces pays sur l’Algérie et le camp soviétique », nous confie un ancien diplomate marocain.
Youssef El Amrani est également l’époux de l’islamologue et féministe Asma Lamrabet.
Mohamed ArrouchiLe représentant permanent du Maroc à l’UA est un fin connaisseur des questions multilatérales. Chargé par le monarque de diriger l’action diplomatique du royaume au sein de l’organisation panafricaine – que le Maroc a réintégré en janvier 2017 –, Mohamed Arrouchi est un pur produit des Affaires étrangères, où il a mené toute sa carrière. Tangérois de naissance et fils de militaire, il a intégré le ministère en 1988, après un cursus universitaire en linguistique et littérature anglaise.
Passé par l’office des Nations unies à Vienne, puis par la représentation permanente du Maroc à l’ONU, à New York, il a été particulièrement chargé du suivi du groupe africain au sein de l’organisation. Avant d’être nommé à l’UA, il était consul général à Strasbourg. Désormais, c’est l’homme du royaume à l’UA, organisation où le Maroc a fait un retour tonitruant et où il essaie d’assoir la nouvelle doctrine du pays sur le continent.