Diplomatie marocaine - Relations internationales

Le Maroc est un petit pays. L’examen annuel du dossier du Sahara par le Conseil de sécurité de l’ONU nous le rappelle. Chaque année, la politique du Maroc sur une partie de son territoire est disséquée et les mouvements de nos armées examinés par des diplomates venus de Paris, Madrid ou Washington. Il s’agit d’une période particulièrement critique pour nos diplomates, qui doivent prêter attention à chaque signal dévoilant les lignes de ces capitales, même si elles sont, généralement, connues d’avance.

“L’attitude de Moscou est l’une des plus difficiles à analyser pour 
les diplomates Marocains”

Ainsi, la relation maroco-américaine s’est traduite, ces dernières années, par une consultation constante au sujet du phrasé des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité. Du côté de l’avenue Franklin Roosevelt, à Rabat, les positions de certains pays comme la France ou encore l’Espagne (deux autres acteurs clés du dossier) sont également “prévisibles”, et ce malgré quelques secousses diplomatiques. Mais l’attitude de Moscou est sans doute l’une des plus difficiles à analyser pour les diplomates marocains.

Car les prises de position du pays de Vladimir Poutine sur ce dossier sont volatiles. Du temps de l’administration Obama, la Russie avait usé de son pouvoir pour empêcher l’ajout d’une mission d’observation des droits de l’homme au mandat de la Minurso. Une position qui s’appuie sur un historique, puisque Moscou s’oppose traditionnellement à toute observation du respect des droits humains par les missions onusiennes. Le point d’orgue de l’entente Rabat-Moscou étant sans doute la visite effectuée par Mohammed VI à Moscou en 2016.

Mais le Maroc s’est ensuite rapproché des puissances occidentales. Les projets de résolution se sont montrés davantage favorables à Rabat, et la Russie semble mal le digérer. Depuis, Moscou agit en bloquant avec véhémence ces projets de résolution et en parvenant parfois à nuancer certaines phrases que le Maroc aurait pu considérer comme des acquis diplomatiques.

Durant d’autres examens du dossier, l’opposition russe s’est aussi manifestée sous forme d’abstention. Une manière (silencieuse) de s’opposer aux récentes évolutions favorables au Maroc, car le recours au droit de veto pour dire “niet” signifierait un arrêt pur et simple de la Minurso.

Cette année, le mécontentement russe s’est manifesté par un nouveau report du vote de la résolution relative à la Minurso. Initialement prévu le 27 octobre, le vote n’aura finalement lieu que deux jours plus tard. Et ce mécontentement serait causé par un nouveau projet de résolution condamnant implicitement le Polisario pour avoir rompu le cessez-le-feu. Autre raison : l’inclusion de l’Algérie dans un projet de tables rondes sur le Sahara, qui en ferait de facto l’un des acteurs du dossier.

De prime abord, la position russe pourrait s’expliquer par la proximité entre Alger et Moscou, l’un des premiers fournisseurs d’armes de l’armée algérienne. Une entente aux racines socialistes puisque l’Algérie postindépendance s’était ralliée au camp de l’Est durant la Guerre froide lorsque le Maroc avait fait le choix de l’Occident. Mais la seule “entente” entre Moscou et Alger n’explique pas à elle seule le positionnement russe sur le dossier du Sahara.

Du côté de Moscou, c’est l’ajout du mot “réalisme”, lorsqu’il s’agit d’évoquer la résolution du conflit du Sahara, qui dérange. Et, surtout, le fait que cet ajout soit d’origine américaine. “L’ajout d’un tel mot est une invitation au doute. Comment définit-on le réalisme ? Cela peut avoir un impact dangereux sur d’autres dossiers”, nous confiait il y a quelques mois un diplomate russe.

Comprendre : si le “réalisme” s’applique à ce dossier, comment s’appliquera-t-il à d’autres, comme le dossier syrien par exemple, dans lequel Moscou est partie prenante? Pour la Russie, le monde est un échiquier où le dossier du Sahara n’est qu’un pion qui peut être facilement sacrifié pour déstabiliser l’adversaire américain. Quoi de plus naturel pour un pays qui a élevé les échecs au rang de sport national?