Rappel du premier message :
Course à l’armement au Maghreb
En réaction au contrat d’armes entre l’Algérie et la Russie du Printemps 2006, le Maroc ambitionne d’acquérir 18 avions Rafale dernier cri auprès du constructeur français Dassault. Ce processus de modernisation de l’aviation militaire royale est rendu possible grâce à l’appui financier de l’Arabie Saoudite.
Le renforcement du système algérien de défense aérien grâce à l’acquisition d’une soixantaine d’avions de combat russes modernes et puissants – 28 Sukkoi 30 et 37 chasseurs Mig 29- ne laisse pas indifférent son voisin de l’Ouest. Le Maroc voit d’un mauvais oeil ce partenariat stratégique, conclu en 2001, entre les présidents Vladimir Poutine et Abdelaziz Bouteflika. Le royaume chérifien perçoit clairement cet arsenal, qu’il soupçonne pouvoir être dirigé contre lui, comme une menace pour sa sécurité et entend bien combler ce déséquilibre militaire. Rabat serait sur le point d’acquérir 18 avions, de type Rafale, dernière génération. Avions polyvalents de pointe, les Rafale servent à la fois d’intercepteurs tactiques et d’avions d’attaque au sol ou en mer. Ils sont notamment appréciés pour leur grande autonomie en matière de kérosène, et se distinguent par leur discrétion. Difficilement repérables sur les radars, ils volent dans toutes les conditions climatiques et à toute altitude. En se dotant de ces avions Hi-Tech, le Maroc a fait le choix de miser sur un équipement militaire ultraperformant, privilégiant la qualité à la quantité.
Le Maroc sollicite la force de frappe financière saoudienne
Ce contrat, assuré par la compagnie française Dassault Aviation, est évalué à 2,5 milliards d’euros - soit l’équivalent du contrat passé entre l’Algérie et la Russie - et sera financé en grande partie par l’Arabie Saoudite, a annoncé le quotidien français Le Figaro dont Dassault est le principal actionnaire. Faisant face à un déficit budgétaire sans précédent, suite à la flambée des cours des hydrocarbures, le Maroc se tourne vers le royaume wahhabite – son principal fournisseur de pétrole – qui prendra en charge le règlement de 12 des 18 avions. Les raisons de cet engagement ? Certainement la volonté de Riyad de se réconcilier avec Dassault, et plus largement avec la France vexée par l’infidélité saoudienne qui s’était approvisionnée chez son rival européen EADS en avions de type Eurofighter. Ce n’est pas la première fois que le Maroc sollicite ainsi l’Arabie Saoudite à l’appuyer financièrement. Déjà en 1975, le Maroc, alors en pleine guerre avec le Front Polisario au Sahara occidental, se tourne vers le royaume saoudien et les Emirats Arabes Unis pour acheter des avions français de type Mirage. Il mit alors à profit le soutien inconditionnel du président français Valery Giscard d’Estaing contre la rébellion indépendantiste sahraouie. La question du Sahara occidental envenime encore et toujours les relations entre Rabat et Alger.
Dassault cumule les contrats
Sur le continent, le Maroc et l’Algérie sont ceux qui consacrent la plus grande part de leurs budgets à l’armement, aux côtés de la Libye. L’Etat, dirigé par le colonel Mouammar Kadhafi depuis 1969, entend bien ne pas rester à la traîne dans cette course régionale à l’armement. Considérablement affaibli par l’embargo sur les armes – de 1986 à 2004, le « guide » de la jamahirya libyenne compte rétablir son arsenal militaire, en acquérant des avions Rafale et des hélicoptères Tigre. Cette commande a été avalisée par la ministre française de la défense Michèle Alliot-Marie. Le Maghreb s’accapare donc le podium militaire africain et Dassault récolte les contrats. Fleuron de la technologie militaire fort de soixante années d’expérience, le constructeur français est aujourd’hui le premier exportateur européen d’avions de combat et l’un des acteurs majeurs de l’industrie aéronautique mondiale. Toutefois, jusqu’à ce jour, Dassault n’avait décroché aucun contrat à l’étranger pour ce type d’avion. Si le Maroc et la Libye confirment leurs achats de Rafale, ils deviendraient ainsi les premiers clients du monde à les acquérir. Les VRP de l’armement français, appuyés par le quai d’Orsay, incitent – à coup de propositions alléchantes- les voisins maghrébins à rétablir l’équilibre militaire avec l’Algérie, client historique de la Russie.
Ce processus de modernisation militaire constitue indéniablement une menace concrète pour la stabilité et l’harmonie géopolitique du Maghreb. Les puissances régionales se refont une santé militaire, aux dépens d’autres secteurs clés. Le Maroc, qui a de tout temps cherché à avoir une supériorité aérienne et militaire au Maghreb riposte au contrat algéro-russe par une commande de Rafale français. L’inextinguible rivalité militaire entre les deux voisins ne s’essouffle point. La course à l’armement se révèle être une course de fond.
Joan Tilouine