Frappé, le 8 septembre, par un puissant tremblement de terre qui a fait 3 000 morts et des milliers de blessés, le royaume a déployé, dès les premières heures, d’importants moyens. Voici les piliers de la gestion de la crise.
La task force du roi du Maroc Mohammed VI.
Montage JA
Le 8 septembre, dans la nuit, la terre tremble au Maroc. Épicentre du séisme : les montagnes du Haut Atlas, dans la région d’Al-Haouz. Le roi, Mohammed VI, qui se trouve à Paris pour une visite privée, est vite informé de la survenue de cette catastrophe naturelle d’une puissance inédite – 7 sur l’échelle de Richter. Dès les heures qui suivent, les premières informations qui remontent au souverain font état d’un important drame humain et matériel, auquel s’ajoute une difficulté majeure. La géographie difficile des régions sinistrées rend en effet les opérations de secours et d’acheminement des aides extrêmement compliquées. Mohammed VI ordonne alors à l’armée d’intervenir immédiatement pour lancer les premières opérations de secours.
Le lendemain, au moment où tout le monde se demandait où se trouvait le monarque, ce dernier est apparu dans son palais de Rabat, tenant une réunion de crise avec des responsables militaires et civils, dans ce qui s’apparente à une « war room ». Chef de l’État, des armées et commandeur des croyants, le roi Mohammed VI use de toutes ses casquettes constitutionnelles pour piloter la gestion de cette crise majeure, d’ailleurs saluée un peu partout dans le monde. Il s’appuie sur une solide équipe, constituée de politiques, de sécuritaires et de militaires.
Dans les réunions de crise que tient le souverain dès le lendemain du séisme, une personne ne manque jamais à l’appel : son plus proche conseiller, Fouad Ali El Himma. Le roi pilote et suit personnellement les opérations de secours, la conception des plans de relogement et de désenclavement des régions sinistrées.
Et si Fouad Ali El Himma coordonne les différents corps engagés dans les opérations (intérieur, équipement, santé, forces de l’ordre…) et fait surtout l’interface entre Mohammed VI et le gouvernement d’Aziz Akhannouch, qui a été mobilisé le lendemain du séisme pour créer une cellule interministérielle chargée d’exécuter les directives du souverain, il est également l’homme par qui les communiqués du cabinet royal, moyen de communication privilégié du Palais, passent avant d’être rendus publics.
Il bénéficie d’une expérience, qui date de sa jeunesse, au ministère de l’Intérieur, mais aussi en politique. Il a été député de 2007 à 2011 et est l’un des fondateurs du Parti authenticité et modernité (PAM), la deuxième formation du pays. Il a ainsi acquis une légitimité dans la coordination des efforts publics, entre acteurs politiques, territoriaux et sécuritaires.
Peu après le tremblement de terre qui a secoué la région d’Al-Haouz, le roi Mohammed VI, chef suprême et chef d’État-major général des Forces armées royales (FAR), a donné ses instructions au général Mohammed Berrid pour piloter sur le terrain les opérations de secours.
Hélicoptères, drones, avions, équipes d’intervention spécialisées dans le sauvetage… Ce tankiste de formation, rompu aux interventions délicates durant ses quarante-trois ans de service au sein des FAR, a alors fait déployer des moyens humains et logistiques colossaux pour rechercher et évacuer les victimes qui étaient inaccessibles par voie terrestre, mais aussi pour acheminer tout le matériel pour venir en aide aux personnes sinistrées (tentes, kits alimentaires, couvertures, etc.).
Des véhicules du génie militaire ont également été mis à contribution pour soutenir les efforts des ingénieurs du ministère des Travaux publics pour déblayer les routes et faciliter l’accès aux zones montagneuses. Autre volet clé supervisé par le numéro deux de l’armée : la mise en place d’un hôpital de campagne pour permettre une prise en charge rapide des blessés.
Au Maroc, dans les zones rurales, c’est la gendarmerie royale qui fait office de figure d’autorité et qui veille sur la sûreté publique. Aussi, le général de corps d’armée Mohamed Haramou, qui a succédé au célèbre général Hosni Benslimane (dont il est un des « poulains ») en 2017, est un personnage clé dans le dispositif de gestion de la catastrophe du 8 septembre. Ce séisme, dont l’épicentre se trouvait à environ 70 kilomètres au sud-ouest de Marrakech, a fait les plus importants dégâts en dehors des zones urbaines, dans les montagnes du Haut Atlas ou dans les plaines du Haouz.
Homme de confiance du roi, ce père de famille a longtemps fait partie du Groupement d’escadrons d’honneur (GEH), l’une des principales structures de la gendarmerie royale, qui a pour mission essentielle d’assurer l’escorte et la sécurité rapprochée des personnalités, et tout particulièrement du roi et des VIP. Dans cette gestion de crise, l’intervention du corps armé qu’il dirige est indispensable. La gendarmerie connaît en effet mieux que quiconque le terrain et les populations locales, peut sécuriser de manière rapide et efficace les zones sinistrées et organiser, dans ces zones rurales et montagneuses éloignées, les secours et les convois d’aides de tout genre venus des quatre coins du pays.
Épine dorsale de l’administration, le ministère de l’Intérieur, que dirige le polytechnicien Abdelouafi Laftit depuis 2017, a pris en charge le volet communication, dans un premier temps pour appeler la population à garder son calme, mais aussi afin de tenir le public informé des évolutions de la situation et de l’évaluation des dégâts.
Il se fonde sur la stratégie de gestion des catastrophes naturelles établie en 2015, qui offre un cadre institutionnel fort et des processus rodés, pour piloter une cellule de crise permettant le recensement des morts et des victimes, et une cartographie précise des besoins. Une base de données essentielle reposant sur les informations fournies par l’armada de walis de région, de caïds, d’administrations centrales, de gouverneurs et autres responsables locaux. À côté de ce travail de coordination politique, le ministre de l’Intérieur a présidé, depuis le début de la catastrophe, plusieurs réunions à huis clos avec les parlementaires et chefs des communes sinistrées afin d’évaluer la situation.
À la tête de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) et de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST), Abdellatif Hammouchi assure la protection des biens et des personnes. Il veille avec ses hommes de la police et des services de renseignement à ce que l’ordre et la sécurité publique soient respectés.
Ce fidèle parmi les fidèles du roi Mohammed VI s’acquitte efficacement de cette mission, sévissant avec fermeté face aux escrocs potentiels qui aimeraient profiter de la situation ou de la fragilité des victimes. On l’a ainsi vu aller à la rencontre des habitants du quartier du Mellah à Marrakech et recueillir leurs griefs, mais aussi donner des consignes à ses collaborateurs pour lutter contre les agressions sexuelles ou la traite d’être humains. D’autres enquêtes sont engagées à l’endroit d’individus s’étant livrés à la diffusion de contenus inappropriés ainsi que de tous ceux qui incitent, de près ou de loin, à des crimes et délits contre des personnes et des biens.
Décidément, les mandats successifs de Khalid Aït Taleb à la tête du ministère de la Santé n’auront pas été de tout repos. Après avoir eu à gérer la pandémie de Covid-19, au sein du gouvernement de Saâdeddine El Othmani, ce professeur de médecine, ex-chef du service de chirurgie viscérale au CHU de Fès, est à nouveau au-devant de la scène.
Un vaste dispositif médical a été mis en place dès les premières secousses. Et, au niveau des régions parmi les plus sinistrées, le ministre a désigné un professeur de réanimation comme régulateur médical pour permettre la prise en charge et le transfert rapides des victimes vers les différentes unités hospitalières, en fonction de la gravité de leurs blessures. Il n’a d’ailleurs cessé de saluer « la grande solidarité » des Marocains lors de cette épreuve, qu’elle s’exprime par une assistance de proximité ou à travers une mobilisation importante dans les opérations de don de sang.
Malgré les nombreux dégâts (plus de 3 000 morts et des milliers de blessés), la situation sanitaire est donc restée « sous contrôle », comme l’a souligné le directeur du Programme des situations d’urgence au bureau régional de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Richard Brennan, dans une déclaration à la chaîne qatarie Al-Jazeera. Dans le cadre du programme initié par Mohammed VI pour la gestion du séisme, le département dirigé par Aït Taleb œuvre déjà à la mise en place d’un cadre de vie amélioré pour les populations du Haut Atlas, avec une mise à niveau des structures de santé situées dans ces régions, visant notamment à les doter de plus de 1 500 lits supplémentaires, ainsi qu’à reconstruire et à réhabiliter les centres de santé qui ont été touchés.
Aux côtés des FAR, des forces auxiliaires et de la protection civile, des médecins et infirmiers, le ministère de l’Équipement et de l’Eau, que dirige Nizar Baraka, 58 ans, est l’autre pilier de la gestion de la catastrophe. Tout son personnel (cadres, ingénieurs, chauffeurs…) s’est immédiatement mobilisé afin de déblayer les routes et ouvrir l’accès aux douars sinistrés aux différentes équipes d’intervention. La première opération de déplacement d’engins de génie civil a débuté à 3 heures du matin, soit moins de quatre heures après le séisme.
Le ministère, à Rabat, a littéralement été vidé et tout le monde est descendu sur le terrain, dans la région entre Marrakech et Taroudant. Le ministre a sillonné en toute discrétion la région pour s’assurer de l’avancement des travaux – pas moins de 64 routes nationales et régionales ont été endommagées, sur plus de 900 kilomètres. Le secrétaire général du ministère a quant à lui élu domicile à Tahannaout, près de l’épicentre du séisme, pour pouvoir superviser l’action de la cellule de crise créée pour gérer la situation, centraliser les données, les actualiser, faire la coordination avec les forces de l’ordre…
Un travail titanesque, mobilisant plus de 235 engins de chantiers très lourds dépendant du ministère, en plus d’une centaine mis à disposition par les entreprises de BTP marocaines, qui va permettre de remettre en état les routes endommagées ou détruites par le séisme et de préparer le terrain aux opérations de reconstruction et de relogement. Mais aussi, dans un second temps, de restructurer et de moderniser tout le réseau routier de la région avec une nouvelle ingénierie.
Homme fort du ministère des Finances, le ministre délégué au Budget a été naturellement sollicité pour appuyer financièrement la gestion de la catastrophe. Mais aussi et surtout pour évaluer avec l’ensemble des intervenants de la chaîne étatique le programme de reconstruction. En moins de dix jours, Fouzi Lekjaâ, qui dispose pourtant de peu de marge de manœuvre budgétaire en raison de la situation économique actuelle, est parvenu à dégager un budget de 120 milliards de dirhams (environ 11 milliards d’euros) sur cinq ans pour financer le plan royal.
Un montant colossal qui équivaut à 10 % du PIB du Maroc, mais qui ne perturbera en rien les autres grands chantiers stratégiques lancés par le royaume et encore moins les équilibres financiers du pays. Le plan de reconstruction et de mise à niveau général des régions sinistrées a été présenté dès le lendemain de son annonce par Lekjaâ aux députés. Il s’agit d’un montage ingénieux de 24 milliards de dirhams (environ 2,2 milliards d’euros) annuels, qui fait appel au budget de l’État, des collectivités territoriales et des régions, ainsi qu’aux recettes du fonds de solidarité créé pour collecter les dons de la population et les aides internationales.
Il servira non seulement à la reconstruction, à la réhabilitation des infrastructures, mais aussi à doter les régions sinistrées d’un plan de développement global pour résorber leurs déficits sociaux et y promouvoir l’activité économique et la création d’emploi. Une manière de réparer les dégâts du séisme et d’en tirer également les leçons pour désenclaver ces régions montagneuses.